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Actualités - CHRONOLOGIE

Carlos Ghosn à « L’OLJ » : « Il n’y a jamais de crise sans fin » New York, de Sylviane ZEHIL

Lors d’une interview exclusive accordée à « L’Orient-Le Jour », en marge de la soirée de levée de fonds de Jamhour (voir par ailleurs), Carlos Ghosn livre sa vision sur les effets de la mondialisation qui marque notre siècle, la crise économique actuelle, et donne des conseils à la nouvelle génération qui s’apprête à rentrer dans la vie active. OLJ- Dans votre ouvrage Citoyen du monde, vous faites l’apologie de notre siècle marqué par la mondialisation. La crise actuelle n’est-elle pas un effet pervers de cette globalisation ? C.G.- « Je pense que la mondialisation est un phénomène inéluctable. C’est le fait que les barrières tombent et les échanges se multiplient. Que ce soit sur les plans économique, culturel, éducationnel ou sur le plan des habitudes, la mondialisation est un phénomène de rapprochement d’identités très différentes. Lorsque les gens se rapprochent, ils se connaissent mieux, et en même temps, ils apprennent de bonnes et de mauvaises choses. La mondialisation, en elle-même, n’est pas positive ou négative, c’est un phénomène qui n’est pas parfait. C’est un processus d’évolution de l’humanité qui est tout à fait logique. Il ne faut pas dire qu’elle est bien ou pas bien, qu’il faut s’y opposer ou non ; il faut dire qu’il y a de très bonnes choses qui viennent avec la mondialisation, mais il y a aussi des choses sur lesquelles il faut faire très attention. L’un des grands risques de la mondialisation, c’est le fait de perdre son identité. Si les gens pensent que la mondialisation nie ou menace leur identité, ils ne vont jamais l’accepter. Nous en avons de nombreux exemples. La mondialisation, ce n’est finalement pas une négation d’identités différentes ni l’uniformisation, c’est plutôt le rapprochement d’identités différentes. » OLJ - La mondialisation n’a-t-elle pas eu un effet d’amplification et de contagion sur la crise qui, au départ, était une crise immobilière américaine ? Dans cette crise, la mondialisation a fait un effet contraire, une sorte de contagion. C.G. - « Dès que vous éliminez les barrières, il n’y a plus rien qui bloque l’enrichissement ou aussi les crises économiques. Dans l’ensemble, la mondialisation est un formidable effort d’enrichissement de l’humanité et de tolérance, d’échange et de compréhension. Mais ce n’est pas parfait. De temps en temps, il va y avoir des chutes de cycles et parfois des excès. Actuellement, nous voyons des excès. Comme on se trouve en pleine crise, tout le monde agit comme s’il n’y avait pas de fin de crise. Chaque crise a une fin. Chaque dépression se termine au bout d’un certain moment. Quand on est au cœur de la crise, les gens paniquent et agissent comme si c’était la fin du monde. Quand vous paniquez, vous perdez tout. Il faut savoir être lucide, patient et savoir gérer les évènements en fonction de cela. Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu une crise sans fin. Le tout, c’est d’essayer d’imaginer quelle peut être la fin de la crise. » OLJ - Quels conseils donneriez-vous à la génération qui s’apprête à rentrer dans la vie active ? C.G. - « Le seul conseil que je puisse donner, c’est que le monde est ouvert, que les choses ne sont jamais jouées d’avance. Jamais. Il y a des gens qui pensent que parce qu’on est jeune, on ne peut accéder à telle ou telle chose ; parce qu’on est libanais, on ne peut pas aller dans tel ou tel autre pays. Ce n’est pas vrai. Le monde est beaucoup plus ouvert qu’on ne le pense. Les gens qui se limitent sont ceux qui partent avec une idée préconçue. Il faut savoir abandonner les idées préconçues, se projeter vraiment dans l’avenir, faire confiance et accepter le fait que souvent la vie vous offre beaucoup plus d’opportunités que vous ne pouvez l’imaginer. Mais il faut savoir les voir, les écouter et les suivre. Il est très important de savoir être patient et accepter aussi les échecs comme on accepte les succès. Tels sont les conseils que je donne à mes enfants. Je dis toujours à mes enfants que tout le monde subit des échecs. Mais la grande différence réside entre ceux qui apprennent de leurs échecs et ceux qui n’apprennent pas. » OLJ - Vous avez ouvert une usine en Roumanie qui fabrique des voitures à prix moyen, et signé aussi des accords en Inde et en Russie. Le Moyen-Orient se prête-t-il à ce genre d’industrie ? Le Liban pourrait-il être une option ? C.G. - « Il est très peu probable d’installer pour le moment une usine au Moyen-Orient parce qu’il n’y a pas de marché commun moyen-oriental. La base de l’implantation industrielle, c’est l’ouverture des marchés. Pourquoi avons-nous une usine en Roumanie? Parce que la Roumanie fait partie de l’Europe. Les voitures fabriquées en Roumanie peuvent être envoyées partout en Europe. Ce n’est pas une usine roumaine que nous avons, mais une usine européenne basée en Roumanie. Où est le marché commun du Moyen-Orient ? Il n’y en a pas. Le jour où il y en aura un, à ce moment-là, nous aurons objectivement des raisons d’implanter des usines au Moyen-Orient. Évidemment, le Liban est bien placé parce qu’il y a au Liban la main-d’œuvre, les compétences et l’infrastructure. Mais il faut tout d’abord le marché. Le marché libanais est très petit pour une usine automobile qui fabrique au minimum 200 000 voitures par an, et beaucoup plus normalement 400 000 voitures par an. On ne peut pas implanter une usine automobile dans un marché qui vend 20 000 ou 30 000 voitures par an. Il faut pouvoir accéder à un marché beaucoup plus large. La seule façon d’y accéder, c’est que les frontières disparaissent et être dans un marché commun. »
Lors d’une interview exclusive accordée à « L’Orient-Le Jour », en marge de la soirée de levée de fonds de Jamhour (voir par ailleurs), Carlos Ghosn livre sa vision sur les effets de la mondialisation qui marque notre siècle, la crise économique actuelle, et donne des conseils à la nouvelle génération qui s’apprête à rentrer dans la vie active.
OLJ- Dans votre ouvrage...