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Le Point À la dure Christian MERVILLE

Les dirigeants devraient se méfier de ceux qu’ils limogent s’ils ne veulent pas risquer au mieux la mise en résidence surveillée, au pire l’exécution capitale. Pour avoir négligé cette règle, élémentaire dans le tiers-monde, Sidi Ould Cheikh Abdallahi se voit depuis hier admis – sans avoir fait acte de candidature… – dans le club très select de ces innombrables « ex », condamnés à se morfondre en attendant un providentiel retournement de situation qui leur permettrait de retrouver cette place de numéro un qu’il est si dur d’abandonner, à son corps défendant. Ironie du sort : depuis hier après-midi, le responsable de la garde présidentielle, démis quelques heures auparavant, dirige la Mauritanie, et sa toute première décision aura été d’annuler le dernier décret de sa victime le renvoyant à la vie civile. Mais aussi quelle mouche avait donc piqué le brave homme, le poussant à décider l’éviction des responsables de sa garde personnelle, ceux de l’état-major et leurs collègues de la garde nationale ? Entrées aussitôt en rébellion, les victimes désignées ont préféré (on ne saurait leur en faire reproche) devenir les bourreaux. Détail qui revêt pour l’occasion une saveur particulière : deux des trois principaux généraux visés par l’oukaze présidentiel (on vous épargnera leurs noms) faisaient partie du Conseil militaire de transition chargé en son temps d’assurer le passage du pays à la démocratie, une parenthèse qui aura duré un peu plus d’un an et qu’il importait, semble-t-il, de fermer au plus tôt pour ne pas donner de mauvaises habitudes aux 2,8 millions de sujets qui ont vu par ailleurs, en l’espace de huit mois, les cours des produits de première nécessité passer du simple au double. Peu de pain – d’ailleurs à des prix prohibitifs, quand la majeure partie de la population doit se contenter de vivre avec moins de deux dollars par jour –, un spectacle politique réduit à sa plus simple expression du fait de la désertification de la scène pour cause de putschs trop fréquents : voilà qui, effectivement, pouvait donner des idées à ceux qu’attire de plus en plus le discours d’el-Qaëda. En décembre 2007, quatre touristes français trouvaient la mort dans la région d’Aleg proche de la frontière avec le Sénégal, un incident suivi trois jours plus tard par une autre attaque terroriste à Ghallawiya. En février de cette année, des tireurs prenaient pour cible le bâtiment abritant l’ambassade d’Israël, à Tevragh Zeina, le quartier chic de la capitale, Nouakchott, avant de viser des noctambules présents dans une discothèque fréquentée par des étrangers, faisant trois blessés. Mais l’attaque la plus meurtrière s’était produite en 2005, quand une unité de l’armée était tombée dans une embuscade qui avait coûté la vie à une quinzaine de soldats. D’autres incidents, sur lesquels un black-out total avait été décidé, se sont produits depuis, permettant de penser que l’insécurité rampante – mise par les médias sur le compte du terrorisme, sans autre précision – pouvait à n’importe quel moment atteindre un stade dangereux. Dans le même temps que se détériorait l’état de la sécurité, les rapports entre la présidence de la République et le Parlement, par ailleurs très tendus, devenaient franchement exécrables. Lundi, 25 députés sur les 95 que compte l’Assemblée et 24 des 53 sénateurs, tous membres du Pacte national pour la démocratie et le développement (parti Adil), passaient brutalement à l’offensive en démissionnant, non sans avoir invité « toutes les forces extérieures et intérieures de l’Adil » à se joindre à eux. L’objectif était d’obtenir le départ du Premier ministre, Yahia Ould Ahmad Waghef, ennemi juré de Mouawiya Ould Sid’Ahmad, renversé par un coup d’État le 3 août 2005 et qui demeure une figure marquante du paysage politique. Chef du gouvernement puis de l’État vingt ans durant, ce dernier ne fait pas mystère de son ambition de reconquérir le pouvoir. Ces trois derniers mois, il n’a hésité devant aucun moyen pour abattre Waghf, un personnage falot dont les états de service (il fut directeur du parc national de Banc d’Arghuin puis d’Air Mauritanie) ne justifient nullement une ascension entièrement due à Abdallahi. Il y a trois mois déjà que la Mauritanie est entrée dans un de ces interminables cycles de crise qui n’ont cessé de menacer son existence depuis son accession à l’indépendance, en 1 960. Comme si elle ne parvenait pas à tourner le dos à l’histoire, quand elle faisait partie du Ghana puis du Mali, tous deux des empires qui eurent leur heure de gloire et de prospérité. Comme s’il lui était impossible d’affronter la réalité identitaire, source de problèmes sociaux, qu’elle ne saurait ignorer plus longtemps. Pour réconcilier Berbères et Africains, sans doute eût-il fallu un homme à poigne et non pas un doux septuagénaire, civil de surcroît, élu par 52,85 pour cent des voix de ses concitoyens. La vox populi, il faut le croire, n’a pas que des bienfaits.
Les dirigeants devraient se méfier de ceux qu’ils limogent s’ils ne veulent pas risquer au mieux la mise en résidence surveillée, au pire l’exécution capitale. Pour avoir négligé cette règle, élémentaire dans le tiers-monde, Sidi Ould Cheikh Abdallahi se voit depuis hier admis – sans avoir fait acte de candidature… – dans le club très select de ces innombrables «...