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Les prérogatives des trois présidences en question II.- Libérer l’État de l’emprise du confessionnalisme Michel FAYAD

Protégée par la neutralité et porteuse du régionalisme (qui s’accompagnerait de la mise en place d’un Sénat représentant les communautés), la nouvelle formule politique devra apporter une solution à la question des « présidences ». L’État étant « libéré » de l’ « emprise » confessionnelle par l’instauration du régionalisme, il faudra, malgré tout, assurer, en son sein, à chaque communauté, la possibilité de s’opposer à une décision remettant en cause le pacte national (voir L’Orient-Le Jour du vendredi 29 août 2008 ). Taef parle de « questions fondamentales », mais propose une fausse, voire même une dangereuse solution. Comme l’explique Joseph Maila dans son article intitulé « Le document d’entente nationale : un commentaire » publié par Les Cahiers de L’Orient n° 16-17 au quatrième trimestre 1989 - Premier trimestre 1990, « les questions “fondamentales” sont surtout des matières à haute sensibilité communautaire. Imagine-t-on alors sur ces questions l’absurdité d’une décision emportée aux deux tiers des voix ? Sur des questions aussi essentielles que la réorganisation administrative, avec les découpages communautaires qu’elle sous-entend, ou sur un projet de loi portant sur la nationalité ou le statut personnel, on ne voit pas comment les représentants d’une communauté, mis en minorité, s’accommoderont soit de la décision prise, soit du maintien de leur participation au gouvernement. Cela pour ne pas parler de l’absurdité, dans le cas libanais, d’une déclaration de guerre, acquise aux deux tiers des voix en Conseil des ministres ! Le recours au principe de la votation en Conseil des ministres n’est pas inhabituel. Il est en tout cas la loi obligée dans les pays où le système électoral basé sur la proportionnelle hisse au pouvoir des coalitions hétéroclites. Le vote au sein du Conseil des ministres présente donc un caractère permanent de la menace à la stabilité de la coalition. Dans d’autres pays où la loi électorale dégage des majorités cohérentes, le vote en Conseil des ministres, s’il a lieu, peut amener, en cas de crispation, à la démission du ou des ministres mis en minorité. Dans le cas libanais et dans le cadre maintenu du communautarisme, la coalition gouvernementale sera, en dernière instance, une coalition communautaire. Or la différence entre un ministre ou un parti participant à la coalition gouvernementale, dans des pays où des clivages segmentaires n’ont pas lieu d’être, et un ministre ou un parti participant à un gouvernement dans le contexte libanais réside en ceci que les premiers peuvent démissionner, ébranlant éventuellement la coalition gouvernementale, mais que les seconds ne peuvent le faire sans menacer gravement la cohésion sociétale. Car une communauté ne démissionne pas. Elle s’exclut ou elle est exclue, ouvrant la porte aux pires des crises comme certains temps forts de la guerre libanaise ont pu le montrer. Le vote qualifié – tel qu’il est présenté en matière communautaire – privera les communautés dont les représentants auront été mis en minorité de l’efficience de leur droit de veto, essentielle dans les démocraties dites de concordance ou de “consociation”. Il permettra de passer outre aux positions d’une des communautés, rendant aléatoire le fonctionnement du système communautaire tout entier dont le rôle est de rassurer les minorités en leur assurant un droit de blocage. Paradoxalement, c’est le système communautaire qui est alors bloqué, obligeant le gouvernement à démissionner ou… à rechercher une solution d’unanimité au lieu de la majorité. Dilemme de l’enfermement communautaire ! La seule espérance, irraisonnée, qu’il suscite alors est que soit très vite aboli le communautarisme… » Pour Joseph Maila, le droit de blocage s’inscrit dans « la théorie du “veto minoritaire” dite encore théorie de la “majorité concurrente” qui permet, dans les systèmes politiques segmentarisés à chacune des minorités, de s’opposer à une décision d’une majorité dégagée par agrégation des voix des autres communautés. Ce principe est aussi connu dans la systématisation “consociative” sous le nom de théorie de Calhoun ». Avec un président de la République à qui serait confié, comme auparavant, le pouvoir exécutif mais qui l’exercerait, cette fois, avec la participation du Conseil des ministres (formule proposée par Rachid Karamé en 1984), selon des dispositions constitutionnelles, la notion même de vote (consensus, majorité pondérée, minorité de blocage) disparaîtrait. En revanche, un droit de veto pourrait être accordé aux sept principales communautés libanaises (maronites, grecs-orthodoxes, grecs-catholiques, arméniens, sunnites, chiites et druzes). Dès lors, la question de la confession (druze ? grec-catholique ?) du président et du vice-président du Sénat ne serait plus un problème. Si dans un premier temps, la dévolution communautaire des « présidences » reste la même, les structures mentales évoluant moins vite que le droit, un système de « rotation » pourrait constituer une solution dans un second temps, avant de disparaître complètement. La répartition communautaire de la Chambre des députés disparaîtrait par la mise en place de la loi uninominale (élection d’un seul député par circonscription) qui garantit, conformément au pacte national, l’existence des deux valeurs, chrétienne et musulmane, égales, indépendamment de leur nombre. Enfin, pour parvenir à un rapport État-citoyen tel que prévu par le régionalisme en ce qui concerne l’autonomie étatique, il faudra introduire dans la Constitution une charte (qui serait elle aussi inamovible et définitive) intégrant les articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme (dont Charles Malek fut en grande partie l’architecte) et non en se contentant d’une simple référence comme c’est le cas dans le texte actuel. En effet, en l’introduisant dans notre Constitution, des droits fondamentaux seraient accordés aux Libanais en tant que citoyens. De plus, Sélim Jahel propose un processus de laïcisation selon lequel un pôle de statut personnel serait institué au ministère public. Il serait chargé de donner son avis sur tout litige soumis aux tribunaux confessionnels avec pouvoir d’exercer toute voie de recours contre leurs décisions. Un office étatique pourrait être également créé pour toutes les requêtes et autres doléances des particuliers. Article paru le samedi 30 août 2008
Protégée par la neutralité et porteuse du régionalisme (qui s’accompagnerait de la mise en place d’un Sénat représentant les communautés), la nouvelle formule politique devra apporter une solution à la question des « présidences ». L’État étant « libéré » de l’ « emprise » confessionnelle par l’instauration du régionalisme, il faudra, malgré tout,...