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Actualités - REPORTAGE

Entre le Liban et la Pologne, des affinités électives

Fady NOUN La Pologne souhaite être mieux connue des Libanais. Le séjour à Varsovie et Cracovie d’un groupe interreligieux prouve que c’est possible et qu’un surprenant intérêt est accordé en Pologne au Liban. Entre le Liban et la Pologne – et un voyage suffit à vous en convaincre –, les rapports sont plus riches qu’on ne le pense généralement. Si l’on exclut les échanges commerciaux et économiques, qui relèvent de l’histoire récente, ces rapports sont tout à la fois historiques, culturels et spirituels. Les liens historiques contemporains avec la Pologne remontent à la Seconde Guerre mondiale, quand une forte colonie de Polonais s’installa au Liban au terme d’une errance qui la conduisit, forcée, de son pays vers la Sibérie de Staline d’abord, en Iran ensuite – pour protéger les champs de pétrole, à la demande du gouvernement polonais en exil à Londres – puis en divers pays du Moyen-Orient. Chez nous, cette colonie s’installa et ouvrit des écoles sur le littoral du Kesrouan, Zouk en particulier. À la fin de la guerre, beaucoup préférèrent rester au Liban plutôt que de rentrer dans une Pologne ayant succombé au joug communiste. La colonie commença à quitter le Liban, pour se rendre notamment à Londres et aux États-Unis, à partir des années 50, non sans avoir tissé avec les Libanais des liens d’amitié et, aussi, de famille. Les Libanais d’ascendance polonaise en sont aujourd’hui à la troisième génération. Plus proche de nous, on peut même inscrire, au compte des liens historiques entre le Liban et la Pologne, la présence, depuis 1992, d’un contingent polonais au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Le contingent comprend quelque 500 soldats et civils. Il existe aussi, entre le Liban et la Pologne, des « affinités électives » d’ordre religieux. La Pologne est le lieu d’une forte présence du catholicisme, à l’image de l’attachement indéfectible dont les maronites ont fait preuve, tout au long des siècles, au siège de Pierre. Culturellement , le Liban et la Pologne se ressemblent du fait qu’ils ont dû, tous deux, se battre pour préserver leur identité particulière contre des envahisseurs qui voulaient les rayer de la carte. Le Liban s’est battu plus de trente ans (1975-2005) contre une Syrie qui cherchait à l’assimiler progressivement, en le liant par un discours idéologique unificateur, des traités imposés et une tutelle militaire aliénante. La Pologne, elle, fut longtemps privée de son territoire par deux pays en expansion, l’Allemagne protestante et la Russie orthodoxe. Elle survécut, d’abord culturellement, grâce notamment à son Église catholique, avant de retrouver son territoire après les deux guerres mondiales. Une minorité musulmane Même sur le plan du pluralisme religieux, il existe quelque ressemblance entre les deux pays. Le fait est peu connu, mais il existe en Pologne une minorité musulmane dont l’origine remonte aux invasions tartares. Cette minorité fut définitivement soudée à la nation polonaise par des batailles menées en commun contre des bandes revenues des croisades. La bataille de Krunewald (1410) marque la victoire définitive sur ces armées. Certains des chefs de guerre musulmans furent enoblis par les rois polonais. Durant la Seconde guerre mondiale, un contingent musulman polonais se battit contre l’envahisseur allemand. Très réduite, la communauté musulmane polonaise s’en constitue pas moins une composante de la Pologne et possède son grand mufti. La mondialisation des échanges économiques a introduit récemment en Pologne les éléments d’une nouvelle présence musulmane, qui reste toutefois distincte. Du reste, indépendamment de l’islam, il existe une tradition de pluralisme fortement ancrée en Pologne Les liens entre le Liban et la Pologne sont enfin à la fois spirituels, historiques, culturels et politiques, grâce à l’action inlassable menée en faveur du Liban par « le pape slave » et la diplomatie vaticane. Très brièvement, disons que le Liban doit à Jean-Paul II une Exhortation apostolique que beaucoup de chrétiens et de musulmans libanais considèrent comme une seconde Constitution, spirituelle et non plus institutionnelle, qui fonde sa vocation historique et son identité. C’est à la rencontre de tous ces liens et de cette mémoire commune que la Pologne invite chez elle en ce moment, par le biais du ministère polonais des Affaires étrangères, divers personnalités et groupes qu’elle pense pouvoir être sensibles à ces affinités. Au nombre de ces derniers, trois membres d’une association, Adyan, présidée par le P. Fadi Daou, engagée dans l’interreligieux, ainsi que deux grandes figures du dialogue islamo-chrétien, MM. Abbas Halabi et Saoud el-Maoula, représentant respectivement les communautés druze et chiite au sein de diverses instances. Au programme de la visite figuraient Varsovie, Cracovie, la capitale culturelle du pays, le sanctuaire de Chestokova, haut lieu spirituel de la nation polonaise, et enfin les camps d’Auschwitz et Birkenau, « entonnoir où a disparu l’humanité », selon les termes d’André Frossard, durant la Seconde guerre mondiale. Pour couronner le tout, une journée fut consacrée à une conférence à plusieurs voix tenue dans la belle Université Cardinal Wichynski, à Varsovie. À cette conférence prirent part le P. Fadi Daou, Mlle Nayla Tabbara et M. Antoine Saouma, de l’association Adyan, MM. Halabi et Maoula, ainsi que le P. Vittorio Pozzo, ancien provincial des salésiens au Moyen-Orient et, à ce titre, grand connaisseur du Liban et de la région. Aux conférenciers, des journalistes polonais donnèrent une répartie d’une grande pertinente, révélant ainsi, indirectement, le surprenant intérêt qu’une certaine intelligentsia polonaise accorde au Liban.
Fady NOUN

La Pologne souhaite être mieux connue des Libanais. Le séjour à Varsovie et Cracovie d’un groupe interreligieux prouve que c’est possible et qu’un surprenant intérêt est accordé en Pologne au Liban.
Entre le Liban et la Pologne – et un voyage suffit à vous en convaincre –, les rapports sont plus riches qu’on ne le pense généralement. Si l’on...