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Actualités - OPINION

Lettre ouverte au ministre de l’Environnement Éviter au « pays vert » de devenir un désert Dr Élie CHAMMAS

Cher confrère, Je voudrais vous adresser cette lettre en tant que simple citoyen libanais. Je commence en vous présentant mes sincères félicitations pour votre nomination à la tête du ministère le plus important du gouvernement. Le ministère de l’Environnement est sans aucun doute le ministère-clé pour le Liban, parce que c’est l’état de notre environnement qui va déterminer l’avenir de notre pays, beaucoup plus que les tiraillements politiques ou militaires qui ne sont que passagers. Comme vous le savez, l’état de l’environnement dans notre pays est exécrable, à la limite du point de non-retour dans certains domaines. Une action urgente s’impose. Un plan de travail à long terme doit être initié. Ce plan doit être basé sur les points suivants : 1) Réactiver les liens entre les organisations non gouvernementales (ONG) et votre ministère. Ces ONG, dont la majorité est constituée de bénévoles, ont une expérience inestimable, chacune dans son domaine, ce qui peut être très utile pour votre action. 2) Le reboisement du pays : le Liban, considéré comme étant « le pays vert » par excellence dans la région, devient de plus en plus désertique à cause du béton, des incendies et de la déforestation sauvage. Le reboisement est une nécessité vitale sur les plans écologique, touristique et climatique. Des régions entières peuvent être plantées, comme Dahr el-Baïdar, le Kesrouan, le Sud, le Nord et j’en passe. Il suffit que chaque soldat, gendarme, fonctionnaire ou simple volontaire plante 10 arbres pour transformer le paysage libanais. 3) La pollution : vaste programme qui doit être en tête de vos priorités. Pollution aérienne, terrestre ou aquatique. L’air au Liban est devenu irrespirable : trop de voitures, d’usines polluantes… Les pollueurs doivent payer une taxe qui corresponde au degré de leur pollution, taxe qui sera investie dans les plans de lutte contre cette pollution. La pollution terrestre n’a rien à envier à sa sœur aérienne : en tête sans aucun doute, les déchets ménagers qui s’entassent dans des dépotoirs polluant les nappes phréatiques, sans oublier l’utilisation intempestive et non justifiée de pesticides, ce qui va rendre nos puits totalement inutilisables dans un avenir très proche. La création d’usines de traitement des déchets est indispensable. Usines coûteuses c’est vrai, mais l’Union européenne est prête à aider si on lui présente des projets cohérents et solides visant à limiter le rejet de polluants dans la Méditerranée. Il ne faudrait pas oublier la pollution visuelle, avec ces panneaux publicitaires qui gâchent les paysages de nos montagnes et campagnes. Enfin, la pollution aquatique qui transforme notre mer, nos lacs et nos rivières en dépotoirs où pullulent toutes sortes de microbes empêchant toute vie utile et mettant en danger la vie des riverains… 4) Gestion de l’eau : elle est l’élément essentiel de la vie, source de conflits majeurs dans la région et le monde. Le Liban, pays le plus riche en eau de la région, connaît malheureusement une pénurie sévère qui risque de s’aggraver dans les prochaines décennies. Il est inadmissible de nos jours que l’eau de nos fleuves aille à la mer, que presque la moitié de l’eau de distribution soit perdue à cause de mauvaises canalisations. Un plan de travail en coopération avec le ministère des Ressources doit être mis en route. La création de barrages est la solution idéale, ces barrages peuvent être utilisés pour la distribution de l’eau, la production hydraulique d’électricité, la pisciculture et les projets touristiques… La construction de ces barrages peut être confiée à des sociétés privées avec des contrats limités définis par les juristes de l’État. 5) Gestion de l’énergie : l’électricité devient de plus en plus chère à cause de la hausse vertigineuse du prix du pétrole, qui va aller crescendo dans les prochaines années. Le Liban, pays hautement ensoleillé (300 jours en moyenne), doit exploiter cette source d’énergie gratuite et inépuisable. Il n’est pas permis aujourd’hui dans un pays comme le nôtre d’utiliser l’électricité ou le mazout pour chauffer l’eau des domiciles… Faire du Liban un centre de recherche sur l’énergie solaire, comme l’a suggéré le président de la République lors du sommet de l’Union pour la Méditerannée qui s’est tenu à Paris récemment, est un projet d’avenir qui permettra de créer des emplois limitant la fuite des cerveaux et attirant les investissements étrangers, surtout européens, fort sensibles aux projets de recherche sur les énergies propres. L’énergie éolienne ne doit pas être négligée, il y a des zones au Liban qui sont des couloirs venteux pouvant être exploités été comme hiver pour produire de l’électricité non polluante et gratuite. 6) Création de réserves naturelles : réserves terrestres pour préserver la faune et la flore libanaises en voie de disparition et réserves maritimes, projet débuté par l’association Greenpeace à Byblos, avec la coopération de la municipalité, ces réserves sur la côte permettront le repeuplement de celle-ci en poissons, invertébrés et faune marine qui peuvent être exploités dans l’avenir dans des buts touristiques, comme c’est le cas actuellement en mer Rouge. 7) Les carrières : un plan d’urgence doit être adopté dans ce domaine. À mon avis, s’il n’y a qu’une action à faire pendant votre mandat, ce serait d’arrêter immédiatement cette grande catastrophe écologique qui touche notre pays, catastrophe irréversible. Monsieur le Ministre, le paysage de nos montagnes est scandaleux et révoltant. La vue de la montagne de Aïn Dara à elle seule est à pleurer. Comment peut-on tolérer un tel massacre ? Un crime admis par d’anciens responsables au nom de la reconstruction du pays ! On détruit nos montagnes pour bétonner nos côtes… Bien sûr qu’il faut construire et qu’on a besoin de matériau, mais ce matériau peut être trouvé autrement : importer à des prix moindres que chez nous – et c’est possible –, aménager les carrières s’il en faut dans des lieux étudiés (régions désertiques, inhabitées selon un plan respectant l’écologie des lieux). Enfin, dans le cadre du programme éducatif et pour sensibiliser nos citoyens à la culture écologique, il faudrait présenter le film d’Al Gore An Inconvenient Truth dans toutes les écoles, administrations et autres associations. Il s’agit d’un chef-d’œuvre de lutte écologique pour sauver notre planète avant qu’il ne soit pas trop tard pour nos enfants. Il s’agit là d’un programme ambitieux, qui ne peut pas être réalisé en 10 mois et avec un budget minable. Mais il faut toujours commencer quelque part et un plan de travail est indispensable pour assurer la continuité dans le travail. Les hommes passent, mais le Liban reste. Il faut agir. Volonté, motivation et compétence sont trois qualités pour agir, avancer et changer. Bon courage Monsieur le Ministre. Article paru le samedi 9 août 2008
Cher confrère,
Je voudrais vous adresser cette lettre en tant que simple citoyen libanais. Je commence en vous présentant mes sincères félicitations pour votre nomination à la tête du ministère le plus important du gouvernement. Le ministère de l’Environnement est sans aucun doute le ministère-clé pour le Liban, parce que c’est l’état de notre environnement qui va...