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Actualités - CHRONOLOGIE

Tribune libre Nationalisation des pertes et privatisation des profits Hyam MALLAT

La crise financière américaine a fait brusquement voler en éclats les principes de non-intervention de l’État dans les affaires financières et économiques de la nation tant il est vrai que les risques de dérapage et de faillite dans une société sont de nature à faire oublier aux meilleurs tous les concepts et toutes les théories élaborées patiemment en vase clos. Voici donc l’État fédéral américain qui, compte tenu des répercussions catastrophiques d’une crise qui semble loin d’être finie, vient de balayer tout ce que la théorie économique et financière a échafaudé sur un nombre considérable de sujets dont en tout premier la régulation des crises par les évolutions de marché et la consécration du sacro-saint principe de la réduction du rôle de l’État dans les sociétés modernes. Y a-t-il quelques leçons à tirer de cet événement sur la scène libanaise ? Au-delà des déclarations rassurantes des responsables politiques et financiers sur la stabilité de la situation économique libanaise et l’absence de répercussions négatives de la crise internationale sur la société libanaise, il y a lieu quand même à notre avis de relever les leçons significatives suivantes : 1- Les théories de politique économique élaborées en vase clos par des théoriciens qui n’ont jamais ou peu expérimenté les difficultés des prises de décision apparaissent bien comme un moment inutile de la réflexion publique. En effet, il est significatif de relever que l’instinct grégaire de sauvegarde des sociétés a instantanément poussé les autorité publiques à intervenir massivement sur les marchés en recourant à la nationalisation des banques en détresse ou à injecter de l’argent tiré des caisses de l’État, des Banques centrales et donc des contribuables pour éviter un effondrement économique et politique. Il n’est pas jusqu’à la Chambre des représentants aux États-Unis qui, en un record historique digne des Parlements des pays en développement, a accepté en une semaine de rejeter puis d’approuver la loi de soutien aux banques en détresse. Et c’est tout dire. 2- L’État s’est réinstallé au cœur des nébuleuses financières et des montages farfelus et sophistiqués élaborés par des théoriciens en quête de profits rapides et d’escamotage des combines pour démontrer qu’il est le recours limite et indispensable pour qu’une société non seulement politique mais également économique et financière fonctionne correctement. Ceci ne revient pas à dire que l’État doit s’occuper de tout jusqu’au dernier boulon de la voiture de service. Loin de là ! Mais il y a lieu d’affirmer que seules des lois intelligemment rédigées et des régulations loyales peuvent mettre à l’abri les citoyens des manigances financières de nature à faire tomber en un jour des empires financiers bâtis patiemment durant des décennies et faire perdre aux honnêtes citoyens leurs salaires et leurs pensions pour l’avenir. 3- Que dire alors des rengaines rabâchées par des politiciens et des théoriciens qui croient voir remplacer le rôle de l’État dans les faits du service public et de l’intérêt public (eau, électricité, transports, santé….) sans une bonne gouvernance. La privatisation n’exclut pas le rôle de l’État, mais l’élève au rang de régulateur de l’essentiel. Et c’est donc à travers une cohérence institutionnelle servie par des citoyens de bonne formation morale et professionnelle que nous pouvons augurer du succès des politiques. C’est dire que cette catastrophe financière internationale due à la mauvaise gestion de quelques personnes s’est traduite par une véritable nationalisation des pertes faisant assurer aux générations actuelles et surtout futures la privatisation irresponsable du profit de quelques présidents-directeurs généraux et consorts sans grande conscience de leur responsabilité morale et professionnelle. C’est dire aussi que l’État se doit d’être à la hauteur de ses responsabilités à travers une cohérence de comportement et une loyauté dans la régulation de nature à pousser les instruments de la croissance économique d’un pays à faire preuve d’autant de courage pour investir que de modération dans le profit. Il est désormais clair que pour longtemps, la méfiance et la prudence pourraient s’installer tant la récupération des réputations financières et économiques atteintes dans leur transparence est difficile. Et c’est en quoi le Liban pourrait profiter de cette expérience dramatique de par le monde pour en tirer une leçon non seulement d’assurance sur ses dépôts bancaires et des profits, mais de véritable redressement national de ses institutions qui se fait attendre. Avocat et professeur. Ancien président du conseil d’administration de la Sécurité sociale et des Archives nationales
La crise financière américaine a fait brusquement voler en éclats les principes de non-intervention de l’État dans les affaires financières et économiques de la nation tant il est vrai que les risques de dérapage et de faillite dans une société sont de nature à faire oublier aux meilleurs tous les concepts et toutes les théories élaborées patiemment en vase clos.
Voici donc...