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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE Tripoli : pourquoi tout reste possible... Scarlett HADDAD

Spectaculaire, la réconciliation élargie à Tripoli l’est certainement. Elle est aussi inattendue, surtout lorsqu’on pense qu’il y a quelques jours encore, les belligérants se vouaient à tous les démons et s’accusaient réciproquement des pires maux. Tous les diables confessionnels étaient brusquement sortis de leurs boîtes, alors que les habitants des deux côtés de la rue de Syrie ( la ligne qui sépare Jabal Mohsen de Bab el-Tebbaneh) étaient cantonnés chez eux, n’osant plus sortir de leurs quartiers. Brusquement, le miracle s’est produit et les ennemis jurés d’hier se sont assis côte à côte sous le regard bienveillant du courageux et inlassable mufti de la ville, Malek Chaar. Selon un observateur tripolitain, le miracle ne serait quand même pas tombé soudainement du ciel. C’est le ministre égyptien, Ahmad Aboul Gaith, qui a tiré la première sonnette d’alarme au cours de sa rapide visite à Beyrouth. Selon l’observateur tripolitain, les Égyptiens, qui ont suffisamment de problèmes internes avec l’opposition au régime représentée par les Frères musulmans, verraient d’un mauvais œil l’influence grandissante des salafistes au Liban. Le ministre égyptien des AE a donc voulu alerter les autorités libanaises sur la question, en leur précisant que la poudrière tripolitaine pourrait exploser à la face de tous. Les propos du président syrien Bachar el-Assad prononcés en présence du président français, de l’émir du Qatar et du Premier ministre turc ont ensuite eu l’effet d’une douche froide sur les protagonistes. Le camp du 14 Mars a compris les propos d’Assad comme une menace directe de retour militaire, au moins dans le Nord du pays. Pour la majorité, le président syrien a commencé par estimer que la situation est très grave à Tripoli, laissant entendre qu’elle représente une menace pour la sécurité de la Syrie. Il a ensuite demandé au président Sleiman d’envoyer une brigade au Nord pour rétablir l’ordre et la sécurité. Autrement dit, « si l’armée ne le fait pas, il faudra bien que quelqu’un d’autre le fasse, et comme nous sommes directement concernés, nous pourrions le faire nous-mêmes ». C’est en tout cas ce qu’ont compris les piliers de la majorité et avec eux l’Arabie saoudite. Celle-ci a donc rapidement réagi, estimant qu’il faut à tout prix calmer le jeu au Nord pour couper court à toute tentative de retour militaire de la Syrie au Liban. Contacts urgents L’observateur tripolitain poursuit son développement en ajoutant que l’Arabie saoudite a aussitôt entrepris des contacts urgents avec toutes les parties pour proposer cette réconciliation générale sous la houlette du mufti de la ville, les protagonistes refusant en effet de se rendre les uns chez les autres. Il a fallu aussi que les Saoudiens convainquent Saad Hariri d’accepter de reprendre contact avec des personnalités de la ville qu’il avait ignorées depuis longtemps, comme Omar Karamé, et même, à un degré moindre, Nagib Mikati. Mais la conscience chez toutes les parties de la gravité de la situation a accéléré le processus et les petits détails de dernière minute ont été réglés. L’objectif était de donner un message fort à tous les habitants du Nord, dont le sentiment d’appartenance confessionnelle avait été aiguisé à outrance ces derniers temps. D’où la solennité de la cérémonie de signature et les discours apaisants prononcés par les uns et les autres. Le Koweït a aussi été mis à contribution, puisque le Fonds Koweïtien de développement s’est proposé de financer la reconstruction de la rue de Syrie, qui est une artère commerçante indispensable à la vie économique de la région. Cette annonce vise aussi à rassurer les habitants sur le sérieux de la démarche. Autrement dit, il ne s’agit plus seulement de pousser les éléments armés à se retirer des rues, mais également à investir dans la reconstruction. Tout n’est pas réglé Toutefois, le document signé ne prévoit aucun mécanisme de ramassage des armes et il n’y est pas non plus clairement indiqué que l’armée prend en charge la sécurité dans la région avec les pleins pouvoirs. Ces lacunes, poursuit l’observateur tripolitain, montrent que le fond du problème reste le même. L’Arabie saoudite et la Syrie n’ont toujours pas amélioré leurs relations et leur bras de fer se poursuit au Liban. La situation à Tripoli menaçait de tourner à l’aigre et d’échapper à tout contrôle, avant de fournir un prétexte idéal à une intervention syrienne, l’Arabie a donc réagi. Mais la Syrie, elle, n’a pas effectivement participé à la solution. Pour l’observateur tripolitain, la présence de Ali Eid et de son fils Rifaat, prosyriens notoires et qui ne s’en cachent d’ailleurs pas, à la réunion de réconciliation ne signifie pas que la Syrie approuve le processus, mais plutôt que, pour l’instant, il lui semblait préférable de laisser conclure l’accord, pour que les alaouites sérieusement éprouvés au cours des derniers mois puissent souffler un peu. Affirmer, par contre, que la page des turbulences est tournée à Tripoli et que Damas et Riyad ont décidé de renouer le dialogue lui paraît prématuré. L’observateur tripolitain reconnaît que la Syrie est actuellement en période de test auprès des pays occidentaux et en particulier la France. Elle doit donc rester très prudente sur ses agissements au Liban. Mais au Nord, la situation est si confuse et complexe que le plus petit groupe, même agissant selon son propre agenda peut remettre le feu aux poudres, tant qu’il n’y a pas de solution radicale. Or, selon la même source, Tripoli n’en est pas encore là. Ce qui est probable, c’est que le calme se prolonge jusqu’à la fête du Fitr. Et après, qui sait, les développements régionaux et internationaux pourraient bien pousser les protagonistes à plus de sagesse. Sans compter le fait que les habitants auront, eux, pris goût à la paix. Et à la réconciliation... D’ailleurs, le président de la Chambre, Nabih Berry, a lancé l’idée d’une réconciliation à Beyrouth, similaire à celle de Tripoli entre Tarik Jdidé et ses environs alors qu’une autre réconciliation serait en préparation à Iqlim el-Kharroub. Une fois n’est pas coutume, ce genre d’épidémie peut avoir du bon.
Spectaculaire, la réconciliation élargie à Tripoli l’est certainement. Elle est aussi inattendue, surtout lorsqu’on pense qu’il y a quelques jours encore, les belligérants se vouaient à tous les démons et s’accusaient réciproquement des pires maux. Tous les diables confessionnels étaient brusquement sortis de leurs boîtes, alors que les habitants des deux côtés de la rue de...