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Actualités - OPINION

Une bienfaitrice des exclus

La planète entière connaît sœur Emmanuelle. C’est, avec la bienheureuse Teresa, l’une des religieuses les plus respectées dans le monde. Elle vivait dans le sud de la France, au sein d’une maison de retraite de sa communauté. Retirée du monde ? Pas vraiment. Malgré le poids des années et un cœur fatigué qui résistait toujours, elle n’en finissait pas de s’occuper des autres, jeunes en difficulté, personnes sans domicile fixe, personnes âgées ayant besoin qu’on leur remonte le moral, etc. Aux jeunes de Turquie d’abord où elle était professeure de latin, puis en Tunisie et enfin en Égypte, elle disait : « Croyez en vous-même, en vos capacités, devenez ce que vous voulez devenir, même si c’est un métier modeste. Vivre, c’est risquer, et qui ne risque rien n’a rien. » À soixante-deux ans, l’âge de la retraite ne l’enchantait guère. Alors, elle commença à aider les enfants des bidonvilles du Caire, à ouvrir des écoles. Baskets aux pieds et œil malicieux, elle donnait une belle leçon d’énergie à son association : Asmae (Aide sociale et médicale à l’Égypte). La devise donnée aux Turcs, aux Tunisiens et aux Égyptiens, sœur Emmanuelle n’a cessé de l’appliquer à sa propre vie. Elle a aidé les chiffonniers pendant plusieurs décennies, malgré son âge, car ceux-ci estimaient que parmi les pauvres, ils étaient les plus méprisés, les plus sujets aux maladies, aux épidémies. Ils étaient 40 000 répartis dans une dizaine de sinistres îlots qui ceinturaient la capitale égyptienne, à Méadi, paysans de Haute-Égypte, exilés vers la ville lorsque le Nil fertile déserta leur terre. Ils étaient coptes : « Les soutenir, les aider, les aimer, c’est le moins que nous pussions faire », disait sœur Emmanuelle aux bénévoles venus l’aider. Encore toute petite, sœur Emmanuelle était rebelle. Pourquoi ? Elle voulait faire des études, sa mère ne voulait pas. Travailler ? À l’époque, cela était infaisable pour une jeune fille. Elle n’avait qu’un seul avenir : se marier. Mais elle était en quête d’absolu. Un mari ne lui aurait pas suffi pour combler sa soif de Dieu. Elle a choisi Dieu, source et don de la grâce. Mme Madeleine Cinquin va embrasser les ordres religieux et devenir sœur Emmanuelle. Pendant quarante ans, fidèle à la tradition des religieuses de Notre-Dame de Sion, elle enseigna aux jeunes filles de la bourgeoisie en Turquie, en Tunisie et enfin en Égypte. C’est là qu’elle rencontra les chiffonniers du Caire et décida, à l’âge de soixante-deux ans, de partager leur vie de misère. Elle était comme un oiseau qui vole et se dirige enfin où ses ailes le portent, pour atteindre un but précis. À l’âge où tout le monde partait à la retraite, sœur Emmanuelle choisissait de vivre dans une cabane de bidons, un peu comme le Christ qui n’avait pas de coin pour poser sa tête ni une demeure fixe, mais qui instruisait ses apôtres pour qu’ils sèment le bon grain. Sœur Emmanuelle se démena pendant vingt-deux ans pour construire des écoles, des centres de soins, des terrains de jeux, sans jamais se décourager car ayant en elle la grâce de Dieu. Elle disait : « Nous aussi nous pouvons nous sortir d’une mauvaise passe, c’est à nous de changer. Avec l’amour, on y arrive. Le Paradis, c’est le partage avec les autres, partage d’amitié, d’aide, de secours, de mots d’encouragement. » Du temps de son séjour en Égypte, dès l’aube, les chiffonniers du Caire débarrassaient la ville des ordures, repartant à midi, carrioles pleines, et déposaient leurs chargements devant la porte de leur cabane. Là, commençait le tri, à mains nues et en famille : un tas pour le papier, un autre pour le verre, un troisième pour les boîtes de conserve. Tout ce qui en vaut la peine sera recyclé. Pour les problèmes de santé, sœur Emmanuelle était là : elle régla le cas du gamin au pied écrasé. De même, elle s’occupa de Sonia qui souffrait de multiples caries. Pour tout ce monde, sœur Emmanuelle était la solution des problèmes, la réponse aux questions. Elle vient de mourir dans son sommeil, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. Sylvain THOMAS
La planète entière connaît sœur Emmanuelle. C’est, avec la bienheureuse Teresa, l’une des religieuses les plus respectées dans le monde. Elle vivait dans le sud de la France, au sein d’une maison de retraite de sa communauté. Retirée du monde ? Pas vraiment. Malgré le poids des années et un cœur fatigué qui résistait toujours, elle n’en finissait pas de s’occuper...