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Actualités - OPINION

II.- Quand les États se mobilisent contre el-Qaëda

3- Au Pakistan. Je daterai le début du conflit, entre, d’un côté, el-Qaëda, allié aux talibans pakistanais, et, de l’autre côté, le gouvernement pakistanais, à l’assaut donné le 3 juillet 2007 à la Mosquée rouge d’Islamabad, bastion des islamistes. Depuis, c’est une guerre sans merci qui se déroule dans la capitale et dans la zone tribale à la frontière de l’Afghanistan. J’en évoquerai les principales étapes à partir de la démission du président Mucharraf le 18 août 2008, date à laquelle les attentats se multiplient (voir L’Orient-Le Jour du mardi 18 novembre 2008). On dénombre, depuis, au moins 200 morts, entre civils et militaires. Le 13 août, le troisième homme d’el-Qaëda, Moustapha Abou al-Yazid, est abattu par l’armée et 16 islamistes sont tués par les habitants de la zone tribale du Waziristan. Le 3 septembre, les insurgés répliquent par une tentative d’assassinat du Premier ministre. Dans la semaine du 12 septembre, plus de cent combattants islamistes sont tués au combat. Nouvelle réplique des talibans : une voiture bourrée de 600 kilos d’explosifs explose devant l’hôtel Marriott, dans la capitale. Bilan : 52 morts. Le 26 septembre, l’armée déclare avoir tué en un mois mille talibans. Et les combats à ce jour n’ont pas baissé d’intensité. La stratégie pakistanaise est différente de celle adoptée par l’Afghanistan. Aucune négociation n’est envisagée. Le 3 octobre, le ministre de l’Intérieur confirme que la guerre contre le terrorisme ne s’arrêtera pas. Elle s’articule sur trois axes. - Premièrement : la réorganisation de l’armée. Le 29 septembre, le général Ashfaq Parvez Kayani, chef de l’armée, change quatre des neuf commandants de corps et nomme un nouveau chef d’état-major ainsi qu’un nouveau directeur de l’ISI, accusé de soutenir les talibans. - Deuxièmement : l’alliance avec les États-Unis. Malgré quelques incidents à la frontière de l’Afghanistan, à partir de laquelle les Américains avaient lancé des missiles et des commandos en territoire pakistanais, et malgré les protestations d’Islamabad, la coopération entre les deux pays se renforce. Le président Bush, devant le Premier ministre pakistanais en visite à Washington le 23 septembre, annonce que les USA sont déterminés à aider le Pakistan, dont ils respectent la souveraineté. Le 8 octobre, le commandant Charles Makveil, de l’Organisme de planification de l’armée américaine, révèle que les États-Unis vont livrer au Pakistan 6 000 véhicules de transport de troupes blindés et 75 000 fusils d’assaut de type M16. Sur le plan civil, les États-Unis avaient déjà débloqué (26 juin) une aide trois fois supérieure à l’aide militaire pour le développement des zones tribales. - Troisièmement : la formation depuis août par l’armée d’une milice formée d’éléments tribaux sur le modèle de la « Sahwa » irakienne. Cette milice prend le nom de « Lachkar ». Il faut ici opérer une distinction entre les deux cas, irakien et pakistanais. Les membres de la « Lachkar » sont mal organisés et moins armés que les talibans. Surtout ils appartiennent à la même ethnie que ceux-ci. Ils les ont supportés tant que l’armée n’intervenait pas dans leur région, autonome de facto depuis la création de l’État pakistanais. Mais face à la détermination de l’armée à combattre les talibans, ils préfèrent s’allier aux militaires à condition que ceux-ci ne s’implantent pas durablement dans leurs zones. Ils sont également excédés par les débordements des insurgés, qui n’hésitent plus à attaquer leurs villages s’ils ne leur sont pas totalement inféodés. Le 10 octobre, une « Jirga », assemblée traditionnelle de chefs de tribu, avait subi un attentat meurtrier, qui s’était soldé par la mort de 80 personnes. Ce fut un point de non-retour. Or, les tribus pakistanaises attribuent cet attentat et le radicalisme des talibans aux combattants étrangers dans leurs rangs, c’est-à-dire el-Qaëda. S’ils sont prêts à composer avec les talibans, issus de leurs rangs, ils sont déterminés à aider les forces pakistanaises à chasser les hommes d’Oussama Ben Laden (4). Richard Boucher, sous-secrétaire d’État américain chargé de l’Asie centrale et du Sud, de retour d’Islamabad, déclare : « Il y a de plus en plus de chefs tribaux qui prennent conscience que ces étrangers mettent en danger l’avenir du Pakistan. » (5) 4- Les nouveaux champs de bataille. Comme nous l’avons démontré, si el-Qaëda reste implantée à des degrés divers en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, elle subit dans ces trois pays une pression inédite. Quels sont les pays où ellle pourrait se redéployer ? Au Yémen, le 17 septembre, l’attaque menée contre l’ambassade américaine est l’action la plus spectaculaire des islamistes depuis l’attentat contre le navire de guerre USS Cole, en 2000. Mais deux mois avant cette attaque, le président Saleh s’était débarrassé du conflit de Saada qui l’opposait à la tribu Hawthite. Il annonçait la fin des opérations militaires le 18 juillet, et le chef de la rébellion acceptait le 8 août la proposition de paix du gouvernement. Depuis, les militaires yéménites se sont concentrés sur el-Qaëda. Le 13 et le 25 août, ils annoncent le démantèlement de cellules terroristes dans le Hadramaout. Le 22 septembre, soit trois jours après l’attentat contre l’ambassade des États-Unis, ses auteurs sont arrêtés, une opération qui est suivie d’un autre coup de filet le 6 octobre. El-Qaëda éprouvera dans ces conditions des difficultés à s’enkyster au Yémen. Le Golfe et le Koweït, selon le ministre des Affaires étrangères australien (le 3 octobre), seront les prochaines cibles d’el-Qaëda. Il se peut fort que des attentats y soient perpétrés, surtout contre les intérêts occidentaux. Mais ces pays peuvent être difficilement des bases fixes pour l’organisation terroriste. D’abord, leur petite taille, et l’absence de banlieues misérables et labyrinthiques rendent toute implantation d’infrastructure visible et donc vulnérable. Ensuite, un accord tacite aurait été passé entre el-Qaëda, les Émirats et le Koweït, stipulant que l’organisation terroriste les épargnerait en contrepartie d’un financement, ou du moins de l’autorisation accordée par ces pays aux argentiers d’el-Qaëda d’utiliser leur circuit financier pour placer et déplacer des fonds. L’Arabie saoudite, longtemps la cible d’el-Qaëda, annonce le 26 juin l’arrestation de 700 activistes. Elle entame le 22 octobre le procès de 991 islamistes, dont des dignitaires religieux. Si les chiffres sont impressionnants et démontrent le grand nombre de sympathisants que compte le royaume, ils démontrent également la détermination des Saoud à abattre l’hydre terroriste, brisant un tabou, en n’hésitant plus à inculper des prédicateurs officiels de mosquée et des ulémas. À Gaza, les choses sont entendues depuis longtemps. Les dirigeants d’el-Qaëda ont à plusieurs reprises critiqué le Hamas, l’accusant de collusion avec l’État sioniste. Depuis la trêve entre le Hamas et Israël signée le 19 juin, les maîtres de Gaza poursuivent les militants du Jihad islamique, proche d’el-Qaëda, chaque fois que ceux-là tirent des missiles sur Israël. Le 24 juillet, une nouvelle organisation radicale, « Kataëb al-awda », revendique l’explosion d’une voiture piégée à Gaza. Le Hamas arrête ses membres et ferme ses bureaux. « Jeich al-Oumma », une organisation fraîchement constituée, effectuait le 3 septembre des entraînements militaires en plein jour et se fait filmer. Le lendemain, ses dirigeants sont sous les verrous, dans les geôles du Hamas. Un autre groupuscule se forme le 6 octobre, il prend pour nom « Afwaje Hezbollah ». Le 23, il tire une roquette sur la colonie de Sderot. Il n’en faut pas plus au Hamas pour le dissoudre. Vraisemblablement, el-Qaëda tentera encore de s’implanter à Gaza et sous de multiples appellations, mais le blocus de la ville et l’animosité qu’éprouve le Hamas à son égard ne lui rendront pas la partie facile. Amine ISSA 4- À ce sujet, lire les enquêtes de « Ashark al-Awsat » du 20 octobre 2008 et du « New York Time » du 24 du même mois. 5- Dans une interview au journal « Le Monde » le 24 octobre 2008.
3- Au Pakistan.
Je daterai le début du conflit, entre, d’un côté, el-Qaëda, allié aux talibans pakistanais, et, de l’autre côté, le gouvernement pakistanais, à l’assaut donné le 3 juillet 2007 à la Mosquée rouge d’Islamabad, bastion des islamistes. Depuis, c’est une guerre sans merci qui se déroule dans la capitale et dans la zone tribale à la frontière de...