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Une étude effectuée par trois chercheurs allemands met en relief les divisions entre les jeunes et leur mécontentement face aux performances du gouvernement

Les étudiants, toujours empêtrés dans le confessionnalisme, fondent très peu d’espoirs dans leur avenir Trois jeunes étudiants allemands, Christoph Dinkelaker, Christoph Sidow et Robert Chatterjee, ont présenté jeudi dernier à l’Institut oriental allemand de Beyrouth la recherche qu’ils ont effectuée sur les jeunes au Liban, et plus particulièrement sur le lien qui unit les étudiants à la politique et aux médias. La recherche comprend aussi le point de vue des jeunes étudiants libanais concernant leur avenir et leurs attentes. Intitulée « Lebanese Students – Their role in and their views on the society », la recherche comprend trois panels : le premier est axé sur le rapport des étudiants au confessionnalisme et aux divisions politiques, le deuxième se concentre sur le lien entre l’université et la politique de manière générale, et le troisième, enfin, met en exergue la perception que ces jeunes ont de leur avenir. Les chercheurs, étudiants en sciences politiques à l’Université libre de Berlin, ont préparé une trentaine de questions qui ont été posées à un total de 1 454 étudiants répartis sur sept universités et 19 facultés : AUB, USJ (à Beyrouth et Saïda), UL (les deux sections, ainsi que Tripoli, Saïda, Zahlé, Nabatiyeh), Lebanese International University (LIU) dans la Békaa, l’Université al-Jinan à Tripoli, l’USEK à Jounieh et Rmeich et l’Université Haïgazian. « Nous nous intéressons beaucoup à l’histoire du Liban, à la société et la politique dans ce pays, et le but était d’avoir une vue des opinions et attentes des étudiants libanais », a affirmé à cet égard Christoph Sidow, en prélude à la présentation. D’abord, et concernant les rapports des étudiants au confessionnalisme, il apparaît clairement que cette notion est « profondément ancrée parmi les étudiants » et que « les responsables politiques utilisent cette tranche de la société pour préserver leur leadership ». Ces conclusions ont été tirées à partir de questions comme « Préférez-vous épouser une personne de votre religion, oui/non » ou encore « Êtes-vous prêt à travailler dans une entreprise tenue par une personne de religion différente ». Les travaux de recherche mettent surtout en relief une volonté de la communauté maronite de se tenir à l’écart des autres communautés, et le rapport va même jusqu’à relever que cette communauté se sent « menacée ». Ces conclusions suscitent immédiatement un débat dans la salle, où sont présents chercheurs et professeurs d’université. L’un d’eux soutient qu’il est impératif de prendre en compte la date à laquelle cette recherche a été effectuée – début 2007 –, une période de grande polarisation et de réémergence des réflexes communautaires primaires, souligne un professeur. Il n’empêche que de tels résultats mettent en exergue un certain malaise qu’il est peut-être impératif de traiter avant même de se pencher sur les questions d’ordre économique. Ces questions sont d’ailleurs le deuxième grand point traité par le questionnaire qui conclut que toutes les composantes de la jeune société libanaise se sentent – à des degrés imperceptiblement différents – marginalisées au sein de la société dans laquelle elles évoluent. Ainsi, à la question « Pensez-vous que les jeunes libanais ont, dépendamment de leur niveau socio-économique et communautaire, mais ayant la même formation, des chances inégales ? », tous les jeunes interrogés – toutes communautés confondues - répondent par l’affirmative à plus de 89 %. Le sentiment d’exclusion est donc fort et présent partout, ce qui d’ailleurs met en relief l’absence de politiques sociales dignes de ce nom et les difficultés rencontrées par les jeunes lorsqu’il s’agit pour eux de s’insérer dans la vie active. Aux affirmations « ma communauté me prodigue couverture sociale et assurance maladie », plus de 60 % des étudiants sunnites et chiites ont répondu par l’affirmative. Insatisfaction face à l’orientation générale du gouvernement Il convient de rappeler une nouvelle fois que la recherche a été effectuée durant les premiers mois de l’année 2007 et que Christoph Dinkelaker, Christoph Sidow et Robert Chatterjee ont débarqué à Beyrouth au mois de janvier 2007 alors que les tristes événements de l’Université arabe étaient en train d’avoir lieu. Le gouvernement avait alors été déserté par les ministres chiites et les responsables issus de la majorité et de l’alliance du 14 Mars continuaient à gérer, seuls, les affaires du pays. Les réponses à la question concernant l’évaluation du travail fourni par le gouvernement n’en restent pas moins surprenantes. Ainsi, s’il est logique que 92 % des étudiants chiites affirment être « en désaccord » avec les orientations générales du gouvernement, il est intéressant de souligner qu’il en est de même pour 55 % des sunnites. Cette tendance est sans doute révélatrice d’un certain malaise ressenti par l’ensemble de la population libanaise, abstraction faite de l’appartenance politique. « Les élections dans notre pays n’ont pas de sens », pensent également 58 % des jeunes interrogés, et 92 % d’entre eux estiment que « la corruption et le favoritisme sont très répandus » dans leur pays. Les chercheurs concluent que les étudiants libanais parviennent, dans leur majorité, à mettre en exergue les problèmes qui affectent leur société, mais ils ne vont pas jusqu’à modifier leur affiliation politique, ce qui devrait pourtant être une conséquence logique de l’insatisfaction actuelle. « La communauté continue malgré tout à déterminer l’allégeance politique », notent les chercheurs, qui soulignent aussi que cette polarisation confessionnelle est d’autant plus exacerbée qu’elle est véhiculée par les médias. Le rôle des médias et des universités « Les affiliations politiques sont clairement reflétées par l’utilisation des médias » chez les étudiants interrogés, estiment les chercheurs. Ainsi, la télévision étant le média le plus populaire auprès des jeunes, les télévisions les plus suivies sont incontestablement les chaînes LBC (51 %) et NTV (25 %) loin devant Future TV (18 %) et al-Manar (14 %). Pour la LBC, sa cote de popularité est la plus importante parmi les étudiants chrétiens (66 %), druzes (64 %) et même sunnites (52 %). En ce qui concerne les étudiants chiites, c’est la NTV qui rafle la mise à 48 %, loin devant al-Manar qui n’est regardée que par 41 %. Il apparaît donc que les chaînes les plus politiquement polarisées ne sont pas celles qui sont les plus populaires auprès des jeunes puisque le Manar avec 41 % et Future TV avec 43 % figurent au bas du classement. Pour ce qui est de la presse écrite – média le moins suivi par les étudiants –, ce sont les quotidiens an-Nahar et al-Balad qui remportent l’adhésion des étudiants avec 38 % et 20 %, respectivement. À l’université, même si la majorité des étudiants interrogés préfèrent se concentrer sur leurs études (71 %), plus de la moitié d’entre eux affirment voter lors des élections sur le campus même s’ils ne sont pas directement affiliés à un parti politique (55,4 %). Une seule exception à ce tableau, l’Université libanaise où 54,9 % des étudiants affirment que la vie politique est aussi importante – sinon plus – que leur succès académique. D’ailleurs, l’engagement politique le plus important est celui des étudiants de l’UL (31,7 %) contre seulement 26,9 % à l’AUB et 20,9 % à l’USJ. Toutefois, et de manière globale, 60,9 % des étudiants affirment penser que « les comités estudiantins sont de nature à aiguiser les tensions communautaires », même s’ils continuent de penser (plus de 70 %) que « les élections estudiantines sont nécessaires ». La conclusion ? Les étudiants sont globalement conscients et critiques du caractère politique et partisan des organisations estudiantines, mais ne vont pas jusqu’à dénoncer les orientations de ces structures qui finissent, à force d’être politisées à outrance, par négliger totalement les intérêts et la vie des jeunes au sein de leurs facultés respectives. Quelles leçons en tirer ? Ne faudrait-il pas que les administrations des différentes universités régularisent un peu plus la vie des campus pour faire prendre conscience aux étudiants de l’importance de la vie universitaire proprement dite et qui devrait servir, idéalement, à préparer au mieux leur insertion professionnelle ? Perspectives d’avenir « Si je reste au Liban, mes capacités professionnelles ne vont pas être reconnues. » Ce constat est partagé par les étudiants issus de toutes les communautés interrogées : à 94,6 % par les sunnites, 88,1 % par les chiites, 87,5 % par les druzes, 82,7 % par les maronites, 81,9 % par les grecs-catholiques, 89,4 % par les grecs-orthodoxes et 87,5 % par les arméniens. La recherche souligne en outre que pour conjurer le chômage rampant, de plus en plus d’étudiants envisagent de pousser leurs études (53 %) et 38 % pensent quitter le pays. Avis aux responsables. À la question de savoir « quelle sera votre destination lorsque vous quitterez le Liban », 29,2 % répondent la France, 23,5% les pays du Golfe et 20,8 % les États-Unis, suivis de peu par le Canada et par l’Allemagne (globalement, la destination préférée des étudiants du Liban-Sud). Lélia MEZHER
Les étudiants, toujours empêtrés dans le confessionnalisme, fondent très peu d’espoirs dans leur avenir


Trois jeunes étudiants allemands, Christoph Dinkelaker, Christoph Sidow et Robert Chatterjee, ont présenté jeudi dernier à l’Institut oriental allemand de Beyrouth la recherche qu’ils ont effectuée sur les jeunes au Liban, et plus particulièrement sur le lien qui...