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Actualités - OPINION

Gibier de poche

Ils les guettent à l’aube naissante et les attirent avec des mélodies de passion qui les ensorcellent. Ils s’invitent entre amis pour s’amuser, s’entraîner et passer du bon temps en oubliant le stress du crash financier et les cours des matières premières ; puis le massacre commence. Vous savez, c’est si facile de tirer sur des nuées de migrateurs apatrides qui tournoient affolés dans l’air froid d’un hiver sec et glacial. Et puis c’est un massacre indolore à la conscience des humains, surtout les civilisés ; elles sont si nombreuses, vous savez, ces créatures aux cris assourdissants. Et quoiqu’on dise, il en restera toujours assez pour ne pas craindre l’extinction de l’espèce ; et puis ils ne sont pas d’ici, vous savez… Rassurez-vous, ce n’est pas de nos fiers chasseurs qu’il s’agit. De ces fiers héros qui défendent, au mépris de leurs tympans, l’intégrité de notre espace aérien de l’assaut des oiseaux de passage. Non, c’est une autre partie de chasse, et c’est du peuple de Gaza qu’il s’agit. Vous savez ces hordes de miséreux sans identité, tellement nombreux dans une bande étroite qu’ils en font le lieu le plus densément peuplé de la terre. Des désespérés qui s’échappent chaque nuit grâce à leurs rêves fous vers un monde plus chaleureux et plus tolérant de leur existence. Des pauvres qui n’ont plus que la promesse des richesses de l’au-delà pour leur rendre un souffle d’humanité, et qui font peur aux démocrates en piaillant leur souffrance. Mais heureusement qu’ils sont là : des jeunes Israéliens qui semblent, en défilant avec leur attirail au grand complet, comme directement sortis d’un feuilleton Chasse & Pêche. Ils ont même invité leurs copains réservistes pour faire partie de la fête. Il faut être vraiment maladroit pour rater sa cible à chaque coup de feu et ne pas ajouter une encoche sur son fusil par enfant éliminé. Car il y en a plein de ces migrateurs en rêve, au mètre carré, même au mètre cube si on inclut les immeubles-tours construits le temps d’un mirage d’indépendance. Quand la saison sera terminée, les fiers chasseurs de Tsahal rentreront dans leurs petites familles en posant sur leurs gros chars et leurs véhicules 4x4. Ils montreront probablement quelques trophées glanés ici et là. Et puis, dans quelque temps, preuve d’une liberté et d’une démocratie sans pareilles dans cette partie du monde, leurs écolos au cœur tendre s’indigneront devant leurs méthodes de massacre ; et sur les marches de Cannes coulera un torrent de larmes de crocodile en attendant d’autres trophées, culturels et humanitaires cette fois. Entre-temps, le sang continue à couler en une longue et intarissable rivière rouge qui relie des locaux fidjiens de la Finul à une école de l’Unrwa, en passant par d’innombrables immeubles bondés et écrabouillés par erreur en infinis dommages collatéraux. Un sang d’enfants qui auraient pu, crime impardonnable, tourner antisémites en comprenant mal le droit à la légitime défense de l’État le plus civilisé et le plus démocratique de notre région. En règle générale, le gros gibier est compté et il est interdit aux chasseurs de dépasser les quotas qui leur sont assignés. Les petits migrateurs, quant à eux, sont classés en gibier de poche. Et le gibier de poche, si on aime, on ne compte pas ! Wassim HENOUD
Ils les guettent à l’aube naissante et les attirent avec des mélodies de passion qui les ensorcellent. Ils s’invitent entre amis pour s’amuser, s’entraîner et passer du bon temps en oubliant le stress du crash financier et les cours des matières premières ; puis le massacre commence.
Vous savez, c’est si facile de tirer sur des nuées de migrateurs apatrides qui...