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Actualités

De plume et de poil

Mêmes et sanglants états de service, mêmes traits émaciés, même barbe épaisse, même et broussailleuse crinière, même regard un peu hébété : l’image de Radovan Karadzic peu après son arrestation, il y a quelques jours à Belgrade, n’est pas sans rappeler celle d’un Saddam Hussein littéralement harponné et repêché de son trou par les marines américains. Là s’arrête toutefois la comparaison. C’est dans une minuscule cache souterraine – dérisoire sarcophage échu à celui qui se prenait pour le successeur de Nabuchodonosor – que se terrait depuis des mois en effet, en position horizontale, le tyran irakien. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est au contraire dans la vie au grand jour, bien que sous une fausse identité, que l’ancien dirigeant serbe, auteur d’effroyables crimes de guerre, avait tranquillement mené une cavale de treize années. Psychiatre et poète devenu, lors du conflit du Kosovo, l’impitoyable théoricien de l’épuration ethnique, c’est sous la singulière couverture d’un spécialiste de la médecine alternative qu’il aura clôturé une tumultueuse carrière. Un aussi long bail d’impunité, Karadzic ne le doit pas, on s’en doute, à sa seule bonne étoile, ou bien au parfait camouflage que lui assurait un système pileux des plus luxuriants. L’homme le plus activement recherché d’Europe a bénéficié, à l’évidence, de hautes, puissantes et durables protections : ce qui montre, hélas, la capacité de résistance ou alors la force d’inertie qui continuent d’être celles des gouvernements, face aux injonctions d’une justice internationale relativement récente et qui n’a pas encore acquis sa vitesse de croisière. Plus réconfortante en revanche est cette autre constatation : après tout, la justice a eu le dernier mot et lesdites protections ont fini par s’effondrer. Mieux encore, c’est sous la pression d’une raison d’État s’articulant sur des impératifs essentiellement économiques et jouissant, de surcroît, de la caution populaire, qu’elles sont tombées. La victoire du parti démocratique aux élections législatives du printemps dernier a mis fin au règne absolu des nationalistes. Et c’est dans l’espoir d’obtenir un ticket d’admission au sein de l’Union européenne que la Serbie se résigne enfin à offrir à Karadzic un voyage accompagné à La Haye. L’affaire Karadzic, c’est en somme le triomphe, même tardif et encore incomplet, de la politique de la carotte. Et le hasard veut que ce triomphe survienne quelques jours seulement après les accusations de génocide et de crimes de guerre au Darfour portées contre le président soudanais Omar el-Béchir par le procureur de la Cour internationale de justice. On sait quel peu de cas l’intéressé a fait de ces accusations, même si le Soudan s’est engagé à installer lui-même, sur place, des tribunaux pour le Darfour. On sait aussi avec quelle âpreté divers pays d’Afrique et d’Asie ont stigmatisé une justice internationale mise en branle par le Conseil de sécurité des Nations unies et qu’ils jugent partiale et sélective, citant entre autres, à ce propos, les bombardements US de l’Irak et les scandales des prisons d’Abou-Ghreib et de Guantanamo. C’est dire qu’à terme, l’ONU pourrait être amenée à brandir le bâton, ne serait-ce que pour défendre sa propre crédibilité. Quant au tribunal spécial pour le Liban, c’est dans une singulière zone grise qu’il semble se cantonner, en attendant que soient publiées les conclusions de l’enquête internationale sur les assassinats et attentats commis ces dernières années dans – et contre – notre pays. Premier suspect, la Syrie s’est fait tirer l’oreille à plus d’une reprise par l’ONU avant de se résoudre à coopérer avec les investigations. Elle a été l’objet par ailleurs de sanctions américaines le plus souvent ridicules de bénignité. Ces quelques coups de badine administrés, c’est la carotte qui vient de reprendre ses droits, avec les récentes et spectaculaires ouvertures françaises en direction du régime baassiste. Reste à voir se confirmer enfin, sur le terrain, les vertus de cet appétissant légume qui, dans le passé, a été prétexte à tant de honteuses démissions et de peu dignes lâchages. Engagée dans des pourparlers de paix indirects avec Israël, la Syrie souhaite légitimement récupérer son Golan occupé ; elle aspire à bénéficier, comme l’Égypte et la Jordanie, des bienveillantes attentions de l’Oncle Sam. Il doit être clair toutefois qu’aucun ticket pour le Liban n’est, cette fois, proposé à l’étalage. Que le temps n’est plus aux contrats de sous-traitance et aux funestes déraisons d’État(s). Et que le seul moyen de renouer avec son voisin est, pour la Syrie, de bannir à jamais la violence, de donner des gages sur l’avenir. Issa GORAIEB
Mêmes et sanglants états de service, mêmes traits émaciés, même barbe épaisse, même et broussailleuse crinière, même regard un peu hébété : l’image de Radovan Karadzic peu après son arrestation, il y a quelques jours à Belgrade, n’est pas sans rappeler celle d’un Saddam Hussein littéralement harponné et repêché de son trou par les marines américains. Là...