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Actualités - REPORTAGE

Les femmes iraniennes, une force avec laquelle il faudra compter

Talajeh LIVANI* Washington – Le Parlement iranien s’est réuni le mois dernier pour la première fois depuis les élections législatives du mois d’avril. Les résultats de ce scrutin sont définitifs et le décompte des votes est terminé. Il est étonnant et même peut-être inquiétant que les femmes ne représentent désormais qu’à peine 2,8 % de ce nouveau Parlement dominé par les conservateurs. C’est une vraie baisse par rapport au taux de 4,1 %, déjà faible, de l’assemblée précédente. Cela est choquant pour ceux qui connaissent la société iranienne. L’Iran fait meilleure figure que les autres pays du Moyen-Orient sur le plan de l’éducation des femmes, de leur santé et de leur participation à la force de travail. Les deux tiers environ des nouveaux étudiants inscrits à l’université sont des femmes, d’où l’imposition de quotas par le gouvernement pour l’admission dans les facultés où elles étaient plus nombreuses – comme en médecine, en médecine dentaire et en pharmacie. Par ailleurs, en Iran, la participation des femmes à la force de travail – bien que plus faible que la moyenne mondiale de 58 % – est néanmoins la plus élevée du Moyen-Orient avec un taux de 42 %. Comment est-il alors possible que l’Iran soit à la traîne sur le plan de la représentation des femmes dans la vie politique, même par rapport à d’autres pays de la région, la moyenne pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord étant d’environ 9 % et l’Irak ayant le plus grand nombre de femmes au Parlement – soit 26 %. La réponse à cette question est très complexe. Premièrement, l’Iran n’utilise pas de quotas de genre comme le font d’autres pays moyen-orientaux ou nord-africains ; on ne sait pas quel aurait été le résultat dans ces pays-là sans le recours aux quotas et aux nominations. Deuxièmement, en Iran, pour pouvoir se présenter aux élections parlementaires, le candidat potentiel doit convaincre le très conservateur Conseil des gardiens – organe politique puissant qui peut employer son droit de veto pour refuser une candidature – de sa foi en l’islam et dans la République islamique. Les femmes iraniennes ont joué un rôle primordial pour modifier l’équilibre entre les conservateurs et les réformateurs et leur participation au gouvernement. Beaucoup pensent que l’ancien président, Mohammad Khatami, a été élu grâce au vote des femmes qui ont fait pencher la balance en sa faveur. Alors, une explication toute simple serait que les femmes candidates ont tendance à être moins conservatrices que leurs concurrents du sexe opposé, et donc moins « aptes ». Troisièmement, certaines lois iraniennes empêchent les femmes d’accéder à des postes à responsabilité et de direction. Celles-ci n’ont pas le droit d’exercer la fonction de juge ou de se présenter comme candidates à l’élection présidentielle. L’actuel président Mahmoud Ahmadinejad encourage même les femmes à rester au foyer et à se consacrer à la famille. Seules deux femmes occupent des postes, secondaires, au sein du gouvernement. Quant au Centre pour la participation des femmes, il a été rebaptisé Centre pour les femmes et les affaires familiales. Ahmadinejad a aussi annoncé publiquement qu’il était partisan des familles nombreuses et des mères au foyer qui élèvent leurs enfants. En dernier lieu, compte tenu de la pression extérieure exercée par rapport à son programme nucléaire, le gouvernement iranien en est arrivé à considérer les groupes de femmes comme une menace pour la sécurité nationale. On assiste à une répression visant la campagne « un million de signatures » dont le but est de recueillir un million de signatures en faveur de l’égalité des sexes ; des mesures sévères ont été également prises à l’encontre des manifestations pacifiques pour les droits de la femme ainsi qu’au niveau du code vestimentaire. Par ailleurs, Zanan, le plus important magazine féminin, a été suspendu par les autorités en janvier 2008, sous prétexte d’avoir dépeint un portrait trop sombre de la République islamique et d’avoir porté préjudice à l’état d’esprit et à la santé mentale de ses lectrices en leur fournissant des « informations moralement douteuses ». Malgré toutes ces difficultés, la détermination des femmes iraniennes à briser les stéréotypes ne doit pas être sous-estimée. Aujourd’hui, les femmes sont présentes dans tous les domaines de l’éducation et de l’emploi – traditionnellement dominés par les hommes. Elles sont actives sur le plan politique, en particulier au niveau local. Lors des élections municipales de 2006, 44 des 264 sièges des conseils des capitales de province ont été remportés par des femmes. De plus, les femmes iraniennes représentent une si grande part de l’électorat local et national qu’elles peuvent influencer de manière significative la politique du pays. Par exemple, pour attirer le vote des femmes, les candidats aux législatives de 2008 ont dû adapter leur campagne et promettre de modifier les codes de la famille et du travail dans le sens d’un traitement plus égalitaire des femmes. Le gouvernement est en train d’amender peu à peu les lois qui sont discriminatoires à l’égard des femmes. Une des lois approuvées tout dernièrement par le Parlement permet à certaines femmes iraniennes mariées à des étrangers de transmettre la nationalité iranienne à leurs enfants – ce qui n’était pas possible auparavant. Et les femmes victimes d’accidents de voiture recevront désormais des compagnies d’assurances la même compensation que les hommes, contre la moitié auparavant. L’opinion publique iranienne est en outre très favorable à une plus grande égalité des sexes. Selon un récent sondage mené par World Public Opinion et Search for Common Ground, pour 78 % des Iraniens, il est assez ou très important que les femmes aient exactement les mêmes droits que les hommes, et pour 70 %, le gouvernement devrait faire un effort pour empêcher la discrimination contre les femmes. Comme le monde entier observe les derniers rebondissements de l’actualité en Iran, le mouvement des femmes va probablement susciter plus d’intérêt. Et les Iraniennes seront peut-être habilitées à agir sur la scène politique – comme elles le font déjà dans les autres sphères de la société – plus vite que l’on ne croit. *Talajeh Livani est une Iranienne qui a été élevée en Suède et qui travaille actuellement en tant que consultante pour le département Moyen-Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale. Article écrit pour le Service de presse de Common Ground (CGNews).
Talajeh LIVANI*

Washington – Le Parlement iranien s’est réuni le mois dernier pour la première fois depuis les élections législatives du mois d’avril. Les résultats de ce scrutin sont définitifs et le décompte des votes est terminé. Il est étonnant et même peut-être inquiétant que les femmes ne représentent désormais qu’à peine 2,8 % de ce nouveau Parlement...