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Actualités - OPINION

Jeunes libanais et libanaises, la balle est dans votre camp

On dit souvent que la jeunesse possède le rêve, l’énergie et l’espoir. Nous autres moins jeunes possédons la mémoire et peut-être l’expérience et la sagesse. Il nous arrive parfois de rêver aussi de lendemains meilleurs pourvu que la vie ne nous ait pas rendus cyniques. Le Liban, en ce moment, est à la croisée des chemins. Les récents accords de Doha ont finalement incorporé les chiites du Liban dans le processus politique qui leur avait trop longtemps été nié. Le coup d’État du Hezbollah qui, le 7 juin dernier, forçait le gouvernement à aller de l’avant, ce coup d’État semble dans l’immédiat devoir envenimer la scène confessionnelle libanaise. Aux jeunes chiites je dirai : modérez vos élans et ne vous laissez pas mener par les protagonistes de la revanche ; l’opportunité vous est, en ce moment, donnée de tendre la main aux autres Libanais de votre génération pour bâtir plutôt que détruire. Quant aux jeunes chrétiens, musulmans et druzes, je leur dis?: profitez de ce que la conjoncture vous donne enfin les moyens de remplacer vos aînés aux commandes du pays. Les politiciens d’hier ont cessé de vous apporter quoi que ce soit de positif et de lucratif depuis que dix-sept ans de guerre civile vous ont poussés, vous les jeunes, à l’émigration et à la recherche du gagne-pain hors de votre pays. Il fut un temps où, pour réaliser quoi que ce soit au Liban, l’individu faisait appel à ses chefs traditionnels. Mais le rocher de Tanios s’est effrité à présent que les jeunes vont à l’école et à l’université, qu’ils apprennent plusieurs langues, qu’ils maîtrisent des professions. Dès la fin du XIXe siècle, les Libanais émigraient déjà vers les Amériques, puis l’Égypte, la Palestine et d’autres pays arabes et enfin vers l’Afrique occidentale, l’Australie et l’Europe. Ils partaient «?au-delà de Malte?», comme on disait à l’époque. Le voyage par mer jusqu’à Halifax et Québec, par exemple, prenait, nous raconte-t-on, plusieurs mois. Vous autres jeunes émigrez puis revenez vous envoler ailleurs si nécessité s’en fait. Vous êtes partout comme un poisson dans l’eau. Pourquoi donc ne le seriez-vous pas dans votre propre pays?? Un vent nouveau de laïcité souffle au Liban présentement. La majeure partie des Libanais ne veut plus de guerres entre communautés religieuses. Quiconque lit les journaux du pays, écoute ses médias et ses politiciens ne peut faire cette constatation car ceux-là qui prônent différences et dissensions prêchent pour leurs propres paroisses. Vous, jeunes gens et jeunes filles, appartenez à cette majorité silencieuse qui conteste déjà le passé. Vous allez devoir vous exprimer si vous ne voulez pas vieillir dans le conformisme de vos parents. Je vous conjure donc de profiter du moment historique qui vous est offert en ce moment. Premièrement, allez à la découverte de votre pays, du Akkar aux fermes de Chebaa, et du Yammouneh jusqu’au château de Beaufort. Vous y trouverez de jeunes Libanais et Libanaises tous comme vous qui ont soif de changement et de modernité. Échangez avec eux vos opinions. Vous découvrirez combien vos propres rêves vous rassembleront et combien vous ressembleraient à celui qu’on appelle communément «?l’autre?» au Liban. La seconde suggestion que je vous fais est plus ardue mais demeure inévitable. Vous de la majorité silencieuse qui avez perdu confiance dans vos chefs politiques et religieux ne pourrez créer de nouveau au Liban qu’à partir du moment où vous vous mobiliserez en formant un parti politique non confessionnel et national. Appelez-le Hezb Loubnan ou autre chose. Inspirez-vous des partis politiques existants en leur empruntant ce qui est bien et en vous gardant de perpétuer ce qui fut malsain. Le Parti populaire syrien (PPS) avait démontré que des Libanais de différentes confessions pouvaient cohabiter au sein d’une même formation politique. Le Parti communiste libanais faisait de même. Ces partis ne pouvaient croître au Liban, l’un prônant une Grande Syrie qui dépassait les frontières libanaises, l’autre se voulant internationaliste. Le Parti socialiste progressiste de M. Walid Joumblatt est trop druze et pas assez socialiste. Les Phalanges se rallient autour de la famille Gemayel de Bickfaya. Les Forces libanaises du Dr Geagea se sont donné comme mission de défendre les maronites du Liban. Le Hezbollah s’est identifié aux chiites de la Békaa, de la banlieue sud de Beyrouth et du Liban-Sud. Le Courant du futur de M. Saad Hariri est sunnite d’abord et avant tout, et ne représente que la capitale et la ville de Saïda. Le Mouvement islamique du Liban de M. Omar Karamé parle pour les sunnites de Tripoli et MM. Frangié et Aoun s’adressent à leurs coreligionnaires. Quel pays de cocagne?! Le tribalisme politique libanais n’a plus sa place au XXIe siècle. Vous autres jeunes de la majorité silencieuse libanaise avez droit à une société de type social-démocrate où chaque citoyen a ses droits inaliénables et des devoirs qui incomberaient à tous et à chacun. Votre parti, tout comme ceux des pays du Nord, veillerait aux besoins fondamentaux de tous les citoyens et de tous les secteurs de l’économie nationale. Il œuvrerait à bâtir des ponts avec tous les pays avec lesquels le Liban pourrait commercer. Des chercheurs dans vos nombreuses universités vous aideront à affiner votre pensée. Aujourd’hui, le know-how des Libanais et des Libanaises ne bénéficie qu’aux autres sociétés chaque fois qu’un ou une jeune s’expatrie. Cette hémorragie devra cesser par amour pour votre pays. Vous avez les moyens de penser par vous-mêmes, sans ingérence de vos aînés. Vous pourrez entraîner les membres de vos familles, vos voisins et les habitants de votre village ainsi que tous vos aînés qui jugeraient que le temps est venu de donner au Liban l’occasion de faire peau neuve. L’histoire de l’Allemagne, vous vous en souviendrez, avait vu des citoyens concernés par leurs divisions déclencher au XIXe siècle leur Kultuur Kampf, leur combat des idées. Ce courant idéologique allait mener à l’unification de l’Allemagne et à la chute des intérêts conservateurs et divisionnistes qui avait longtemps été contre l’intérêt de tout un peuple. Ce mouvement avait commencé dans les cafés et dans les clubs politiques, à l’usine et dans les cercles culturels. Il prêchait la fin de l’ancien régime. Vous aussi êtes à l’heure de votre combat. Vous avez de grands rattrapages à faire face à certains de vos voisins du Golfe, d’Israël, de l’Europe, des deux Amériques et de l’Asie. Vous ne devez plus attendre. Jeunes gens et jeunes femmes du Liban, la balle est présentement dans votre camp ; à vous de la saisir pour gagner. André DIRLIK Canadien de mère libanaise, Professeur à la retraite, Montréal
On dit souvent que la jeunesse possède le rêve, l’énergie et l’espoir. Nous autres moins jeunes possédons la mémoire et peut-être l’expérience et la sagesse. Il nous arrive parfois de rêver aussi de lendemains meilleurs pourvu que la vie ne nous ait pas rendus cyniques.
Le Liban, en ce moment, est à la croisée des chemins. Les récents accords de Doha ont finalement...