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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE Aoun au Sud : une visite tout en symboles et... en messages politiques

De la tournée du chef du CPL au Liban-Sud, dimanche, on retiendra sans doute beaucoup de choses, mais c’est surtout l’émotion du général Aoun, qui avait le plus souvent les yeux brillants de larmes contenues, qui reste dans les mémoires, relève-t-on dans les milieux de l’opposition. L’émotion des habitants du Sud, chrétiens et musulmans, qui, depuis des années, n’ont droit – et encore ! – qu’à la visite de leurs députés, ou d’un leader chiite, était aussi remarquable et a marqué cette tournée aux étapes bien étudiées pour constituer, chacune, un message politique. Il y a eu ainsi le premier arrêt à Cana, qui reste le symbole de la tragédie vécue par la population civile du Sud depuis la première invasion israélienne en 1978, une tragédie jalonnée de massacres dont deux ont été perpétrés dans ce village, à dix ans d’intervalle, en 1996 et en 2006. Il y a eu ensuite la pause de Rmeich et le message adressé « à ceux qui cherchent à s’approprier l’armée, sa cause et ses sacrifices ». Ce message rappelle d’ailleurs que le général François el-Hajj avait été l’un des premiers officiers à refuser de coopérer avec les Israéliens... Ce fut ensuite la cérémonie de Bint-Jbeil, fief du Hezbollah, au cours de laquelle le général Aoun a pris la parole là où seul Hassan Nasrallah avait déjà eu l’occasion de prononcer « le discours de la libération » et enfin, la longue station à Jezzine, pour la dimension chrétienne de cette tournée tout en symboles, après l’escale de Nabatiyeh et l’hommage rendu aux résistants. Cette visite du chef du CPL au Sud intervient d’ailleurs à un moment où les responsables israéliens multiplient les menaces contre le Liban et elle se veut, avant tout, un message d’espoir à une population qui n’en finit plus de vivre dans la précarité. Elle est donc empreinte d’une volonté de rassurer les habitants et de leur affirmer que si le danger existe toujours, il n’est pas, aujourd’hui, plus terrible qu’avant. Pour les sources proches de l’opposition, elle s’inscrit aussi dans le prolongement du document d’entente signé entre le CPL et le Hezbollah. Elle vise donc essentiellement, selon elles, à montrer aux sceptiques que ce document n’est pas seulement un accord politique. Il constitue aussi, surtout, une entente entre des composantes essentielles de la société libanaise, qui ont assimilé le fait qu’elles ont un destin et un avenir communs. Côte à côte, chrétiens et musulmans ont accueilli le général Aoun et la délégation qui l’accompagne. Côte à côte, ils ont vibré en écoutant les mêmes discours, applaudi aux mêmes phrases, exprimant ainsi une harmonie profonde qui dépasse les différences confessionnelles et communautaires. Critiqué, attaqué depuis sa signature en février 2006, ce document est donc, malgré tout, devenu une réalité incontournable sur le terrain. Tel est, en tout cas, le message qu’a voulu délivrer Aoun, à partir des localités du Sud. Les milieux proches de l’opposition précisent ensuite qu’en se rendant au Sud et en s’arrêtant dans plusieurs lieux qui ont marqué la mémoire des Libanais, Aoun a revêtu plusieurs casquettes : celle du militaire, qui a voulu évaluer l’importance de ce qui a été accompli en juillet et août 2006, celle du leader national qui prône l’unité autour d’une même cause et enfin, celle du chrétien, convaincu du rôle pionnier de sa communauté. Il y a aussi, ajoutent les mêmes milieux, celle du résistant qui ne peut que rendre hommage au courage de ceux qui sont tombés en défendant leur terre. Dans ce contexte, Aoun a d’ailleurs envoyé deux messages. Il a pressé les habitants de ne pas quitter leurs villages, évoquant, à Jezzine notamment, la vente de terrains, et il leur a demandé d’exprimer librement leurs opinions politiques. « Je ne vous demande pas de voter pour le CPL, a-t-il déclaré à Jezzine. Mais ne vous laissez pas influencer par l’argent... » Les adversaires du général Aoun s’empresseront de qualifier cette tournée d’électorale, mais ce serait une démarche réductrice, affirment les sources proches de l’opposition. Les élections sont prévues en mai prochain, et d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et de nombreux événements pourraient se produire...Ce qui compte, c’est que les habitants du Sud, et en particulier les chrétiens, ont été, une fois n’est pas coutume, pris en considération. C’est une première depuis les années de guerre, lorsqu’ils étaient totalement marginalisés, une partie ayant coopéré avec Israël et l’autre n’osant pas réellement se manifester. C’est en quelque sorte « la normalisation » de la situation au Sud qui ressort de cette tournée. Michel Aoun avait promis qu’il se rendrait au Sud à la première occasion et le Hezbollah ainsi que le mouvement Amal ont saisi cette occasion pour montrer qu’ils sont des alliés fiables. Appui à la Résistance, droit d’expression pour toutes les composantes de la société libanaise, entente entre chrétiens et chiites, les thèmes n’étaient donc pas nouveaux. Mais c’est le contexte qui l’était, apportant au général Aoun la tribune dont il rêvait depuis des années, lorsqu’il servait encore en tant qu’officier le long de la frontière avec Israël. Ses détracteurs n’y auront vu sans doute qu’une maladresse de plus, une nouvelle preuve de « sa récupération par le Hezbollah » ou, du moins, une manœuvre électorale. Mais pour ceux qui ont accueilli le chef du CPL, c’était avant tout un rendez-vous avec le reste du pays... Scarlett HADDAD
De la tournée du chef du CPL au Liban-Sud, dimanche, on retiendra sans doute beaucoup de choses, mais c’est surtout l’émotion du général Aoun, qui avait le plus souvent les yeux brillants de larmes contenues, qui reste dans les mémoires, relève-t-on dans les milieux de l’opposition. L’émotion des habitants du Sud, chrétiens et musulmans, qui, depuis des années, n’ont droit –...