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L’opéra « Die Soldaten » au Festival du Lincoln Center Magistral et total comme le voulait Zimmermann

Il est connu pour être l’opéra le plus difficile du XXe siècle, tant du point de vue logistique que celui musical. Son titre : Die Soldaten (Les soldats). Son auteur : Bernd Alois Zimmermann, né en 1918, près de Cologne, et qui s’est suicidé en 1970, cinq ans après la première de cette œuvre qui intégrait l’ensemble des formes de communication théâtrale – architecture, sculpture, ballet, cinéma, micros, technique d’enregistrement, musique électronique…Et il a été difficile, durant des années, de réunir tous ces ingrédients. Ce n’est que tout récemment que le Festival de la Ruhr Triennal s’est attelé à cette tâche et, aujourd’hui, le Festival du Lincoln Center à New York a présenté une impressionnante version de Die Soldaten, en collaboration avec la Ruhr Triennal qui répond à toutes les exigences de Zimmermann. Les cinquante chanteurs sont accompagnés par les 110 musiciens de l’Orchestre de Bochum. Aucune salle d’opéra n’ayant pu accueillir cette production monumentale, le metteur en scène américain David Pountney a opté pour un site historique à sa mesure : la salle d’exercice de l’Armoury Building, qui est une caserne datant du XIXe siècle, ayant pignon sur Park Avenue, l’avenue la plus élégante de New York et qui tenait plus du club cossu pour officiers que de beuverie pour simple soldat. Dans cette salle de 20 mètres de haut, une scène en forme de T, de cent mètres de long sur cent mètres de large, a été dressée, comportant de part et d’autre des gradins pouvant accueillir mille spectateurs, et trois plates-formes destinées aux trois différents orchestres (classique, jazz et percussion) qui accompagnent l’opéra. Le tout formant une structure métallique montée sur rail et que l’on fait avancer et reculer (le public fait partie de ce va-et-vient) pour se rapprocher, à certains moments, des scènes jouées. À la manière des zoom in et out. Car le célèbre compositeur allemand, qui avait délibérément ignoré les unités de temps, de lieu et d’action, avait tenu à ce que les différentes phases de l’histoire se déroulent simultanément. Plus précisément, il voulait que son récit se déroule « hier, aujourd’hui et demain ». Ainsi, lorsque les interprètes évoquent par exemple un événement, il est présenté à un autre bout de la scène. Scène et public en travelling Scène et public en travelling donc, pour cette histoire (une adaptation de la pièce éponyme publiée en 1776 par le dramaturge Jakob Lenz) de la fille d’un marchand, Marie, fiancée à un drapier et qui tombe sous les charmes d’un haut officier qui s’amuse à lui conter fleurette. Pour lui, une passade, pour elle, un grand espoir qui se terminera par un drame : elle sera violée (par le servant de l’officier), jetée à la rue et vouée à la mendicité. La violence, ici, n’a rien à faire avec la guerre, comme l’indique le titre de l’œuvre, Les soldats. Elle est le fait d’une discrimination sociale. Les militaires, se considérant comme une caste privilégiée, doublée d’un cercle de mâles chauvins qui prennent le temps de vivre, affichaient une attitude condescendante envers les roturiers, en particulier les femmes. Il n’y a donc pas de combats sanglants, mais des coups bas assénés et des sentiments malmenés, intensifiés par la scène de viol de l’héroïne que l’on voit perpétrée sur trois de ses sosies. La musique, tissée de sonorités contemporaines et de réminiscences de Bach, de jazz et autres chants grégoriens, fait exploser puissamment cette violence intérieure. Le tout sur le mode dodécaphonique, lancé par Schoenberg dans son opéra Moïse et Aron et adopté aussi par Berg dans Lulu. Autre exploit de cet opéra : il aménage des plages intimistes, au cœur de cette dramaturgie qui retentit magistralement, notamment la finale qui se déroule sur d’incessants battements de tambour qui durent et qui durent jusqu’à ce que les cinquante interprètes se retirent lentement des planches. L’art de la démesure dans toute sa perfection.
Il est connu pour être l’opéra le plus difficile du XXe siècle, tant du point de vue logistique que celui musical. Son titre : Die Soldaten (Les soldats). Son auteur : Bernd Alois Zimmermann, né en 1918, près de Cologne, et qui s’est suicidé en 1970, cinq ans après la première de cette œuvre qui intégrait l’ensemble des formes de communication théâtrale –...