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Actualités - CHRONOLOGIE

Art sacré Le père Abdo Badwi, iconographe de l’Église maronite Nada MERHI

Peintre et iconographe, le père Abdo Badwi a apposé sa signature à plusieurs églises dans le monde. Il y a près d’un an, l’une des icônes qu’il a peintes, « L’arbre de Jessé », a été choisie pour illustrer un timbre issu par Zazzle aux États-Unis. États-Unis, fin 2007. Patti O’Kane, psychiatre, se promène dans les rues de Brooklyn. Ses pas la guident jusqu’à l’église Notre-Dame où sont exposées des icônes de la collection L’iconographie de l’année liturgique de l’Église maronite, une série de quarante icônes réalisées par le père Abdo Badwi, publiées dans un livre quadrilingue et une boîte en plexiglas, «au service de la liturgie et de l’Église maronite», et répandue dans le monde. La psychiatre tombe en admiration devant l’iconographie représentant la Généalogie du Seigneur ou L’arbre de Jessé et demande à entrer en contact avec l’artiste. Patti O’Kane lui demande alors s’il acceptait qu’elle propose l’icône à la compagnie Zazzle pour qu’elle fasse l’objet d’un timbre. «J’ai aussitôt accepté et le timbre a été issu après l’approbation du bureau de la poste américaine», explique le père Badwi, rencontré par L’Orient-Le Jour à l’issue d’une cérémonie organisée en son honneur à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK). «L’icône est une composition personnelle inspirée de quelques icônes melkites antiochiennes et de quelques miniatures romanes et gothiques, poursuit-il. Elle représente Jessé (le père de David) allongé et portant dans la main gauche l’Écriture disant: “Et un rejeton sortira de la souche de Jessé”. Derrière lui, le tronc pousse verdoyant et s’étire en forme circulaire autour de la Mère de Dieu, de type “iligien”, qui porte le Sauveur du monde. Sur les feuilles vertes sont inscrits en syriaque les noms des patriarches de Jessé et de David jusqu’à Joseph, l’homme de Marie qui a donné naissance à Jésus.» Dans son atelier situé sur le campus de l’USEK, où il conçoit aussi des habits liturgiques, le père Badwi poursuit: «J’ai toujours été fasciné par la peinture et je m’y suis initié avec Joseph Matar de 1970 à 1975. À l’âge de 26 ans, lorsque j’ai été ordonné prêtre, je me suis rendu à Rome où j’ai obtenu, en 1979, un diplôme en peinture de l’Academia di Belle Arti di Roma.» De retour au Liban, le père Abdo Badwi s’est lancé dans une recherche personnelle notamment «dans le domaine iconographique syriaque maronite». «J’ai peint plusieurs thèmes dans ma vie, mais je me suis finalement consacré surtout à l’art sacré», ajoute l’artiste, qui a été accompagné, pendant une certaine période de sa vie, par Saliba Douaihy, qui a peint le plafond de l’église du siège patriarcal à Dimane. «J’estime que j’ai une mission à accomplir, surtout envers mon Église et mon pays, d’autant que l’art sacré se perd. En effet, au Liban, nous n’avons pas un art sacré, mais religieux. Ce qui est dommage. L’art religieux est un art quotidien et émotionnel aux thèmes religieux. Tandis que l’art sacré est transcendantal, théologique, liturgique et biblique. C’est un art éternel. Et les icônes sont l’un des aspects de cet art », souligne-t-il. Un pilier de l’USEK Membre du Groupe d’études et des recherches souterraines au Liban, du Comité patriarcal d’art liturgique, du Comité de sauvegarde de la Qadisha, de la Canadian Society for Syriac Studies et de la Universal Peace Federation, membre fondateur du Comité des biens culturels de l’Église au Liban et fondateur du département de l’art sacré à l’USEK, le père Abdo Badwi estime «avoir eu de la chance». «Mon ordre m’a en fait libéré des tâches bureautiques pour que je puisse me consacrer à mon art, reconnaît-il. J’ai fait mon service militaire lorsque j’ai été désigné doyen de la faculté des beaux-arts à Kaslik six ans durant. Je ne le refais plus. L’administration me tue. J’ai même demandé qu’on me tienne à l’écart des tâches administratives, parce que si je vais interrompre mon travail, je vais perdre tout ce que j’ai fait à ce jour. J’en suis convaincu.» L’artiste, qui a également à son actif des mosaïques et des œuvres variées en aquarelle, huile et en acryliques, insiste: «Avec mon atelier, je suis devenu l’un des piliers de l’USEK. De plus, ma persévérance et mon entêtement m’ont permis de réussir, d’autant que j’ai longtemps lutté contre les moines, les prêtres et les évêques qui ne sont pas familiers avec ce domaine.» Le père Abdo Badwi a apposé sa signature à plusieurs dizaines d’églises répandues aux quatre coins de la planète. De l’Argentine jusqu’en Australie (Melbourne), en passant par le Canada, les États-Unis (Youngstown Ohio, Easton Pennsylvanie, Chicago, Floride), le Vatican, l’Égypte (Alexandrie), Chypre (Nicosie, Kotsiatis), la Turquie (Elyazig, Harput), la Syrie (Alep, Lattaquié, Tartous), la Terre Sainte (Nazareth, Haïfa) et, bien sûr, le Liban (Bkerké, Kaslik, Saint-Charbel, Mar Mikhaël-Chiyah, Saint-Antoine Sodeco, Rmeich, Borjein, Maanyeh, sœurs du Rosaire à Mansourieh, Saghbine, Notre-Dame de la Source à Menjez, dans le Akkar). «Si ce ne sont pas mes mosaïques, mes vitraux ou mes peintures murales, vous y trouverez au moins une icône exposée devant l’autel, indique le père Badwi. C’est un grand honneur et une grande gloire qui vaut un patriarcat ou une présidence. Je laisse des œuvres éternelles aux générations futures.» Et d’ajouter: «J’aime mon travail et je m’y adonne à cœur ouvert. Je suis aussi un passionné des voyages et des recherches. J’ai parcouru tout le Moyen-Orient dans ma voiture à la recherche de symboles et d’objets du christianisme. Je possède au moins 13 000 diapositives, plusieurs albums et des vidéos. Cette collection est une source de documentation pour les étudiants qui s’intéressent à l’art sacré, à l’Orient, au syriaque et au byzantin. Avec toutes ces recherches, nous avons abouti à un certain style unique, que j’ai refait et renouvelé pour l’Église maronite. Cette dernière a en fait perdu l’iconographie. Elle s’est trop latinisée, s’inspirant de l’art décadent de l’Église latine et non du bel art. Il est temps de retrouver un style pour l’Église maronite qui soit traditionnel et iconographique, et en même temps contemporain. Et c’est ma réussite. Je ne prétends pas réinventer l’icône maronite, mais il s’agit là d’un essai iconographique contemporain pour l’Église maronite et tous les futurs artistes de l’art sacré. Nous devons faire revivre notre héritage et notre patrimoine.»
Peintre et iconographe, le père Abdo Badwi a apposé sa signature à plusieurs églises dans le monde. Il y a près d’un an, l’une des icônes qu’il a peintes, « L’arbre de Jessé », a été choisie pour illustrer un timbre issu par Zazzle aux États-Unis.
États-Unis, fin 2007. Patti O’Kane, psychiatre, se promène dans les rues de Brooklyn. Ses pas la guident jusqu’à...