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Entre partir et rester Jean-Paul MOUBARAK

Dans une de ses chansons (« Le c… entre deux chaises »), le groupe congolais Bisso Na Bisso évoquait, non sans une certaine clairvoyance, le départ des jeunes Africains vers des contrées lointaines (la France dans ce cas précis), un exode effectué non sans quelques déchirements et de multiples hésitations. En effet, ce départ, effectué dans la hâte, entraîne presque toujours des regrets car celui qui s’y engage espère un avenir meilleur alors que chez lui, les horizons semblent bouchés et l’existence minée par la pauvreté. Alors, on s’en va, en laissant derrière soi son cœur et son âme, emportant des souvenirs et souvent des regrets. Dans la même optique, le chanteur Antoine évoquait en 1981 ce que partir signifierait : « Si partir rend souvent malheureux « Et si c’est toujours mourir un peu « Au contraire, je crois malgré tout « Que rester, c’est ne pas vivre du tout. » Évoquer ce style de chanson n’est certes pas innocent car ce que vivent les jeunes Africains est quasiment identique à ce que vivent de nos jours les jeunes Libanais qui préfèrent, pour certains d’entre eux du moins, délaisser famille et amis, racines et patrie, pour chercher une terre d’asile qui comblerait leurs ambitions. Rester, ce n’est pas vivre du tout. Le chanteur a exprimé de façon cruelle cette vérité que très peu osent reconnaître ouvertement. Rester, mais à quel prix ? Avec quoi pourrons-nous bâtir un foyer ? Sur quelles bases pourront-nous (sur)vivre ? Nous sommes dans un pays sur pilotis et quand on tremble, on choisit d’aller voir ailleurs ce que des cieux plus cléments peut-être peuvent nous offrir. Les jeunes hésitent longuement avant de quitter, mais face à la terrible situation à laquelle ils sont confrontés, ils préfèrent encore sacrifier tout leur confort pour assurer un avenir qu’ils espèrent radieux. Les familles sont de plus en plus écartelées, dispersées aux quatre coins du globe. Et pourtant on vit en attendant les coups de fil et les périodes de vacances – trop courtes. Au Liban, rester c’est vivre, mais si peu face aux réalités qui nous attendent au sortir de l’université. Souffrir au travail, oui quand on est convenablement rémunéré, non quand on est exploité et quand on place des barrières à notre avancement (si avancement il y a…). Ils sont de plus en plus nombreux les jeunes qui connaissent ce genre de situation une fois entrés dans le monde du travail. Ce sont là des réalités qu’ils n’auraient jamais imaginées durant leurs années de licence, quand le mot vivre avait encore un sens et n’était en rien lié à l’automatisme de la vie quotidienne. Autrefois, on parlait de monotonie : aujourd’hui, le terme est dépassé. Car malheureusement, il s’agit bien d’automatisme. Une fois que les jeunes réalisent que leur potentiel est sous-exploité et limité à une série de gestes sans envergure à long terme, ils deviennent des automates qui ne fonctionnent plus que par leur travail, que par des gestes calculés à la seconde près, quitte à faire la queue devant l’horloge pointeuse à l’heure de la fermeture. C’est à cela que nous sommes limités. Je ne dis pas qu’ailleurs cet automatisme disparaîtra, mais au moins, nos mérites y seront peut-être reconnus, d’une façon ou d’une autre. On se demande pourquoi les cerveaux quittent nos terres (quand ils le peuvent), car c’est souvent la dernière solution qui s’offre à eux après avoir souffert des injustices liées aux privilèges des uns et des autres, d’être toujours pris pour cible car on a eu le malheur d’entamer son ascension en commençant au bas de l’échelle. La plus grande des lâchetés consiste à rejeter sa faute sur les autres, mais c’est cela les lois du travail. On nous dit : on a besoin de vous pour faire évoluer l’entreprise. Malheureusement, l’ampleur et l’imminence de cette nécessité ne sont en rien proportionnelles au salaire proposé. Partir où ? Les choix sont nombreux. Il fut un temps où l’on recherchait un lieu où on avait de la famille. Maintenant, peu importe la destination pourvu que le pays choisi nous offre le confort et la quiétude nécessaires. Certains, déjà partis, sont pressés de revenir, après de cruelles désillusions. Mais analysez les possibilités : on n’ose y penser tant la disproportion est grande entre ce qui nous attend ici et ce que nous pourrions espérer là-bas. La conclusion ? Je n’encourage personne à partir, mais à bien réfléchir à ce qu’ils veulent. Article paru le vendredi 21 novembre 2008
Dans une de ses chansons (« Le c… entre deux chaises »), le groupe congolais Bisso Na Bisso évoquait, non sans une certaine clairvoyance, le départ des jeunes Africains vers des contrées lointaines (la France dans ce cas précis), un exode effectué non sans quelques déchirements et de multiples hésitations. En effet, ce départ, effectué dans la hâte, entraîne presque...