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Actualités - CHRONOLOGIE

Concert Un duo de violon et piano explosif et magnétique

Edgar DAVIDIAN En droite ligne de Madrid, deux jeunes talents d’origine libanaise, Ara Malikian (violon) et Daniel del Pino, ont littéralement brûlé les planches de l’Assembly Hall (AUB) avec un programme aux accents éminemment ibériques. Présenté par l’Institut Cervantès, un concert dédié surtout à Sarasate et Albeniz a groupé un large public de mélomanes venu applaudir l’exceptionnelle prestation de deux jeunes maîtres du violon et du clavier. Explosif et magnétique hommage à Sarasate et Albéniz dans ce menu au parfum intensément ibérique, mais aussi des pages d’Arbos, de Liszt et d’une partition d’Albéniz revisitée par Kreisler… Ouverture en solo de piano par Daniel del Pino, lunettes vissées au nez, tignasse noire un peu ébouriffée, sanglé dans un costume sombre, avec la Sonate n 5 en sol bémol majeur d’Albéniz. Deux mouvements (allegro ma non troppo et allegro) pour illustrer l’inspiration du «nouveau Mozart» né à Campadon en Catalogne… Narration aux modulations tendres et nuancées mêlant adroitement couleur et poésie pour dévoiler le mystère et la féerie du piano. Arrive sur scène Ara Malikian, et c’est la tornade… Cheveux annelés tenus en queue-de-cheval touffue, doigts bagués au médium, jean et veste noirs étriqués, le violoniste a du bagout (en anglais s’il vous plaît !) pour s’adresser à l’auditoire et expliquer ce qu’il interprète. Fichant ainsi, avec une savoureuse impertinence, l’ordre du programme imprimé. Mais qui s’en fout de l’ordre quand il y a cette teneur de talent, cette force de la nature, cet emportement et cette dévotion pour la musique? En fusion absolue avec sa boîte magique, cette amie de toutes les errances, amoureusement nichée au creux de son cou, Ara Malikian scande le rythme, martèle le sol, s’arc-boute et se tient presque à califourchon en l’air, lève la jambe comme un équilibriste et claque nerveusement des talons pour une dernière mesure… Et en avant la «féria» endiablée des notes. Des notes incendiées et incendiaires, brûlantes comme une lave, douces comme un chant de rossignol, sensuelles comme les caresses des amants, volatiles comme du mercure…. De Sarasate d’abord ce saisissant Air bohémien. Magie tzigane sur fond de trémolos insoutenables, de langueur à fendre pierre et de sanglots longs qui ont tant fait pleurer Verlaine…. Place ensuite, en naturelle prolongation à un moment hors du temps avec ces czardas rêveurs, à ce Capriccho Vasco, toujours de Sarasate. Rythmes fous, mélodies virevoltantes, cadences rapides, couleurs fortement ramagées, «pizziccatti» d’enfer… Changement un peu de ton, mais pour rester toujours dans les lumineuses frontières du pays de Lorca, avec cette danse chaloupée et vive intitulée «Guajira» d’Arbos. Falbalas, froissements d’étoffes, jupes volantes, tailles serpentines et chevilles nerveuses pour ces furieux coups d’archets ponctués par un clavier aux aguets des rythmes et des cadences… La danse est toujours sous les feux de la rampe avec ce Tango d’Albeniz revu par le prodigieux violoniste virtuose autrichien Kreisler pour des effets d’irrésistible séduction sonore. Moment de répit pour le violoniste et le clavier déploie, une fois de plus, en solo et grande pompe, ses arpèges, ses chromatismes et ses mélodies tout en grappes opalescentes. Comment en serait-il autrement avec la Rhapsodie espagnole de Frantz Liszt? Rhapsodie aux grondements sourds et dont les effets de fioritures ne craignent même pas le gongorisme ou ces «boursouflures» dont parlait Wagner… Mais l’interprétation de Daniel del Pino, impétueuse et d’une fougue chargée de sensibilité, est au-dessus de tout éloge. Pour conclure, l’Espagne dans son essence la plus fine, la plus colorée, la plus ensoleillée, la plus sensuelle, la plus rebelle. Une Fantaisie sur le thème de Carmen de Sarasate. De l’air de l’amour cet oiseau rebelle à la danse de la séguedille sous les remparts de Séville chez l’ami Pastia, le violon et les accords du clavier font un mariage enchanteur, ensorceleur. Toutefois, c’est bien l’archet qui l’emporte ici avec son dire flamboyant et ses accents au lyrisme si capiteux, si enjôleur… Mais au fond, est-ce le violon qui habite Ara Malikian ou l’inverse? Pour cette brillante performance (car il y a chez ces deux jeunes talents un véritable art de la scène!), le public a réservé bien entendu une longue ovation debout. En bis, une surprise de taille! Non pas un opus d’un compositeur du pays de Granados, mais Une valse arabe du musicien libanais Rabih Abou Khalil installé à l’étranger. Opus vif, endiablé, sensuel, ondoyant, ondulant comme une couleuse de nombril… Nouveau tonnerre d’applaudissements d’un public totalement sous le charme d’un programme riche, original et surtout d’une interprétation doublement haut de gamme alliant avec tant d’assurance et de simplicité virtuosité, bravoure et brio. Un vrai moment de bonheur que les mélomanes n’oublieront pas de sitôt!
Edgar DAVIDIAN


En droite ligne de Madrid, deux jeunes talents d’origine libanaise, Ara Malikian (violon) et Daniel del Pino, ont littéralement brûlé les planches de l’Assembly Hall (AUB) avec un programme aux accents éminemment ibériques.
Présenté par l’Institut Cervantès, un concert dédié surtout à Sarasate et Albeniz a groupé un large public de mélomanes...