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Actualités - OPINION

LE POINT Faux frères

« Palestine vaincra », disait un slogan qui fit fureur dans les années soixante, quand Yasser Arafat n’avait pas encore remplacé Ahmad Choukeiri et que tout le monde ou presque faisait semblant de croire que la victoire était au bout du fusil. À l’époque, les intellos « germanopratins » se promenaient avec, en guise de foulard, le keffieh à damier blanc et noir, de Gaulle sanctionnait Israël pour son raid contre l’aéroport de Beyrouth et le monde arabe se prenait à rêver avec Gamal Abdel Nasser au grand réveil (enfin !) de la oumma . Las ! Tout le monde dut bien tôt déchanter. Juin 1967 y est sans doute pour quelque chose, mais aussi les trop nombreux errements, les faux calculs et les voies tortueuses suivies par Abou Ammar, jusqu’à la sanglante boucherie perpétrée au Liban dont on s’obstine à renier la paternité – souvenez-vous de la petite phrase, lourde de sous-entendus, de Farouk Kaddoumi : « Que celui qui n’a jamais péché… » comme pour atténuer après coup la morgue d’un Salah Khalaf décrétant que « la route de Jérusalem passe par Jounieh ». Pourquoi ces remugles nous remontent-ils aux narines ? Parce que les Palestiniens, désespérément incapables, semble-t-il, de retenir les leçons du passé, s’entêtent à répéter les mêmes erreurs, avec des conséquences plus lourdes à chaque fois. Depuis quelques jours, la parole est de nouveau au kalachnikov, pointé une fois de plus sur l’Autre, dans une vaine tentative d’asseoir une autorité qui ne servirait qu’à engranger une poignée supplémentaire de ces dollars indispensables pour aller refaire sa vie ailleurs. Les bonnes âmes diront que l’ennemi fait de tout pour pousser au désespoir les fedayine d’hier, devenus les nouveaux damnés de la terre. Piètre justification d’une tactique dont ils récoltent maintenant les fruits amers. Ce n’est pas tous les jours en effet que l’on voit des partisans de Mahmoud Abbas chercher refuge chez l’ennemi, à travers le point de passage de Nahal Oz, fuyant Gaza et les combattants du Hamas, après quarante-huit heures d’une folie meurtrière qui a laissé sur le terrain près de vingt tués et plus d’une centaine de blessés. L’intervention du ministre israélien de la Défense Ehud Barak, ordonnant l’arrêt des opérations de retour dans leurs foyers de ces curieux réfugiés « parce que leur vie pourrait être en danger », est, elle aussi, à classer au chapitre des étrangetés d’une situation pourtant pleine d’imprévus. Il était clair dès le début que les affrontements entre le puissant clan des Hellis, proche d’Abou Mazen, et les maîtres de l’enclave n’avait que très peu à voir avec l’attentat à la voiture piégée survenu le 25 juillet, qui avait causé la mort de cinq activistes et d’une fillette, même si l’affaire avait servi de déclencheur à une vague d’arrestations sans précédent dans les rangs du Fateh et à la fermeture de 150 institutions, clubs et bureaux relevant de l’Autorité, après leur mise à sac, et la saisie d’ordinateurs et de documents. Comme de bien entendu, aux rafles avaient répondu des contre-rafles. Parmi les hauts dirigeants emprisonnés figurent Zakaria el-Agha, membre du comité exécutif, et Ibrahim Aboul Naja, un responsable du conseil révolutionnaire, ainsi que quelques autres lieutenants de moindre importance, appelés à servir de monnaie d’échange quand sonnera l’heure de la (provisoire et énième) cérémonie des grandes embrassades. La haine entre les deux clans rivaux remonte à l’époque où fut créé le Mouvement de la résistance islamique, au lendemain de la première intifada, très vite présenté comme le grand challenger des autres fractions regroupées sous la bannière de l’OLP. L’acceptation par celle-ci, en 1988, de la résolution 242 du Conseil de sécurité ne pouvait que déboucher sur les premiers heurts de 1991 et 1992, puis sur un hiatus nettement marqué après les accords d’Oslo. Suivit une période de violence étalée sur douze ans, ponctuée d’attaques-suicide, de raids israéliens et d’emprisonnement de centaines d’activistes, culminant avec l’assassinat de cheikh Ahmad Yassine, suivi de celui de son successeur, Abdel Rahman el-Rantissi. Il faut croire cependant que la vengeance est un plat qui se déguste le mieux en période électorale : lors de la consultation populaire du 22 mars 2006, le Hamas empoche les dividendes de la chasse à l’homme dont il a longtemps fait l’objet. Sa Liste du changement et de la réforme obtient 42,9 pour cent des voix, soit 74 sièges sur les 132 que compte la nouvelle Assemblée. Edward McMillan-Scott, vice-président du Parlement européen, venu à la tête d’une mission d’observateurs, peut dresser le constat suivant : « Ce scrutin doit servir de modèle à l’ensemble du monde arabe ; il démontre clairement l’engagement du peuple palestinien au service de la démocratie. » À cette reconnaissance de sa représentativité – que le monde n’a cessé de lui contester –, la formation islamiste voudrait ajouter celle d’une certaine respectabilité. L’ennui, c’est qu’elle s’y prend fort mal. Le FPLP ne dit pas autre chose quand, renvoyant dos à dos les deux parties, il juge qu’elles ont « franchi toutes les lignes rouges ». Parole d’expert. Christian MERVILLE
« Palestine vaincra », disait un slogan qui fit fureur dans les années soixante, quand Yasser Arafat n’avait pas encore remplacé Ahmad Choukeiri et que tout le monde ou presque faisait semblant de croire que la victoire était au bout du fusil. À l’époque, les intellos « germanopratins » se promenaient avec, en guise de foulard, le keffieh à damier blanc et noir, de Gaulle...