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Actualités - ANALYSE

Conseil des ministres L’accès des étrangers à la propriété, une bombe à retardement...

Scarlett Haddad La loi sur la propriété des étrangers a failli faire exploser l’entente au sein du gouvernement d’union nationale. Sans le compromis trouvé par le président Sleiman, la vente d’un terrain à Jbeil aurait pu déclencher une nouvelle polémique. Le dernier Conseil des ministres qui s’est tenu au palais de Baabda a été marqué, entre autres, par un débat sur le problème de la loi sur la propriété des étrangers. La discussion a été fébrile et a même failli ébranler la fragile entente au sein du gouvernement. C’est en fait le CPL, et plus particulièrement le ministre des Télécommunications Gebran Bassil, qui a ouvert le débat sur ce plan au cours de la séance de cabinet. La conclusion d’une grande opération de vente de terrain dans la région de Batroun en avril 2008 avait alerté Bassil et les députés du Bloc du changement et de la réforme. Ceux-ci ont décidé de revoir la loi sur la propriété des étrangers. Avant l’amendement de 2001, ce texte autorisait les étrangers à acheter 50 000m2 par an. Depuis cet amendement, les étrangers peuvent acheter un million de m2 par an. Mais, selon les députés du Bloc du changement et de la réforme, la proportion autorisée aurait été largement dépassée en 2005. Selon les dispositions de la loi, un non-Libanais a le droit d’acheter jusqu’à 3 000m2 et toute personne qui sert de prête-nom à un étranger, pour lui permettre d’aller au-delà des 3 000m2 autorisés, est passible de poursuites judiciaires. En principe, donc, si un étranger veut acheter une superficie plus grande que les 3 000m2 autorisés, il doit présenter une demande au ministère des Finances qui la soumet à son tour au Conseil des ministres. C’est ainsi que le Conseil des ministres de mardi dernier devait examiner une demande d’achat par un non-Libanais d’un terrain d’une superficie dépassant les 3 000m2 dans la région de Jbeil. Dès que ce point figurant à l’ordre du jour a été soumis au vote, Gebran Bassil a ouvert le débat. Selon une source ministérielle de l’opposition, Bassil a expliqué que si le législateur a soumis ces cas au vote du Conseil des ministres, c’est qu’il voulait limiter l’achat de terrains par des non-Libanais. Or, selon lui, 174 décrets ont été pris par les Conseils des ministres successifs de 2005 à nos jours, autorisant la vente de terrains de plus de 3 000m2 à des étrangers. Ce qui, a affirmé Bassil, dénote une banalisation de cette situation, que le législateur voulait pourtant exceptionnelle. Devant les ministres, Bassil a aussi rappelé que selon la loi amendée en 2001, un étranger qui achète un terrain au Liban doit construire sur ce bien-fonds. La loi prévoit aussi que s’il ne le fait pas dans un délai de 5 ans, il peut demander un renouvellement de l’autorisation pour une nouvelle période de 5 ans. Sinon, l’État doit racheter le terrain au prix payé par son acheteur non libanais cinq ans auparavant, quitte à le revendre à un prix plus élevé, selon les règles de la plus-value immobilière. Bassil a fait alors remarquer que tous les étrangers ayant acheté des terrains en 2001 et qui n’ont pas effectué de constructions auraient dû présenter des demandes de prorogation du délai. S’ils ne l’ont pas fait en 2006, l’État devrait reprendre possession de ces terrains et les revendre. Avec la plus-value immobilière, alors qu’il ne verse aux non-Libanais que le montant de leur prix d’achat, l’État pourrait renflouer ainsi les caisses du Trésor public. Bassil a insisté sur le fait que la loi exige que le but de l’achat du terrain soit précisé dans la demande soumise au ministère des Finances. Or, depuis 2005, on parle d’un « investissement foncier », qui, en termes juridiques, ne veut strictement rien dire. Il faut que le projet soit défini : construction d’une maison avec jardin, d’un complexe balnéaire, d’un hôtel, etc. Sinon, a estimé Bassil, le Conseil des ministres ne devrait pas donner d’autorisation et publier un décret particulier. Ces propos, affirme la source ministérielle de l’opposition, ont provoqué une réaction chez les ministres de la majorité qui auraient affirmé que ce genre de discours est de nature à faire fuir les investisseurs arabes. Ils auraient même dit : « On ne peut pas poser autant de conditions à un acheteur arabe qui vient aider le pays et cherche à y investir. C’est le meilleur moyen de faire fuir les investisseurs. » Bassil aurait répondu : « Encourager les investisseurs ne signifie pas vendre le pays. » Le ministre des Télécommunications aurait ensuite proposé un mécanisme à suivre lorsqu’une proposition de ce genre serait soumise à l’approbation du Conseil des ministres : le ministère des Finances devrait publier un relevé des pourcentages et des surfaces déjà vendues à des non-Libanais. Il doit ensuite informer les ministres de la liste des terrains achetés par des non-Libanais et qui n’ont pas été construits dans les délais autorisés, mais dont les propriétaires ont demandé une prolongation. Il doit enfin informer les ministres des terrains non construits dont l’autorisation ne peut être prolongée et qui doivent ainsi être récupérés par l’État. Bassil aurait d’ailleurs rappelé que depuis l’adoption de l’amendement de la loi en 2001, l’État n’a jamais entrepris une telle démarche. Le ministre des Télécommunications aurait aussi demandé que le non-Libanais désireux d’acheter un terrain d’une superficie de plus de 3 000m2 devrait aussi faire figurer dans sa demande, en plus de son objectif, une étude sur l’intérêt du projet et des estimations de son apport pour l’économie libanaise. Bassil aurait enfin demandé que les relevés soient publiés par le ministère des Finances tous les six mois. La source ministérielle de l’opposition précise que le président Sleiman a aussitôt réagi, voyant que le climat au sein du Conseil des ministres était en train de s’envenimer. Il a alors demandé que soit adopté pour cette fois le décret autorisant la vente du terrain à Jbeil, mais que le mécanisme proposé par le ministre des Télécommunications soit suivi à l’avenir chaque fois qu’un tel cas se présentera. Le ministre des Télécommunications a toutefois tenu à enregistrer ses réserves dans le procès-verbal et les ministres ont pu poursuivre l’examen de la suite de l’ordre du jour. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Bassil révèle toutefois que le problème reste entier, car il touche à une question fondamentale pour les Libanais : la vente de terrains aux étrangers, et plus particulièrement aux Palestiniens, avec ou sans prête-noms. Il s’agit, selon lui, d’un conflit entre deux approches : la première consiste à estimer que la terre est un moyen d’attirer les investisseurs et la seconde estime qu’il faut mettre des lignes rouges, car la terre est un fondement essentiel de la patrie. Il ajoute que même si on ne veut pas évoquer le danger d’implantation des Palestiniens, qui pourrait se faire à travers l’achat de terrains par le biais de prête-noms, et même si on ne veut pas évoquer l’aspect « islamisation de la terre », à travers ces ventes de grandes superficies, il faut mettre des limites à la vente des terrains à des non-Libanais, quelle que soit leur nationalité. La terre est, dit-il, un bien précieux qu’il faut préserver. Sinon, dans dix ou vingt ans, que restera-t-il de notre pays ? Au cours d’une tournée samedi, dans des localités de Batroun et Jbeil, Gebran Bassil a encore évoqué ce point, rappelant que la terre n’est pas une marchandise à vendre. Il a ajouté qu’il s’opposera aux irrégularités commises par le Conseil en autorisant la vente à des non-Libanais de superficies de plus de 3 000 m2, sans objectifs précis, ajoutant que ces décrets sont passibles de recours en annulation devant le Conseil d’État.
Scarlett Haddad

La loi sur la propriété des étrangers a failli faire exploser l’entente au sein du gouvernement d’union nationale. Sans le compromis trouvé par le président Sleiman, la vente d’un terrain à Jbeil aurait pu déclencher une nouvelle polémique.

Le dernier Conseil des ministres qui s’est tenu au palais de Baabda a été marqué, entre autres, par un débat sur...