Capiteux et persistant « Parfum d’Arménie »…

Edgar DAVIDIAN La danse arménienne sous les feux de la rampe. Brio, couleurs, ondulations, souplesse, énergie, fraîcheur, mélancolie, grâce, vivacité et, bien sûr, en une lumineuse fresque mouvante, une suite enchanteresse de tableaux chatoyants. Un rêve de spectacle… Avec la Compagnie Yeraz au théâtre du Casino du Liban à Maameltein, le rêve est déjà dans le tire : Yeraz veut dire, en langue du pays de Sayat Nova, rêve… Plus d’une soixantaine d’artistes sur les planches, des enfants figurants, trois musiciens entre accordéon, pipeau et « tumbouk », et voilà la très populaire scène de « harsanik » (mariage) qui ouvre la danse. Une scène courte dans sa joie car placée sous le signe du tragique arménien avec l’histoire d’un génocide noir… Et redémarre en force, en flash-back, le monde joyeux des bergers bondissants et des jeunes filles de « Naïri » aux longues tresses brunes et aux pas de cygnes glissant sur l’eau avec des mains en envol de colombes… Images ravissantes et vives d’un folklore arménien haut en couleur, mais aussi métissé de quelques modernités en utilisant des bribes de phrases (en langue de Grégoire l’Illuminateur, bien sûr) et un soupçon de théâtralité. Notamment pour narrer le légendaire talent des photographes arméniens, la tourmente des exilés de la diaspora, la lecture du marc de café et les délicieuses rebuffades des enfants apprenant l’abc… Tableaux fastueux entre costumes somptueux (tiares royales pour les filles, princières larges ceintures en soie pour les garçons), rythmes endiablés, mélodies à la tristesse charmeuse et lyrisme aux arabesques évanescentes. Mélange adroit de pas de danses conventionnelles et de quelques touches contemporaines ingénieusement agencées dans un ensemble riche, aussi bien avec ses costumes bien taillés et colorés et les diverses projections de diapositives sur grand écran du paysage et de l’histoire (enluminure, tapis, personnages, architecture d’église) du pays du lac Sevan… Le mérite de ce spectacle tonique, rafraîchissant, mais aussi ne laissant rien à l’ombre des adversités d’un peuple à la civilisation ancestrale, ce sont ces notes originales et jeunes où la danse est surtout célébration de la vie, sans pour autant renier le passé. Un spectacle ébouriffant et touchant à la fois où sans acrobaties outrancières ou prouesses corporelles exceptionnelles, la troupe donne, en toute simplicité mais pertinent sens d’un farouche esprit national, toute l’ampleur d’une belle et vibrante émotion. Message de culture doublé d’un charmant plaisir des yeux (et de l’ouïe, bien entendu, avec une musique jonglant lestement entre traditionnel, liturgique et classique). Capiteux, corsé, ambré, frais et persistant est ce parfum de Hayastan qui a transité par Alfortville…