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Actualités - REPORTAGE

Reportage À la frontière, les contrebandiers espèrent voir le bout du tunnel

Lorsque s’achèvera la guerre à Gaza, Abou Ali veut réparer « son » tunnel sous la frontière avec l’Égypte, l’un de nombreux souterrains de contrebande frappés par l’aviation israélienne. « La vie à Gaza ne peut continuer si les tunnels sont détruits car ils sont notre unique ouverture sur le monde », affirme Abou Ali, qui préfère taire son nom de famille. Les galeries de contrebande, dont des centaines ont été creusées ces dernières années sous la frontière entre Gaza et l’Égypte, constituent une précieuse voie de ravitaillement pour le territoire palestinien soumis à un blocus israélien depuis plus de deux ans. Produits alimentaires, matériaux de construction, appareils électriques, mais aussi des armes – notamment des roquettes – et des munitions, destinées aux groupes armés, sont acheminés de l’Égypte vers la bande de Gaza par ces passages, dont l’exploitation est un juteux commerce. C’est aussi une manne pour le Hamas qui prélève des taxes sur les revenus des tunnels, reliés au réseau électrique avec le feu vert du mouvement. Consciente que la contrebande souterraine, notamment d’armes, est le nerf de la guerre du Hamas, l’armée israélienne en a bombardé plusieurs dizaines depuis le début de son offensive. Abou Ali se dit toutefois déterminé à « réparer » le tunnel, sévèrement endommagé dans les raids, qu’il exploitait avec quatre partenaires dont un chef de la branche militaire du Hamas. En attendant, il n’ose pas y aller car « les avions israéliens attaquent tous ceux qui s’approchent de la frontière ». Depuis le bombardement du tunnel, ce sympathisant du Hamas, sa femme et leur fille ne dorment plus dans la maison familiale à Rafah, de crainte qu’il ne soit personnellement lui aussi pris pour cible par l’armée. « Nous ne savons pas si nos tunnels ont été touchés ou pas par les bombes israéliennes car personne ne peut arriver là-bas. Après tout, notre vie est plus importante que l’argent et le travail », renchérit Ayman, dont la famille exploite deux souterrains, l’un pour les marchandises et l’autre pour le carburant. « Nous avons dû payer pour faire venir une cargaison de boîtes de conserve par un autre tunnel qui reste opérationnel, ce qui fait que leur prix sur le marché va augmenter », ajoute le contrebandier. Pour lui, ce n’est pas l’appât du gain, mais le blocus « qui pousse les gens à risquer leur vie » dans les tunnels. Des dizaines de Palestiniens sont en effet morts ces derniers mois dans l’effondrement de plusieurs souterrains. Un autre contrebandier, Iskandar, estime que l’Égypte fermera les yeux sur les tunnels qui échapperont aux attaques. « L’Égypte ne veut pas que le peuple de Gaza meure de faim, sans oublier que les tunnels rapportent aux commerçants égyptiens de l’autre côté jusqu’à 45 millions de dollars par mois », dit-il. Le Caire est constamment pressé par Israël de sévir contre les couloirs souterrains de son côté de la frontière. La destruction de nombreux tunnels ces derniers jours a entraîné des pénuries dans les magasins de Gaza, qui regorgeaient de produits « importés » d’Égypte. Abdel Wahab, pharmacien, faisait venir chaque mois d’Égypte grâce aux contrebandiers des médicaments pour 6 000 dollars. « Nos pertes en raison de la destruction des tunnels sont énormes et personne ne va nous dédommager. Ailleurs, les tunnels sont généralement utilisés pour le trafic de drogue, mais à Gaza ils nous permettent de continuer à vivre », dit-il. La police du Hamas surveille de près les activités des exploitants des tunnels pour empêcher l’entrée de drogues ou d’armes, ces dernières étant acheminées par des souterrains spéciaux gérés par les groupes armés palestiniens. Outre les tunnels, l’aviation israélienne a partiellement détruit le marché al-Nijmeh à Rafah. Alors qu’il grouillait quotidiennement de clients avant l’offensive, quelques-uns seulement s’y aventurent ces jours-ci pour acheter des bonbonnes de gaz ou du diesel, en attendant des jours meilleurs. Adel ZAANOUN (AFP)
Lorsque s’achèvera la guerre à Gaza, Abou Ali veut réparer « son » tunnel sous la frontière avec l’Égypte, l’un de nombreux souterrains de contrebande frappés par l’aviation israélienne. « La vie à Gaza ne peut continuer si les tunnels sont détruits car ils sont notre unique ouverture sur le monde », affirme Abou Ali, qui préfère taire son nom de famille.
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