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Culture - Cinéma

Les réfugiés syriens au Liban, sans chichis ni lamentos

« La vallée de l’exil » de la réalisatrice irano-canadienne Anna Fahr dresse dans sa simplicité un tableau honnête de l’éprouvant périple des réfugiés syriens au Liban.

Les réfugiés syriens au Liban, sans chichis ni lamentos

Rima et Nour, deux Syriennes qui trouvent refuge dans la vallée de la Békaa dans le film « Valley of Exile » d’Anna Fahr. Photo Morning Bird Pictures

Le premier long-métrage d’Anna Fahr a un mérite clair : il touche authentiquement et dresse dans sa simplicité un tableau honnête de l’éprouvant périple des réfugiés syriens au Liban. Ce périple, c’est celui de Rima et Nour, deux sœurs qui ont fui Damas et se retrouvent sur la route de la Békaa, où elles sont accueillies dans un camp en attendant de trouver mieux, si mieux il y a…

Sobre sincérité

C’est peut-être parce que Valley of Exile ne déborde pas d’effets cinématographiques ou de bravoures esthétiques qu’il parvient à présenter un récit transparent de l’exil, loin du misérabilisme que l’on déplore souvent dans les films d’itinéraire de réfugié.

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D’emblée, l’action est située : « Vallée de la Békaa, Liban, 2013 », et l’histoire individuelle ne sera jamais décorrélée d’une réalité politique, celle de la guerre en Syrie, à l’inverse de tant d’autres récits qui semblent voir les migrants comme des figures quasi romantiques et hors de l’histoire.

Une fois le décor spatio-temporel posé (par le journal télévisé, par la mention de la difficulté de partir et la volonté de retourner au pays une fois la guerre terminée – ce qui remet les pendules à l’heure sur l’émigration comme choix ou comme contrainte), Anna Fahr raconte sans prétention et sans trémolos la réalité quotidienne de l’exil. Cette absence de misérabilisme passe d’abord par le choix de ses personnages : Nour et Rima. Jean slim et queue de cheval, hijab et sweater, deux jeunes adultes ordinaires, dont la personnalité et les différences importent plus que leur statut de réfugiées. Aussi par les plans et les décors soignés mais sans jamais d’esthétisation, qui aurait été en décalage complet avec la réalité des camps. La difficulté de l’exil se manifeste par de petits détails : les ampoules aux pieds à force d’avoir trop marché ou le bruit de fond incessant de leur valise sur le gravier. Et souvent, quelque part dans l’image, des tableaux de la vie quotidienne : les enfants remplissent des bidons d’eau, les femmes ramassent les pommes de terre et l’on étend le linge. Ces plans contrastent avec ceux de la Békaa, toujours très larges et très vides. De grandes étendues qui se présentent comme l’inconnu s’ouvrant devant les yeux de nos héroïnes. Comment se projeter et vers où aller quand ne s’offre au regard aucun point d’ancrage, si ce n’est celui d’un petit camp de réfugiés échoué au milieu de la vallée ?

Une image tirée du film « Valley of Exile » d’Anna Fahr. Photo Morning Bird Pictures

Un récit touchant

Il s’agit donc aussi d’une quête de sens intime pour Rima et Nour qui ont abandonné l’université et l’école et se retrouvent femmes de ménage sans espérer retrouver ici les chemins de leur vie d’avant. À cet endroit, le scénario bégaye parfois dans des scènes un peu naïves où l’on sent pourtant toujours la pureté de l’intention. Ainsi, Nour regarde, empreinte de nostalgie, d’anciennes photos sur une musique mélancolique, mais l’on comprend malgré l’ingénuité de la scène ce qu’il y a d’essentiel dans cet acte banal. Le sage personnage de Haïfa qui les héberge dans le camp – une Palestinienne qui porte en elle le poids de plusieurs migrations – peut également sembler convenu, mais raconte aussi l’ancrage de la région dans l’exil et la figure de la femme comme porteuse d’héritages.

Tricoter la vie

Car il s’agit aussi d’un film sur la féminité. C’est auprès de Haïfa et de sa nièce que Rima et Nour trouvent refuge, mais aussi l’accompagnement nécessaire dans ce changement radical d’existence. Comme un relais que les femmes se transmettent. Une scène assez éloquente illustre cette sororité lorsque les quatre personnages entourent le ventre de Rima dont l’enfant donne ses premiers coups. Et inlassablement Rima tricote des pulls pour son fils, même lorsqu’elle comprend qu’elle l’élèvera seule. Le film nous apprend l’endurance des femmes qui tissent leur vie avec les fils qu’on leur donne, avec ce qui n’était pas prévu, avec le regret de ce qui aurait pu être différent, et avec la peur aussi de ne pas savoir où l’on va.  

Valley of Exile poursuit sa tournée mondiale après avoir été projeté au mois d’avril au Beirut International Women Film Festival et au festival de cinéma arabe Aflam à Marseille.

Bio Express

Anna Fahr est une artiste irano-libano-canadienne multidisciplinaire, cinéaste et fondatrice de Morning Bird Pictures Inc. (anciennement Sepasi Films, fondée en 2003), une société de production qui se consacre à la création de films à impact social axés sur le Moyen-Orient contemporain et sa diaspora.

Son court-métrage narratif Transit Game, qui parle de la crise des réfugiés au Liban sur fond de guerre syrienne, a été projeté dans plus de cinquante festivals internationaux depuis sa première à l’automne 2014, remportant des prix à Berlin, San Francisco et Florence, entre autres. 

Son premier long-métrage documentaire indépendant intitulé Khaneh Ma: These Places We Call Home ausculte les questions d’identité culturelle et de double nationalité du point de vue de trois générations d’Iraniens vivant en Iran, au Canada et en Allemagne. Le film a été projeté dans des festivals internationaux dans le monde entier et est sorti en salle à Montréal. 

Le premier long-métrage d’Anna Fahr a un mérite clair : il touche authentiquement et dresse dans sa simplicité un tableau honnête de l’éprouvant périple des réfugiés syriens au Liban. Ce périple, c’est celui de Rima et Nour, deux sœurs qui ont fui Damas et se retrouvent sur la route de la Békaa, où elles sont accueillies dans un camp en attendant de trouver mieux, si mieux il y a…Sobre sincérité C’est peut-être parce que Valley of Exile ne déborde pas d’effets cinématographiques ou de bravoures esthétiques qu’il parvient à présenter un récit transparent de l’exil, loin du misérabilisme que l’on déplore souvent dans les films d’itinéraire de réfugié. Lire aussi Zakaria Jaber : Continuons à parler, parlons de notre État D’emblée, l’action est située : « Vallée de la...
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