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Actualités - OPINION

Naissance et vie d’une sirène d’Orient

Je suis né bâtard, d’une mère très connue et de pères indéterminés. Ma mère, joliment prénommée Oumma, était complaisante avec qui savait la flatter et les prétendants, dans la région, nombreux. Aussi, la jolie fille aux yeux langoureux se donnait-elle, à tour de rôle, au plus tonitruant comme au plus rusé, ne sachant, en définitive, avec lequel se fixer. Jusqu’au jour où je fus conçu, malgré moi, malgré elle et à l’insu, sans doute, des véritables géniteurs. Tous étrangers, au demeurant, car ma mère a toujours eu des goûts exotiques. L’aîné de ses élus était ottoman, brun, grand, moustachu et constant dans ses ardeurs. Alors que le deuxième et le troisième, frères jumeaux de parents européens, possédaient des qualités telles que ma mère, subjuguée par leurs yeux bleus ou leur chevelure blonde, se laissait prendre à leurs promesses et accordait ses charmes avec leurs violons, en véritable sirène d’Orient. En revanche, elle se vit accusée de lâchage, de trahison, de mauvaise conduite par une flopée de siens cousins qui, eux, n’avaient eu ni le courage ni l’intelligence de savoir l’apprivoiser. La dot était pourtant consistante et généreusement mise à contribution par dame Nature. Mais ma mère, primesautière, volubile et légère, avait préféré se partager entre les trois premiers amants. Et ce qui devait arriver… arriva. Je naquis donc en 1920, au grand ébahissement de la principale intéressée. Laquelle, ayant grandi de son côté sans une éducation de base, m’aura laissé pousser au gré de mes instincts et de ma joie de vivre, sans égard aux principes de l’éthique et de l’esthétique, qui, seules, garantissent un développement harmonieux. Me croyant supérieur à ceux qui m’entourent, j’ai repoussé, par la suite, toute idée d’union ou de concubinage, à peine atteint l’âge des épousailles. Célibataire endurci et ombrageux, je constate aujourd’hui que je n’ai su porter aucun fruit et je me réveille la bouche amère lorsque je me rends compte que j’ai dilapidé en faux plaisirs tout le patrimoine de ma défunte, opulente et tristement célèbre génitrice. Non seulement les bons partis me boudent, mais la seule qui, je le sais, avait l’œil sur moi depuis mon plus jeune âge se refuse dorénavant à me faire la cour. Dépitée, constamment repoussée dans ses avances par mes caprices d’enfant gâté, elle n’attend plus que le moment de me voir à terre, vaincu par mes propres faiblesses, exsangue et prêt à vendre. Je sais que si elle me prenait tantôt, ce ne serait sûrement plus pour m’offrir une place dans son lit. Mais tout simplement pour me domestiquer et profiter éventuellement de ce qui me reste de mon prétendu savoir-faire. Le masochisme est un plaisir pervers que j’aurais bien mérité. Dommage pour la triste fin en perspective?! J’étais pourtant né très beau. Mais je me suis toujours mal habillé. Et j’ai laissé s’étendre en moi un mauvais caractère. Une santé de fer?? Oui?! Mais ce fut toujours cette damnée jambe droite qui ne s’est jamais accordée avec ma jambe gauche?: un accident congénital dû, sans doute, à un accouchement forcé. Cela explique pourquoi j’ai claudiqué depuis ma naissance. Ah?! Pardonnez-moi de n’avoir pas encore énoncé mon nom. Comme vous auriez pu le supposer, ce n’est pas Narcisse, ni même Adonis. Et puis, si vous ne l’avez pas déjà deviné par vous-même, alors tant pis, je ne vous le dirai pas non plus… Louis INGEA Architecte d’intérieur
Je suis né bâtard, d’une mère très connue et de pères
indéterminés.
Ma mère, joliment prénommée Oumma, était complaisante avec qui savait la flatter et les prétendants, dans la région, nombreux. Aussi, la jolie fille aux yeux langoureux se donnait-elle, à tour de rôle, au plus tonitruant comme au plus rusé, ne sachant, en définitive, avec lequel se...