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Actualités - REPORTAGE

Histoire Entre de Gaulle et le Liban, une longue histoire d’amitié

Le général a entretenu des relations très étroites avec le monde arabe de 1930 jusqu’à sa mort. Tout a commencé par une visite qu’il a effectuée en tant qu’officier au pays du Cèdre. Le colloque organisé à Abou Dhabi autour du thème « Le général de Gaulle et le monde arabe » a longuement évoqué la relation spéciale entre le général Charles de Gaulle et le Levant, et plus particulièrement le Liban. C’est, en effet, au Liban que de Gaulle, qui n’était alors que commandant, établit son premier contact avec l’Orient, en 1930. Le Liban et la Syrie étaient à l’époque encore sous le mandat de la France. Cette visite, explique Isabelle Dasque, historienne, a permis à de Gaulle d’appréhender les grands problèmes de cette région et de réfléchir au rôle que la France pouvait jouer dans le monde arabe, et plus particulièrement au Levant. « À la tête des 2e et 3e Bureaux de l’état-major des troupes stationnées en Syrie et au Liban, le futur chef de la France libre découvre la complexité des réalités nationales, ethniques, confessionnelles, les prémices du nationalisme arabe, l’agitation du mouvement kurde aux frontières, et enfin la rivalité entre les grandes puissances aiguisée par les enjeux stratégiques et économiques, tels que le pétrole », souligne la chercheuse. « Toutes ces réalités ont constitué un grand défi à la gestion mandataire de la France, sur laquelle Charles de Gaulle posait un regard critique », poursuit Mme Dasque. Alexandre Najjar Auteur de De Gaulle et le Liban, Alexandre Najjar évoque, pour sa part, les relations du général avec le pays du Cèdre de 1959 à 1969. Après avoir brièvement rappelé le soutien économique et logistique de la France sous le mandat de Fouad Chéhab, il aborde la présidence de Charles Hélou au cours de laquelle celui-ci rendit visite à de Gaulle à Paris. Le 5 mai 1965, lors d’une réception donnée à l’Élysée en son honneur, le général de Gaulle affirme que « depuis toujours, le Liban apparaît aux Français comme la porte de l’Orient et, depuis beaucoup de siècles, la voix de l’Occident est, pour les Libanais, avant tout celle de la France ». Se basant sur le compte-rendu de la rencontre entre les deux Charles, retrouvé aux Archives nationales françaises, Alexandre Najjar révèle que les conversations portèrent principalement sur quatre sujets : Israël et l’affaire des eaux, la fourniture d’avions de type Mirage au Liban, le sort de la Compagnie libanaise de télévision et l’assistance française aux plans libanais de développement. Le 28 décembre 1968, en représailles à un attentat commis par les fedayin du FPLP à Athènes, Israël lance un raid sur l’aéroport international de Beyrouth. Treize avions civils sont détruits au sol par des commandos héliportés. Pour Alexandre Najjar, « le prétexte invoqué par Israël est absurde : c’est la première fois qu’une armée régulière attaque l’aviation civile d’un autre pays en représailles contre une action entreprise par les ressortissants d’un troisième pays sur le sol d’un quatrième pays ». Le général de Gaulle réagit violemment. Il n’oublie pas les promesses formulées au président Hélou lors de sa visite de mai 1965. À son aide de camp, il déclare avec colère : « C’est incroyable, insensé. Ils se croient tout permis ! Une vraie démence ! Si on ne fait pas attention, ils finiront par précipiter le monde dans un cataclysme qu’ils ne paraissent même pas soupçonner ! » Le 31 décembre 1968, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne à l’unanimité l’attaque israélienne. Le lendemain, à l’occasion de la réception que l’Élysée organise en l’honneur du corps diplomatique, le général donne une poignée de main chaleureuse à l’ambassadeur du Liban Philippe Takla, mais salue froidement l’ambassadeur d’Israël en France Walter Eytan. Il qualifie l’action israélienne d’« acte exagéré de violence » et décide de placer sous embargo toutes les armes à destination de l’État hébreu. Après avoir passé en revue les réactions outrées que provoque cette décision en Israël, Najjar conlut que l’attitude du général de Gaulle à l’égard du Liban lui coûtera cher. Dans l’opinion publique française de l’époque, encore échaudée par l’affaire de Suez et par l’Algérie, le monde arabe n’attire pas la sympathie. En septembre 1967, un sondage révèle que 68 % des Français penchent pour Israël alors que 6 % seulement penchent pour les pays arabes. Dans ce contexte, la position du général de Gaulle apparaît héroïque. Selon Paul-Marie de la Gorce, « on peut croire que ce fut là l’une des sources du rétrécissement progressif des assises sociales et politiques sur lesquelles le général de Gaulle s’appuyait, comme on allait le voir au mois de mai 1968 puis à l’occasion du référendum du 28 avril 1969 ». Si cette thèse s’avérait exacte, elle signifierait que le général aura quitté le pouvoir par deux fois à cause du Levant : la première le 21 janvier 1946, lorsqu’une fêlure se produisit entre les Français et l’homme du 18 juin suite à l’affaire de Syrie ; la deuxième le 29 avril 1969, à cause de la rupture entre le Général et Israël suite à l’embargo. Pour discutable qu’elle soit, cette thèse montre en tout cas que le général aura été jusqu’au bout fidèle à ses principes et à son amitié pour le Liban. Son attitude ferme vis-à-vis de l’État hébreu, commandée par le droit international et par son refus de l’injustice, aura surtout contribué à rééquilibrer la politique proche-orientale de la France et à asseoir les relations franco-arabes sur des bases solides et durables.
Le général a entretenu des relations très étroites avec le monde arabe de 1930 jusqu’à sa mort. Tout a commencé par une visite qu’il a effectuée en tant qu’officier au pays du Cèdre.
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