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Actualités - OPINION

Le sacré, le miraculeux et la parodie d’élections

« Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Je me tourne vers les pasteurs, je leur redemanderai mes brebis, et Je ferai qu’ils n’auront plus de troupeau à paître, et les pasteurs ne se paîtront plus eux-mêmes, et J’arracherai mes brebis à leur bouche, et ils ne les auront plus pour les manger. » Ézéchiel 34:10 Heureux sommes-nous, les Libanais, que ce soit au Liban ou dans notre diaspora. Heureux car nous vivons dans le monde des merveilles. Nous ne manquons pas de miracles dans notre quotidien. Heureux car nous avons des pasteurs-chefs vigilants qui nous traitent comme des adolescents n’ayant pas encore les facultés de la maturité ; ce qui nous épargne les complications dangereuses de la frénésie de modernité (par exemple : loi électorale proportionnelle civique, vote à l’âge de 18 ans) . Ainsi, nous restons paisiblement dans la certitude de ne pas nous égarer. Il est vrai qu’ils se nourrissent souvent de notre chair, mais c’est l’ordre des choses. Ce n’est pas n’importe quelle sorte de pasteurs. Ils ont leurs sources d’inspiration pour nous étonner par de nouveaux miracles et tours de main. Ils nous affirment que leurs autorités sont fondées sur le divin, le sacré, le parfait, l’honneur national, l’intérêt suprême du pays ou du troupeau. Ils maîtrisent l’art de manipuler, et avec un sens aigu de leurs intérêts, lesquels sont évidemment nos intérêts aussi, sans que nous n’en soyons conscients, parce qu’ils sont purs, eux, propres et clairvoyants. Ils nous offrent des spectacles étourdissants, que Hollywood pourrait nous envier. Ils sont toujours là, affables et prêts à nous aider. Ils nous procurent des tuteurs. Sans tuteurs, il nous serait difficile de nous retrouver. Les tuteurs sont une bonne chose ; ils peuvent venir de loin ou être juste à côté. Ils savent même quand il est propice de changer de tuteurs. N’oublions pas aussi les sages-femmes. Ils les connaissent bien. Chaque fois que nos crises ont besoin d’accoucher, ils s’arrangent pour trouver les sages-femmes capables d’aider à mettre au monde un accord de conciliation mort-né (Lausanne, Taëf, Doha). L’impressionnant, c’est cette capacité de transformer ces paisibles troupeaux que nous sommes en hordes de loups cruels qui ravagent les champs d’autres troupeaux : ennemis de la foi, agents de l’étranger, adorateurs du Grand Satan. Nous nous massacrons au nom de la foi, tandis que toutes nos communautés révèrent un Dieu unique. Heureusement, c’est Sannine qui domine notre paysage et non pas l’Olympe, avec sa multitude de dieux et leurs guerres interminables. Homère n’aurait pas eu de chance chez nous. C’est le pays des miracles : l’agneau devient loup, les colombes se changent en faucons, les ennemis jurés se retrouvent comme des associés liés par des contrats soigneusement élaborés… Ce n’est pas schizophrénique, c’est plutôt l’art de mener le troupeau et de faire une volte-face imprévue sans déraper. Ils savent passer d’une guerre sainte à une entente avec les mêmes mécréants. Ils s’acharnent, réconciliés et soucieux de mettre fin à la discorde, cherchent à rétablir l’ordre et l’harmonie. Alors, nous pouvons nous réjouir de leur réconciliation. Car leurs enfants prodigues sont chargés de prendre fermement en main les affaires. Finis le gaspillage et la corruption de ceux qui gouvernaient sans entente nationale. Les enfants prodigues mettent fin à l’ordre ancien ; c’est un ordre nouveau qui doit voir le jour. Restaurer les institutions est une perte de temps, développer des procédures, et des instruments de contrôle et de gestion est une preuve de mauvaises intentions. Pas besoin de Conseil de ministres, leur honnêteté est une garantie largement suffisante. Applaudissons ! Nos pasteurs s’inspirent de l’histoire de l’humanité. Bonaparte aurait été amusé par ses copieurs qui vont plus loin. Nous voilà témoins d’inspiration presque missionnaire. Apparemment, ni Ernest Renan ni Dan Brown (« Le Code de Vinci ») ne sont bien connus par plusieurs de ces chefs. Cela nous épargne d’établir des arbres généalogiques allant jusqu’à Nazareth. Saddam avait eu l’idée de s’inventer une ascendance… Nombreux sont ceux qui s’impatientent, dans l’attente des élections qu’ils croient être déterminantes. Elles le seront probablement ; mais le scrutin sera disputé surtout dans les régions à majorité chrétienne. Ailleurs, ce serait presque partout un festin pour consacrer les sélectionnés par les pasteurs. Curieusement, l’idée de faire un tirage au sort des futurs élus n’est pas venue à l’esprit de ces derniers. La curiosité insatiable des Occidentaux les conduit à vouloir être des invités au festin. Quelques-uns pensent que c’est par manque de confiance, que c’est même une atteinte à la souveraineté. Pourquoi ne s’agirait-il pas d’un désir d’assister à un spectacle qu’il conviendrait de ne pas rater ? L’Occident ne cherche plus, si jamais il l’a voulu, à comprendre cet Orient compliqué, l’essentiel étant d’asseoir sa propre supériorité. L’orientalisme, si mal vu par Edward Said, et malgré son rôle incontestable dans le processus de la connaissance, mais aussi de la domination, n’a pas pu offrir à la raison occidentale le moyen de classifier l’Orient, son spirituel et ses mythes selon ses propres normes et sa méthodologie. Fuyons alors l’incompréhensible ! Les valeurs de liberté et de démocratie ne sont plus à l’ordre du jour. Despotisme ? Cela pourrait changer. Soyons pragmatiques et réalistes. Vos pasteurs-chefs et vos tuteurs corrigent leur « behavior ». Ça nous suffit, disent-ils, mais faisons semblant de rien et continuons notre jeu. Soyez patients. Et depuis quand les adolescents se mêlent-ils des affaires des grands ? « Tout royaume divisé sur lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut subsister. » (Mathieu 12.25). Jihad CHAMAS
« Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Je me tourne vers les pasteurs, je leur redemanderai mes brebis, et Je ferai qu’ils n’auront plus de troupeau à paître, et les pasteurs ne se paîtront plus eux-mêmes, et J’arracherai mes brebis à leur bouche, et ils ne les auront plus pour les manger. »
Ézéchiel 34:10

Heureux sommes-nous, les Libanais, que ce soit au Liban...