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La Cour pénale internationale porte aussi son attention sur les activités des rebelles du Darfour Le mandat d’arrêt de la CPI : une épée de Damoclès au-dessus de Omar el-Béchir

Citant les précédents des présidents déchus Slobodan Milosevic et Charles Taylor, les experts en justice internationale estimaient hier que malgré ses handicaps, la Cour pénale internationale (CPI) était en mesure de profondément influencer l’avenir politique de Omar el-Béchir. Le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a demandé lundi dernier aux juges d’émettre un mandat d’arrêt contre le président du Soudan, qu’il accuse de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour (Ouest), région ravagée depuis 2003 par une guerre civile. Le procureur a par ailleurs indiqué qu’il portait aussi son attention sur les activités des rebelles du Darfour, lors d’une conférence de presse à l’ONU. Il a affirmé que la CPI possédait les noms « des auteurs présumés » d’une attaque rebelle contre un camp de soldats de la paix de l’UA à Haskanita, dans le Darfour-Sud, en septembre. Il revient désormais aux juges d’étudier les preuves présentées par le procureur, et de décider quelle suite donner à sa requête, ce qui devrait prendre 2 à 3 mois. « Il est tout à fait improbable que le mandat d’arrêt soit exécuté à court terme, ou que Béchir soit arrêté dans un autre pays ayant avec lui un accord bilatéral », car comme les autres tribunaux internationaux, la CPI n’a pas de force de police pour exécuter ses mandats et dépend de la coopération des États, concédait Nick Grono, vice-président du groupe de réflexion International Crisis Group. Néanmoins, la CPI va « déligitimer (le président soudanais) en donnant à ses crimes une sanction pénale », ajoutait Gérard Prunier, auteur de Le Darfour : un génocide ambigu. Les experts ont rappelé comment l’annonce de l’inculpation par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) du président libérien Charles Taylor, au premier jour d’un sommet de pourparlers de paix au Ghana, avait déchaîné les critiques et même mis en colère Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU. « Charles Taylor a sauté dans un avion pour rentrer au Liberia. Tout le monde criait à la folie du procureur qui torpillait le processus de paix », se souvient Pierre Hazan, auteur de Juger la guerre, juger l’histoire. « Mais ce nouveau rapport de force a finalement conduit à sa marginalisation puis à son exil au Nigeria », où il a finalement été arrêté. Actuellement, M. Taylor est jugé par le TSSL à La Haye. De même, l’inculpation de Slobodan Milosevic, en pleine opération de bombardement de l’OTAN sur la Serbie, « a contribué à l’effritement de son pouvoir », précise M. Hazan. L’une des conséquences de l’éventuelle inculpation d’Omar el-Béchir sera qu’il « fera tout pour ne pas perdre le pouvoir, on peut donc s’attendre par exemple à ce que les élections prévues l’an prochain soient repoussées, ou entachées de violences », a prédit M. Grono. « On sait que la guerre va reprendre. Qu’elle reprenne ! Au moins on sera dans une vraie situation de conflit. Les Soudanais sont prêts à serrer les dents », a ajouté M. Prunier. « Les forces de l’opposition vont du coup se sentir plus légitimes. Ce sont les Soudanais eux-mêmes qui vont renverser et livrer el-Béchir, exactement comme les Serbes ont fait avec Milosevic », a-t-il espéré. Des pays comme la Chine ou la Russie, mais aussi l’Union africaine ou la Ligue arabe, se sont opposés à une éventuelle inculpation de M. Béchir, estimant qu’elle « mettrait en danger » les espoirs de paix. « Quel est le processus de paix en cours aujourd’hui au Soudan ? J’aimerais bien qu’on m’explique ! » s’indignait M. Prunier, qui affirme que 450 000 personnes sont mortes au Darfour depuis 2003. « Le processus sera éminemment politique », ajoutait M. Grono, tandis que M. Hazan soulignait la « schizophrénie » des Nations unies, qui il y a trois ans ont mandaté le procureur de la CPI pour enquêter au Darfour, et s’inquiètent aujourd’hui pour leurs troupes sur place. Et à ceux, Soudan en tête, qui accusent la CPI d’être une justice d’Occidentaux aux relents colonialistes, les experts rétorquaient qu’une trentaine d’États africains avaient ratifié son statut fondateur, contre 13 États asiatiques. Alix RIJCKAERT (AFP)
Citant les précédents des présidents déchus Slobodan Milosevic et Charles Taylor, les experts en justice internationale estimaient hier que malgré ses handicaps, la Cour pénale internationale (CPI) était en mesure de profondément influencer l’avenir politique de Omar el-Béchir.
Le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a demandé lundi dernier aux juges d’émettre un...