Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’Église du Liban face à la manipulation et à la banalisation des valeurs

Après la description détaillée de toutes les formes d’oppression et de répression physiques, pratiquées durant des décennies par le régime communiste en Pologne, et surtout durant la période stalinienne, Mgr Tadeusz Pieronek, ancien directeur de l’Académie pontificale de Cracovie, ancien secrétaire de la conférence épiscopale polonaise, conclut sa conférence, à l’amphithéâtre Pierre Abou Khater à l’USJ, par cette observation, fort actuelle et inquiétante : « La lutte autrefois contre des ennemis déclarés était plus facile que contre le relativisme ambiant d’aujourd’hui. » La conférence, organisée par la faculté des sciences religieuses, l’Amicale des anciens élèves du Collège Notre-Dame de Jamhour en collaboration avec l’ambassade de Pologne, portait sur le sujet : « Le rôle de l’Église catholique dans les situations de crise ». La phrase finale, d’une actualité poignante, résonne lourdement dans le contexte du Liban d’aujourd’hui et, plus particulièrement, en ce qui concerne le rôle de l’Église du Liban « dans les situations de crise ». Mgr Pieronek évite de répondre à une question sur ce qu’il pense de la conjoncture libanaise, et du cas de l’Église du Liban en comparaison avec celle de la Pologne, précisant qu’il « n’est pas compétent pour y répondre ». *** Sommes-nous, nous Libanais, « compétents pour y répondre » ? Ce n’est pas sûr, ayant été accommodés durant des années à la banalisation de toute chose. Il nous faut non pas de la compétence, mais plutôt de la clairvoyance, de la lucidité, de l’authenticité. Il nous faut surtout reconnaître qu’en politique aujourd’hui la répression physique à grande échelle est révolue pour céder la place, par machiavélisme, à des techniques politiques plus sophistiquées, par des groupements fanatiques et terroristes et par des politiciens avides de pouvoir hégémonique, au travail de sape des valeurs et des fondements valoriels de la société, de la cité, de la polis, au sens d’Aristote. C’est un travail de « relativisme » à outrance où la boussole, le centre de gravité, est perturbée, égarée, avec la perte des repères. Le travail de sape des fondements de la République au Liban, la « démence constitutionnelle », selon Ghassan Tuéni, « l’urbicide », selon Antoine Corban, la banalisation systématique du big-bang de l’attentat terroriste du 14 février 2005 contre le président Hariri, du tribunal international, des attentats en cascades qui ont suivi… nous les avons vécus au quotidien jusqu’à l’accord de Doha qui a essayé de rétablir l’autorité galvaudée des normes minimales de la vie publique. *** C’est dans ce cadre qu’il faut poser la question du rôle de l’Église et des chrétiens du Liban dans les situations de crise. Avec des techniques « modernes », renforcées par tout l’arsenal de la psychologie instrumentalisée et des sciences humaines déshumanisées, ce n’est plus directement le corps qu’on tue, mais l’âme, L’âme des peuples, titre suggestif d’un ancien ouvrage d’André Siegfried (Hachette, 1950). Toute l’Europe est menacée, le Liban pluricommunautaire et démocratique, toutes les religions en tant que réservoir de valeurs communes et partagées, et cela face à des marchands du temple qui envahissent aujourd’hui, au nom de Dieu, les temples, les églises, les mosquées… La barbarie, autre titre suggestif du philosophe Michel Henry, sur la subtilité des manigances modernes d’une civilisation à civiliser. Dire qu’il s’agit de barbarie est une demi-vérité, car les nouveaux barbares sont des savants. Jamais l’opportunisme n’a atteint au Liban un tel niveau pour inclure des juristes, anciens défenseurs des droits de l’homme, des professeurs d’université sagement blottis autour de la table dite de réunion d’un zaïm qui n’écoute que lui-même, d’une institution communautaire dont le président se glorifie d’être « équidistant » dans l’espoir de promotion à une haute charge… La notion d’équidistant n’est d’ailleurs utilisée qu’en géométrie. C’est dire qu’il faut du calcul. Rien que du calcul ! *** Quand la République est en danger, quand les institutions sont bloquées, avec même une « théorisation » du blocage, par académisme et cogitation scientifique, l’Église, les chrétiens, les forces vives de la société doivent dire : Non ! Clairement, ouvertement, courageusement… On dirait que les gens de bonne volonté ont perdu le courage. Le courage moral n’est plus la vertu première de l’homme dit civilisé. Le manque de courage dans le monde moderne, et en Occident, était le thème de la conférence à l’ONU du dissident soviétique Soljenitsyne.Voilà pourquoi, « la lutte autrefois contre des ennemis déclarés était plus facile que contre le relativisme ambiant d’aujourd’hui ». Antoine MESSARRA
Après la description détaillée de toutes les formes d’oppression et de répression physiques, pratiquées durant des décennies par le régime communiste en Pologne, et surtout durant la période stalinienne, Mgr Tadeusz Pieronek, ancien directeur de l’Académie pontificale de Cracovie, ancien secrétaire de la conférence épiscopale polonaise, conclut sa conférence, à...