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Actualités - OPINION

«?Les deux rives?» de la Méditerranée

J’entends fréquemment l’expression «?les deux rives de la Méditerranée?» qui, à chaque fois, vient frapper mes oreilles comme un violent ressac. Le mot «?rive?» s’emploie habituellement pour un fleuve et non pour une mer et un océan, qui sont bordés, eux, de rivages. Mais au-delà de cette simple remarque lexicale se cache, il me semble, une dérive plus grave. Le fleuve a toujours deux rives, une mer plusieurs rivages. Et c’est bien là que se situe la dérive?: octroyer deux rives à la Méditerranée, c’est la définir comme un fleuve-frontière qui délimite deux espaces différents, voire opposés. Quelles sont donc ces deux rives?? L’Europe d’un côté certes, mais de l’autre?? Le monde arabe?? Pourquoi pas, mais il faut alors considérer la Turquie comme faisant partie intégrante de l’Europe. La rive musulmane faisant face à une rive chrétienne?? C’est ignorer que musulmans, chrétiens et juifs vivent ensemble sur les côtes européennes, africaines et asiatiques. Considérer la Méditerranée comme un fleuve avec deux rives est une idée réductrice et destructrice. C’est nier la diversité tout autour de cette mer, une même culture déclinée de multiples manières, pareille aux mille reflets du soleil sur l’eau. C’est ne considérer comme méditerranéen que le sud de l’Europe et le Maghreb, en occultant toute la partie orientale de la Méditerranée. C’est dresser un mur d’ombres entre des cultures lumineuses, élever une barrière mentale et imaginaire avec quelques gouttes salées et amères. C’est ressusciter l’opposition Orient-Occident, elle aussi une création européenne, qu’Edward Saïd avait pourtant enterrée. Non, la Méditerranée n’a pas deux rives, ni trois ou quatre, ni même autant que de pays qui la bordent. Elle a un seul rivage, continu, qui l’entoure comme la peau d’une olive. Elle est le noyau autour duquel s’est formée la chair de notre histoire et qui lui a donné le goût de la pensée et de l’humanisme. Olivier SALMON Paris
J’entends fréquemment l’expression «?les deux rives de la Méditerranée?» qui, à chaque fois, vient frapper mes oreilles comme un violent ressac. Le mot «?rive?» s’emploie habituellement pour un fleuve et non pour une mer et un océan, qui sont bordés, eux, de rivages. Mais au-delà de cette simple remarque lexicale se cache, il me semble, une dérive plus grave.
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