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Actualités

Japon Un ange gardien sur la falaise de Tojinbo

L’inspecteur Ykio Shige a sauvé la vie à 167 candidats au suicide. La falaise de Tojinbo est tristement célèbre au Japon pour avoir été le théâtre de centaines de suicides, mais les désespérés ont un ange gardien en la personne de Yukio Shige, un ancien policier qui tente de les dissuader de passer à l’acte. Muté il y a cinq ans dans cette bourgade du centre de l’archipel, sur la côte de la mer du Japon, l’inspecteur Shige a découvert avec effarement que les habitants du coin s’étaient spécialisés dans le « tourisme du suicide ». Mis à la retraite un an plus tard, il parcourt depuis presque quotidiennement le kilomètre et demi de littoral avec des jumelles, repérant les candidats à la mort pour les convaincre de ne pas se jeter dans les flots. « Vous comprenez ce que la personne a en tête juste en observant la façon dont elle se tient sur le bord. La plupart d’entre elles semblent soulagées et fondent en larmes dès que je leur dis bonjour », explique M. Shige. L’ancien policier les emmène alors dans le café qu’il a ouvert non loin de la falaise, où il leur sert un gâteau de riz. Après les avoir convaincues, il les raccompagne chez elles et si la personne sauvée n’a plus d’endroit où habiter, il l’aide à trouver un logis avec son association caritative. La tâche que s’est assignée l’ex-inspecteur n’est pas de tout repos, car pas moins de 257 désespérés se sont précipités du haut de la falaise en dix ans. L’action de M. Shige a toutefois permis de sauver 167 personnes, selon ses calculs. Le taux de suicide est très élevé au Japon, 24 pour 100 000 habitants en 2006 contre une moyenne mondiale de 16 selon l’OMS. Plus de 30 000 personnes mettent fin à leur jour chaque année dans l’archipel, des hommes dans près des trois quarts des cas. Lorsqu’il est arrivé à Tojinbo il y a cinq ans, M. Shige ignorait la réputation du bourg. Mais il a vite constaté que des corps étaient souvent repêchés au large. « J’ai été choqué parce que les gens d’ici trouvaient ça banal », explique-t-il. Le policier découvre alors que l’économie locale exploite le filon. « Les guides font visiter l’endroit aux touristes qui arrivent en bus dans le cadre d’un “circuit mystérieux” », déplore M. Shige. Dans les boutiques, les visiteurs peuvent acheter des tee-shirts où est inscrit « Je suis las de vivre » ou « Je vis un enfer ». Aucune barrière de protection ni avertissement n’ont en revanche été installés en haut de l’à-pic. « J’ai demandé aux guides de cesser de présenter Tojinbo comme une curiosité touristique, mais un responsable municipal m’a dit d’arrêter. “S’ils le font, plus personne ne viendra visiter la ville”, m’a-t-il dit. » Selon M. Shige, tout cela « encourage les gens à venir se suicider » à Tojinbo. L’existence de son association est menacée, faute de subventions publiques. Mais l’ancien policier affirme vouloir malgré tout continuer sa mission, « tant que les pouvoirs publics n’auront pas fait quelque chose ». Exemple de l’inertie des autorités, M. Shige se souvient d’un couple ruiné qu’il avait sauvé – provisoirement – du suicide. Convaincus d’aller voir les services sociaux, les époux n’avaient reçu que quelques yens de la mairie qui leur avait conseillé d’aller quêter ailleurs. Ils se sont pendus peu après, a appris l’ancien policier. Cette indifférence des pouvoirs publics l’inquiète, d’autant que le nombre de suicides pourrait augmenter, selon lui, avec la récession économique mondiale qui frappe le Japon. En novembre, quatre des six personnes sauvées par M. Shige lui ont dit avoir voulu mourir car elles ne trouvaient pas d’emploi.
L’inspecteur Ykio Shige a sauvé la vie à 167 candidats au suicide.
La falaise de Tojinbo est tristement célèbre au Japon pour avoir été le théâtre de centaines de suicides, mais les désespérés ont un ange gardien en la personne de Yukio Shige, un ancien policier qui tente de les dissuader de passer à l’acte. Muté il y a cinq ans dans cette bourgade du centre de...