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Actualités - CHRONOLOGIE

Spectacle Fabuleux voyage au cœur d’un rêve… Edgar DAVIDIAN

Entre onirisme, poésie, humour, danse, ombres chinoises, théâtre sans paroles et marionnettes, un spectacle d’un esthétisme singulier et d’une décapante modernité, signé Philippe Genty, au théâtre du Casino du Liban. La fin des terres, présenté avec le concours du Centre culturel français (CCF), offre la saisissante beauté d’un monde habité d’un rêve et surtout d’images merveilleuses comme échappées à un conte fabuleux… La rencontre d’une danseuse et d’un marionnettiste crée l’étincelle. Les deux vies fusionnent, et émerge le monde de la scène. Un monde qui emprunte, à profusion et en toute audacieuse liberté, à toutes les sources de l’art… Aussi bien au théâtre sans paroles qu’au monde des chapiteaux bruyants, à l’univers des « karakeuz » qu’aux poupées de Bali, à l’étonnante prestidigitation qu’aux amusants tours de magie, à la finesse de la poésie et de l’humour qu’aux lumières qui sculptent les espaces… Ressources innombrables, riches et diversifiées, pour traiter du thème de la solitude, de l’incommunicabilité, de l’absurde humain, de la notion du bonheur…Avec des images magnifiques et inédites qui laissent le spectateur parfois vissé sur son siège… Sept danseurs investissent une scène nue, mais qui sera bientôt inondée d’images, de mouvements, de couleurs à prédominance rouge ou bleu, d’accessoires divers (une valise, un matériel médical, des indicateurs de gare, des sacs en plastique translucide gonflables et immenses, des villes en cartons qui voyagent en silence et, bien sûr, des marionnettes à dimensions humaines ou gigantesques), des bouts de papier qui volent comme voguent les bouteilles jetées en SOS sur les vagues des mers… Monde fantastique, à la fois tendre et cruel, pour parler des intermittences du cœur, de la quête du bonheur, mais aussi du sens d’une vie…Une valise pour tout avoir et le ballet des rencontres et des allers- retours. Sommes-nous des éternels étrangers sur la terre ? Peut-être, mais la narration de Philippe Genty va au-delà de la simple problématique des bobos du cœur. C’est une narration hardie dans ses propos et énoncés, et qui englobe toutes les préoccupations contemporaines et modernes. Tout cela est dit sur un ton pointu, éminemment contemporain et moderne. Un spectacle décoiffant… La danse comme atout majeur est épaulée par des expressions de scènes multiples et tentaculaires. Et cette astucieuse combinaison crée un spectacle décoiffant et décapant, où illusion et réalité s’imbriquent, se superposent, s’excluent, se concurrencent, se rejettent ou se rejoignent... Défile alors cette magique suite d’images comme jaillies d’un rêve ébouriffant où l’on se reconnaît brusquement tout en ignorant délibérément des pans de mémoire qu’on voudrait garder au placard… Dès que s’ouvre cette boîte de Pandore, l’être humain est là devant ses désirs les plus fous, ses obsessions les plus entêtées, ses phobies les plus redoutables, ses désirs les plus secrets, ses monstres les plus redoutés, sa quête la plus souterraine. Voilà une belle descente au plus profond de soi, sous des spots impitoyables avec des cadrages insoupçonnés… C’est la confrontation non seulement avec nos anges, mais aussi avec nos démons les plus tenaces. La fin des terres de Philippe Genty représente un chaos organisé (ou « systhématique », pour emprunter une formule très « rimbaldienne »). Ce n’est pas un spectacle qui se décrit, mais un flot torrentiel d’images qui emportent loin. Des images qui subjuguent et qui laissent leur trace sur les pupilles et dans les paupières. De toute façon, on ne reste pas insensible devant ce « dire » étrange, original, nouveau, surprenant, fascinant. Il faut se laisser faire… Et le spectateur se laisse volontiers emporter… On ne peut que souligner la virtuosité de certains passages. Notamment cette joute amoureuse, tout en drôlerie et sensualité non camouflée, entre deux marionnettes « goliathesques » où la manipulation des poupées gigantesques est un chef-d’œuvre de synchronisation entre un alerte pas de danse, une musique moderne chaloupée et un éclairage parfait. Tout comme ce délirant et déluré fragment des sylphides « follâtres » (hommes habillés en mariée avec voilette) qui aurait fait pâlir de jalousie les plus talentueux des artistes de Chez Madame Arthur… Mais la palme de séduction revient sans nul doute à cette séquence de la danse nuptiale d’un immense scarabée s’entortillant dangereusement autour de sa partenaire jusqu’à la phagocyter telle une redoutable mante religieuse. Hallucinante scène d’anthologie de la danse dont l’emprise est indéniablement forte, entre le conte cruel et une effrayante et mouvante peinture à la Fussli… Spectacle magnifique, aux lenteurs étudiées, mais où l’emploi des sacs en plastique gonflables a une certaine redondance et gagnerait à être abrégé. Un des plus beaux spectacles de danse qu’il ait été donné à voir aux Beyrouthins depuis des lustres. Par sa féconde inventivité gestuelle, le mélange de son style polymorphe et de ses expressions scéniques tous azimuts, le grouillement d’idées qui mène l’ensemble des tableaux, l’impeccable finissage technique (lumière, costumes, bruitage, musique, accessoires de scènes) et le subtil et ingénieux emploi (et découpage) de l’aire scénique.
Entre onirisme, poésie, humour, danse, ombres chinoises, théâtre sans paroles et marionnettes, un spectacle d’un esthétisme singulier et d’une décapante modernité, signé Philippe Genty, au théâtre du Casino du Liban.
La fin des terres, présenté avec le concours du Centre culturel français (CCF), offre la saisissante beauté d’un monde habité d’un rêve et...