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Actualités

Champs-Élysées

Toute guerre, fût-elle vieille de 90 ans comme cette Première Guerre mondiale dont on commémorait la fin la semaine dernière, remue au Liban des cendres nauséeuses. Quelques mots glanés au hasard des documentaires montrent bien de quelle chair se nourrit ce stupide animal : un empire qui se pique de conquête pour imposer sa toute-puissance, des peuples humiliés, des hommes poussés au front par la haine, pour l’honneur, par leur propre famille ; honneur, haine, qui a besoin de munitions ? Fermiers, agriculteurs, las de la monotonie des sillons, ils sont partis, la fleur au fusil bien sûr, fuir la routine, voir du pays, recevoir du courrier, lettres d’amour inespérées en d’autres temps, revenir en héros, exister enfin. Exister, se tenir dehors, être reconnu du monde extérieur. Résister, se tenir ferme, avoir l’immobilité des objets. Variations sur le même thème. À la télévision, les canaux étrangers mettaient l’accent dans une Europe douloureusement pacifiée sur le plus jamais ça, les démembrés, les gueules cassées, les poumons cramés, les cerveaux fichus. Sur les chaînes locales, appel à la résistance civile, par anticipation. Une fois de plus, vision manichéenne de notre pauvre peuple. D’une part, « les mous », les décadents qui vont au restaurant et qui dansent, qui se croient où, ma parole ? Sur les Champs-Élysées ? Les Champs-Élysées, comme chacun sait, ne sont que le séjour des âmes vertueuses dans l’au-delà. Réservés aux « élites », ces Champs-là. À ceux d’entre nous qui ont la chance d’obéir à certains critères. Aux corps bien bâtis, aux âmes que les seuls mots d’honneur et de haine mettent en ébullition. Je fais partie des mièvres, hélas. Je m’essouffle à la course, je tremble au moindre coup de feu que des gens soient déjà morts ou blessés, et que d’autres les pleurent. J’ai tant connu de bagarres qui s’enveniment, de mitraillades affreuses qui ouvrent des fronts et annoncent des bombardements déments. Et puis des paix cruelles qui prennent des raccourcis sur la mémoire des victimes qu’on s’acharne à qualifier de martyrs et qui n’ont rien demandé. Je refuse la haine parce qu’elle appelle la haine. Je me méfie de l’honneur, notion fluctuante et subjective liée au degré d’estime que l’on a de soi, et parfois à une biochimie où domine la testostérone. Avec ceci, il ne faut pas croire, je résiste. Je résiste à l’embrigadement par ma liberté de penser. Je résiste aux prêcheurs de guerre avec l’idée que la paix est également possible. Je résiste à la fatalité, voilà qui occupe chaque instant de ma vie. À défaut d’entraînement militaire, cela fait-il de moi une résistante ? Fifi Abou Dib NDLR : L’« Impression » de Fifi Abou Dib paraîtra désormais jeudi au lieu de samedi
Toute guerre, fût-elle vieille de 90 ans comme cette Première Guerre mondiale dont on commémorait la fin la semaine dernière, remue au Liban des cendres nauséeuses. Quelques mots glanés au hasard des documentaires montrent bien de quelle chair se nourrit ce stupide animal : un empire qui se pique de conquête pour imposer sa toute-puissance, des peuples humiliés, des hommes poussés au...