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EN DENTS DE SCIE Sachertorte

Trentième semaine de 2008. C’est beau Vienne le jour. Encore plus la nuit. Le mythe de la boring city est une ânerie. Vienne rit, Vienne pleure, Vienne bouge, Vienne transpire : il y a de la sueur, des décibels, des paillettes, des désirs à Vienne ; Vienne vit. De Vienne, s’est exprimé un homme auquel il faudra construire une statue – pour sa somptueuse honnêteté ou pour sa monumentale gaffe, c’est pareil : Gholam Reza Aghazadeh. De Vienne, avec une désarmante simplicité et on ne peut plus clairement, le vice-président iranien a confirmé ce qu’ici, dans ces colonnes, dans n’importe quel salon, à chaque coin de rue, les Libanais disent et redisent depuis des années. Si les négociations démarraient avec la communauté internationale sur le dossier nucléaire iranien, des solutions seraient alors trouvées pour beaucoup de problèmes, comme (…) le Liban. Formidable Reza Aghazadeh : d’une pierre, il a fait quatre coups. Un : il a officilalisé l’aveu de la primauté, de la prépotence de la wilayet el-faqih pour les représentants-geôliers politiques de la communauté chiite : le Hezbollah, c’est-à-dire le principal obstacle à la (re)construction de l’État libanais. Deux : il a donné la preuve que Téhéran (et, par extension, son vassal syrien soudainement démarginalisé par on ne sait quel caprice élyséen) était, est et restera le principal générateur de chaos au Liban – pas grand-chose, finalement, ne devrait séparer le sémillant Manouchehr Mottaki de la brave Condoleezza Rice… Trois : il a rappelé aux Libanais à quel point le régime des ayatollahs aime parfois à les prendre pour d’incurables crétins ; plus encore : pour d’insignifiants cobayes. Quatre – last but not least : il enterre, visiblement pour un long moment, cette déclaration ministérielle décidément très mal vue à Téhéran, tout en achevant de totalement décrédibiliser un Hezb qui n’avait réellement pas besoin de cet infanticide en ce moment. Rien que pour cela, rien que pour avoir démasqué, dans un geste d’une amplitude shakespearienne, le menteur, Gholam Reza Aghazadeh, probablement persona non grata à Haret Hreik, mérite tous les honneurs. Il n’y a rien à dire : Vienne est une muse… À Vienne, en l’an 61, a été signée cette fameuse convention régissant à la virgule près les relations diplomatiques entre États. Un texte dont les Libanais entendront sans doute beaucoup parler dans les mois à venir ; un texte dont le locataire de Baabda serait bien inspiré de retenir les moindres détails – un coup de téléphone au précieux Ghassan Salamé ne ferait de mal à personne… Parce qu’il est clair que Michel Sleiman aura besoin de toute sa (nouvelle) force de persuasion, de toute sa fermeté et de toute son intransigeance pour faire comprendre à Bachar el-Assad que la future ambassade syrienne au Liban n’aura catégoriquement rien à voir avec la succursale de Mazzé/Saydnaya qu’était le Anjar de Rustom Ghazalé. Pour faire comprendre à Faouzi Salloukh qu’il n’est absolument pas nécessaire qu’il s’invite chaque matin à un café avec le diplomate syrien dans les locaux de sa chancellerie. Pour faire comprendre enfin à Nasri Khoury qu’il est grand temps qu’il se trouve quelque chose d’autre à faire. Et pour savoir choisir et imposer le right man at the right place : nommer un clone de Abdel-Rahim Mrad ou d’Assaad Hardane ambassadeur du Liban à Damas serait effectivement du dernier mauvais goût. La jurisprudence viennoise Aghazadeh devrait servir de modèle : il faut que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, soit dite (au monde)… Dans Vienne finalement, quelque part pas loin des rues dans lesquelles aiment à se promener les fantômes de Fritz Lang, de Klimt, de Mozart, de Romy Schneider ou de Thomas Bernhard, se trouve l’hôtel Sacher, du nom de ce jeune prodige de la pâtisserie de 16 ans qu’était Franz Sacher – l’idole du prince de Metternich après avoir inventé un gâteau, qui porte son nom, et dont le glaçage à lui seul demande quatre sortes de chocolat. C’est sans doute après avoir cédé à l’empire de ses sens ; après s’être empiffré, comme n’importe quel amateur de cet or noir infiniment plus utile que le pétrole, de cette merveille chocolatée ouatinée d’une couche de marmelade d’abricots chauds, que le bon Gholam Reza Aghazadeh a décidé de parler comme un oracle. Que vive Vienne – et que le ministre du Commerce, Mohammad Safadi, s’y rende vite signer avec l’hôtel Sacher une nouvelle convention : la livraison mensuelle à Beyrouth de son trésor sucré, à hauteur de trois cent mille gâteaux au moins. Des Gholam Reza Aghazadeh, il y en a treize à la douzaine par ici. Ziyad MAKHOUL
Trentième semaine de 2008.
C’est beau Vienne le jour. Encore plus la nuit. Le mythe de la boring city est une ânerie. Vienne rit, Vienne pleure, Vienne bouge, Vienne transpire : il y a de la sueur, des décibels, des paillettes, des désirs à Vienne ; Vienne vit.
De Vienne, s’est exprimé un homme auquel il faudra construire une statue – pour sa somptueuse honnêteté ou...