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Actualités - OPINION

Le véritable enseignement de Raymond Eddé Dr Joseph MOURAD

Mme Hanane Abboud, dans un article intitulé : « Mais comment je vais faire ? » publié dans L’Orient-Le Jour du 24 septembre, a soulevé la question suivante : « Est-ce que Carlos Eddé sait ce qui s’est passé à Ehmej, à Jaj, à Nahr Ibrahim ? Est-ce qu’il a parlé avec » oncle Raymond « de son exil forcé à Paris ? » Soyez rassurée, Mme Abboud, le Amid Carlos Eddé sait ce qui s’est passé à Ehmej, à Jaj, à Nahr Ibrahim, à la maison du Bloc national à Jbeil, le Samedi noir, à la Quarantaine. En fait, il est même passé à la Quarantaine après le massacre et en a gardé le souvenir. Il sait aussi ce qui s’est passé ailleurs, à Ehden, dans les montagnes, dans les villages, dans les rues de Beyrouth, à Damour, au Chouf, dans Sabra et Chatila, dans d’autres camps palestiniens. Il était parfois présent quand son « oncle Raymond », comme vous le dites si bien, essayait de sauver des personnes enlevées indépendamment de leurs affiliations politiques ou religieuses. Ayant été un des plus proches compagnons de Raymond Eddé, je peux vous confirmer qu’il parlait souvent du Liban avec son neveu durant son séjour en France. Il évoquait certes, avec beaucoup d’animosité, le rôle des milices dans la guerre civile au Liban, mais plus important, bien plus important, il parlait surtout avec enthousiasme de son amour pour le Liban et les Libanais, de son souhait de voir son pays se redresser, de la nécessité d’implanter des réformes, dont le mariage civil et autres, de développer l’écologie, de créer des ponts entre les individus et entre les communautés. Vous citez des fait tragiques que nul ne peut corriger et qui se sont produits il y a près de trente ans. Plus de la moitié de la population du Liban et parmi eux les chrétiens n’étaient pas nés. De plus, un grand nombre de Libanais vivant aujourd’hui étaient mineurs durant les événements auxquels vous vous référez. Nul au Bloc national, y compris Carlos Eddé, n’a oublié les crimes commis. Mais avons-nous le droit de maintenir autour de nous un climat de haine et de rancœur, et diviser encore plus des jeunes générations pour des fins politiques comme le font certains politiciens afin de manipuler les sentiments et les souffrances ? N’est-ce pas irresponsable et criminel de leur part ? En 2004, Carlos Eddé a rendu visite à toutes les familles des victimes du massacre de la maison du Bloc national en 1976 et leur a dit que les circonstances politiques du pays le pousseraient à œuvrer à une grande alliance dans laquelle seraient présents des partis dont des membres auraient participé à l’incident. Tous les membres des familles au premier degré sans exception lui ont répondu qu’ils avaient tourné la page et qu’ils voulaient regarder l’avenir. Si les personnes concernées directement et qui ont le plus souffert ont fait preuve de grandeur, ne devons-nous pas suivre leur exemple ? Il faut savoir faire la différence entre la justice, d’une part, et la vengeance ou la revanche, d’autre part. S’il est question de justice, qu’on soit d’accord ou non, il y a eu une loi d’amnistie générale. Par la suite il y a eu, dans le cas de Samir Geagea, une condamnation à une peine de prison, pour laquelle il a purgé onze ans en réclusion solitaire. Par la suite, il a été amnistié. La justice, sous forme d’amnisties et prison sélective, a été rendue bien que de part et d’autre elle soit considérée imparfaite. Or aujourd’hui, la plupart des chefs politiques actuels ont participé à la guerre directement, ou ont financé la guerre, ou sont issus de familles qui l’ont faite. Et pourtant, un seul a purgé une peine, et c’est un des rares à avoir fait son mea culpa. Que dire des autres ? Mais aussi, puisqu’on doit remuer le couteau dans la plaie, il faudrait aussi culpabiliser des centaines de milliers de Libanais qui, à chaque élection, à chaque manifestation, appuient les leaders de tous bords et de toutes confessions qui ont fait la guerre ? Apres tout, c’est de l’appui populaire des citoyens que les chefs de guerre tirent leur légitimité. J’ai connu intimement Raymond Eddé et Pierre Eddé pendant plus de quarante ans et vous avez raison de dire dans votre article qu’il « s’est toujours battu pour tout le Liban et tous les Libanais ». Malgré ses reproches à ceux qui ont commis des crimes et des erreurs durant la guerre, il n’aurait jamais sacrifié l’avenir du pays et le bonheur des nouvelles générations pour maintenir des discordes. Mieux que quiconque, il savait « prioriser » les dangers et reconnaîtrait qu’aujourd’hui, en plus de la menace constante d’Israël et les convoitises de la Syrie, le danger le plus pressant est celui de voir la milice et le Hezbollah s’emparer du pouvoir et transformer le Liban en une république théocratique islamique. Car quand on est pour l’État et contre les milices, on est contre toutes les milices sans distinction, et quand on a été contre l’accord du Caire on ne peut que s’opposer à la milice du Hezbollah et à ceux qui l’appuient. Et ceux qui connaissent vraiment Raymond Eddé vous diront qu’il était pour la justice, jamais pour la vengeance. Mais il a obtenu sa revanche quand d’anciens miliciens se sont repentis et ont adopté une bonne partie de son discours et de ses arguments, même avec trente ans de retard, même sans lui reconnaître ses droits d’auteur ! Il faut certainement honorer la mémoire des victimes de la guerre et ne pas oublier les souffrances et les crimes afin qu’ils ne se reproduisent plus. Mais préférer la vendetta à l’avenir des générations futures ? …La priorité, pour ceux qui ont souffert et survécu à la guerre, est d’éviter que la violence ne recommence et assurer à nos enfants et petits-enfants le bonheur que Raymond Eddé leur souhaitait. Dr Joseph MOURAD Secrétaire général du Bloc national libanais Article paru le samedi 27 septembre 2008
Mme Hanane Abboud, dans un article intitulé : « Mais comment je vais faire ? » publié dans L’Orient-Le Jour du 24 septembre, a soulevé la question suivante : « Est-ce que Carlos Eddé sait ce qui s’est passé à Ehmej, à Jaj, à Nahr Ibrahim ? Est-ce qu’il a parlé avec » oncle Raymond « de son exil forcé à Paris ? »
Soyez rassurée, Mme Abboud, le Amid Carlos Eddé sait...