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Actualités - OPINION

L’éditorial Vents du Nord

Tout acte terroriste est évidemment haïssable, et toute perte de vies innocentes ne peut que susciter compassion et colère. Par-delà sa dimension humaine cependant, c’est surtout une sourde inquiétude que suscite parmi les Libanais, eux-mêmes victimes du fléau terroriste, le sanglant attentat à la bombe de samedi dernier à Damas. L’explosion meurtrière qui a visé hier un bus militaire près de Tripoli n’a fait que confirmer d’ailleurs cette singulière communauté des risques et périls qui est désormais la règle, semble-t-il, entre le régime baassiste et son ancien protectorat libanais : Beyrouth condamne l’attentat de Damas, Damas lui rend la politesse en condamnant l’attentat de Tripoli ; mais quoi encore ? Par l’audace de ses auteurs comme par son effroyable bilan, l’attentat de samedi est le plus grave depuis la vague de violence qui avait frappé notre voisin de l’Est au début des années 80. Cela fait plusieurs mois cependant que la sécurité intérieure en Syrie n’est plus ce qu’elle était, que de graves défauts sont apparus dans une cuirasse à la solidité jadis proverbiale, tous ces incidents demeurant entourés jusqu’à ce jour d’un black-out quasi total. C’est avec une exceptionnelle célérité, en revanche, que le dernier en date de ces attentats a été attribué à un commando-suicide extrémiste venu, la veille même, d’un pays arabe limitrophe. L’éternel suspect israélien étant mis hors de cause, s’agirait-il donc du Liban, plutôt que de l’Irak ou de la Jordanie ? C’est ce que laissent croire les importants renforts militaires syriens envoyés la semaine dernière à un jet de pierre de notre frontière nord : ce vaste déploiement visant à la lutte contre la contrebande, mais aussi contre les atteintes à la sécurité intérieure syrienne. Lors du récent sommet quadripartite de Damas, le président Assad s’alarmait publiquement du péril intégriste et pressait son hôte, le président Michel Sleiman, d’envoyer davantage de troupes à Tripoli, théâtre d’affrontements entre sunnites et alaouites. Plus explicite encore était le raïs syrien quand, recevant hier le président de l’ordre des journalistes libanais, il a assuré que le Liban-Nord était devenu une véritable base pour l’extrémisme. Ajoutant qu’il avait longtemps mis en garde contre ce péril. C’est vrai, du moins pour ce qui est d’un certain terrorisme à caractère ultrareligieux. Car il est tout aussi vrai que la Syrie s’est longtemps vu reprocher ses liens avec d’autres terrorismes : accusation dont d’ailleurs elle est loin d’être lavée, notamment pour ce qui est de la série d’attentats qui, ces dernières années, ont fauché de nombreuses personnalités libanaises. Saisissant, en tout état de cause, est le cas de ces groupes islamistes pourchassés en Syrie, longtemps embrigadés et manipulés par celle-ci dans sa chasse gardée libanaise, et qui, par un ironique retour des choses, représentent aujourd’hui une si grave menace pour les apprentis sorciers. Ce n’est pas là, cependant, le seul paradoxe de la situation. Autant se trouve fragilisée en ce moment la stabilité interne de la Syrie, autant se trouve confortée, par contre, sa position internationale. À tout prendre en effet, et en dépit de ses nombreuses tares, la survie du régime baassiste reste plus que jamais, aux yeux du monde, le seul obstacle à l’émergence d’une Syrie intégriste. Que le Liban-Nord soit réellement devenu une base extrémiste et que de cette base soient lancées des agressions contre la Syrie serait non seulement malheureux, mais carrément catastrophique. Voilà qui commande à tous les Libanais de faire corps avec une armée régulière elle-même d’ailleurs prise pour cible, afin que soient neutralisés tous les facteurs de subversion. Car à défaut d’un tel consensus, on aurait ouvert la porte à toutes sortes d’interventions, déclarées ou non (il n’y a pas si longtemps, après tout, que les Turcs puis les Russes invoquaient le droit de poursuite pour s’aventurer qui en Irak et qui en Géorgie). On n’aurait fait, surtout, qu’accréditer la maligne thèse voulant qu’un Liban laissé à lui-même est non seulement un Liban livré à l’anarchie, mais également un brûlot éminemment dangereux pour ses voisins et la région tout entière. Plus jamais ne doit être rééditée la sombre farce du secourable pompier ¦ Issa Goraieb
Tout acte terroriste est évidemment haïssable, et toute perte de vies innocentes ne peut que susciter compassion et colère. Par-delà sa dimension humaine cependant, c’est surtout une sourde inquiétude que suscite parmi les Libanais, eux-mêmes victimes du fléau terroriste, le sanglant attentat à la bombe de samedi dernier à Damas. L’explosion meurtrière qui a visé hier un...