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Actualités - CHRONOLOGIE

Comme un guetteur…

Michel HAJJI-GEORGIOU Après « On dessine toujours des mots habillés » (1968), « L’Enfant à la Cadillac » (1973) et « L’Insurrection des mots » (2004), Fady Noun, journaliste à « L’Orient-Le Jour », vient de publier son nouveau recueil de poèmes, « Voyageur de la dernière heure »*. « Je ne veux rien de personne. Je peux traîner le monde dans mes rêves. Il m’appartient d’être, tout est à moi. (…) Condamné à rester au plus près de ma beauté, j’ai fait une révolution qui commence au plus profond de l’enfer et finit au plus haut des cieux. J’ai touché le cœur de Dieu. Je n’ai plus rien à prouver. J’ai rétabli l’ordre des choses. » Est-ce là une profession de foi ou une invitation au voyage ? Un peu des deux, sans doute, et beaucoup plus aussi. Une véritable initiation à la cosmogonie du poète rédempteur, celui qui peut, par la force délicate et lumineuse même de son innocence, racheter le monde. Mais ce n’est pas tout. Fady Noun n’est jamais sinueux, tortueux, dans sa poésie. Bien au contraire. Son univers interne est ce monde toujours plus authentique et neuf, sans cesse rejailli intact des atrocités du monde. « Mon cœur d’enfant est intact, un coup de chiffon et il brille », avoue-t-il d’ailleurs, avec une candeur mutine. Aussi parvient-il à convertir l’horreur de la violence dont il est témoin en un espace éthéré de printemps. De la guerre de 2006, c’est cette formidable image de vie qu’il choisit de faire triompher : « Le jour se lève sur Beyrouth, dans le bac à fleurs, les abeilles bourdonnent et butinent. C’est bien ! Nos enfants goûteront encore cette année du miel produit au Liban. » Ou bien encore ce souffle irréductible d’une rédemption possible par le sang des innocents : « Ôf, ôf, si les enfants morts sous les bombes pouvaient chanter. Le Liban nous serait rendu, le Liban nous serait donné ! » En vérité, Fady Noun est ce poète-démiurge, investi directement par le Démiurge avec qui il entretient des correspondances invisibles et très intimes ; ce poète-omniscient qui regarde le monde se (dé)faire sans douter un moment que la lumière finit toujours par triompher, et qu’il faut même lui donner un petit coup de pouce (ludique)… Aussi est-il ce poète-guetteur qui veille inlassablement, jusqu’à cet indicible épuisement qui mène au plus authentique des bonheurs, sur le « sommeil » des justes. « Et toi, dors jusqu’à l’épuisement, Serre tes paupières sur tes rêves, laisse passer ta tristesse », nous dit-il. « Réveillez-moi à la fin du monde (…). Mais avant, vous me laisserez dormir encore quelques siècles, le temps d’ouvrir les yeux », poursuit-il ailleurs. Avant de se confier à nous : « Comme un homme qui veille aux portes de la nuit pour repousser les monstres, je cherche ce poème universel qui s’écrit chaque fois qu’un homme dit la vérité. Je suis un étant qui veille. Vrai, je suis un étant qui meurt, mais je suis d’abord un étant qui veille. Bientôt, nous serons assez nombreux pour espérer. » Car tout au bout, il y a l’espérance. Inéluctablement. * Fady Noun signera au stand des éditions Dar an-Nahar, demain vendredi, à 17h00.
Michel HAJJI-GEORGIOU

Après « On dessine toujours des mots habillés » (1968), « L’Enfant à la Cadillac » (1973) et « L’Insurrection des mots » (2004), Fady Noun, journaliste à « L’Orient-Le Jour », vient de publier son nouveau recueil de poèmes, « Voyageur de la dernière heure »*.
« Je ne veux rien de personne. Je peux traîner le monde dans mes rêves. Il...