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Actualités - REPORTAGE

« Pour participer à un processus interétatique, il faut d’abord être un État », estime Laurent L’UPM, quelles perspectives pour le Liban ?

Le 14 mars 2008, les 27 pays européens ont donné leur feu vert à la mise en place du projet de l’Union pour la Méditerranée lancé par Nicolas Sarkozy à l’issue du second tour de l’élection présidentielle française, le 6 mai 2007. Cet appel pour « bâtir une Union méditerranéenne » a toutefois été remanié pour qu’il puisse être approuvé par l’ensemble des pays européens, surtout que la chancelière allemande Angela Merkel y avait d’abord vu une menace pour l’Europe et pour le processus de Barcelone. Désormais appelé « Le Processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée », le Conseil européen en a approuvé le principe et la Commission a présenté au Conseil les propositions nécessaires pour définir les modalités du sommet qui se tiendra à Paris demain, 13 juillet. Pour le président français, il était « fondamental de créer l’Union pour la Méditerranée pour que la rive du nord et la rive du sud construisent un pôle de stabilité », comme il l’a affirmé lors d’un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, le 6 mars 2008. « Angela voulait que tous les pays européens puissent participer à l’Union dans le cadre du processus de Barcelone. Et moi je considérais que ce processus, créé en 1995, était enlisé et qu’il fallait créer un vrai partenariat avec les pays du Sud. Nous nous sommes mis d’accord pour créer l’Union pour la Méditerranée. Tous les pays membres de l’Union européenne et tous les pays riverains de la Méditerranée pourront y participer », ajoutait-il durant cette interview. Concernant le mode de fonctionnement, le président Sarkozy explique que « l’Union pour la Méditerranée sera coprésidée par un président de la rive du nord et un président de la rive du sud. Une structure de direction, légère et opérationnelle, donnera corps à ce partenariat. Ne pourront présider que les pays qui sont riverains de la Méditerranée. Il y aura une réunion des chefs d’État et de gouvernement tous les deux ans, les décisions seront prises ensemble. Tous les pays membres de l’Union pourront participer au processus. Le 13 juillet, à Paris, il y aura un sommet des pays européens et des pays de la Méditerranée ». Pas moins de 44 pays, dont une moitié non méditerranéens, prendront part à ce projet : les 27 États membres de l’Union européenne, les 13 membres du Processus de Barcelone (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Mauritanie, Jordanie, Israël, Turquie, Liban, Syrie, Albanie et Palestine), et quelques autres pays comme la Croatie, la Bosnie, le Monténégro et la principauté de Monaco. Le chef de la Délégation de la Commission européenne à Beyrouth, Patrick Laurent, a été responsable de 1998 à 2001 du Processus de Barcelone. « Depuis 1995, c’est quelque chose que j’ai fait grandir », dit-il depuis son bureau à Bruxelles. Aujourd’hui, si un bilan des « années Barcelone » s’impose forcément, quelques heures seulement avant le lancement du « processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée », celui-ci n’est pas totalement négatif, comme pourraient le penser certains. « Barcelone a fait beaucoup, mais il est vrai qu’une partie des espoirs ont été déçus », souligne dans ce cadre M. Laurent. Car Barcelone avait principalement trois objectifs : mettre en place une zone de dialogue politique pour aboutir à la paix, créer une zone de libre-échange économique, sans oublier le volet socioculturel du projet. « C’est ce dernier volet qui a le plus réussi », même si le processus de Barcelone reste « le seul endroit où tous les pays concernés, en l’occurrence Arabes et Israéliens, peuvent s’asseoir ensemble et discuter de leurs problèmes ». Et de leurs guerres. « Le bilan est certes nuancé, mais il faut dire que les espoirs étaient trop importants », poursuit M. Laurent, avant d’indiquer que l’Union pour la Méditerranée (UPM) « est née comme un rêve dans l’esprit des gens qui se rappellent de 1995 (date de la conférence de Madrid). Ils éprouvent un véritable désir de faire un pas en avant ». Que répond Patrick Laurent à ceux qui soutiennent que le projet de l’UPM serait en fait né durant la guerre de juillet 2006 ? Le conflit entre Israël et le Hezbollah aurait en effet inspiré certains responsables français et les aurait poussé à mettre en place un nouveau projet, celui de l’UPM, dont le but serait d’amener les pays arabes à discuter avec Israël de manière à contourner le processus de paix « classique ». « C’est totalement faux. Il faut apporter à ces propos le démenti le plus catégorique », martèle M. Laurent. « Il faut attribuer la genèse de ce projet à la sensibilité euro-méditerranéenne de Nicolas Sarkozy qui est lui-même, à l’origine, un immigré », précise-t-il. Il est important de garder à l’esprit, d’autre part, que Barcelone « n’a pas pour ambition première de résoudre les questions liées au processus de paix ». Aujourd’hui, le nom officiel de l’UPM, Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, est très long. Et pour cause, « Barcelone est un socle irremplaçable. On va donc bâtir dessus » et non pas remettre en question ses acquis. Toutefois, il est important de savoir aussi à quoi est dû aujourd’hui le soudain regain d’enthousiasme des dirigeants européens pour le processus de paix israélo-arabe. Le chef de la délégation de la Commission européenne au Liban rappelle à cet égard que depuis 1995 « les dirigeants politiques des deux bords n’ont pas assumé leurs responsabilités à l’égard du processus de paix ». Qu’est-ce qui a changé ? « Aujourd’hui, il y a une prise de conscience que les choses ne peuvent plus perdurer. Il y a une grande lassitude par rapport à ce statu quo, souligne-t-il. Il y a véritablement une dynamique politique nouvelle, car l’intérêt pour l’avenir de ce processus se situe au plus haut niveau, celui des chefs d’État. C’est un message politique très fort », et une grande responsabilité aussi. La place du Liban En ce qui concerne le Liban, M. Laurent avait indiqué lors d’une conférence de presse jeudi dernier que ce pays « a vocation à être membre à part entière de ce processus rénové et des institutions qui y seront formées. Il pourra également bénéficier des projets qui auront lieu dans le cadre de l’UPM ». Malheureusement, le pays du Cèdre n’a pas su profiter des chances offertes par Barcelone depuis 1995 car « pour prendre part à un processus interétatique, il faut être un État », indique M. Laurent. « Il faut avancer vite vers la mise sur pied d’un État de droit et s’investir dans la politique de voisinage, en utiliser à fond toutes les recettes », poursuit-il. Car il faut garder à l’esprit que l’UPM n’est autre que l’aboutissement d’un long parcours entamé par le processus de Barcelone et poursuivi ensuite par la Politique de voisinage (PEV). Or la politique de voisinage est le premier pas vers, ensuite, une coopération régionale à plus grande échelle « qui concerne plus les “initiés” », et c’est d’abord à ce niveau que devrait œuvrer le Liban, conseille M. Laurent. « Mais cela n’empêche pas ce pays de tirer profit de l’UPM. Je suis d’ailleurs très heureux que le Liban vienne à Paris avec une ou deux bonnes idées », ajoute-t-il. Comment espérer cependant bâtir des liens dans un environnement qui n’est pas pacifié, sachant que les voisins directs du Liban ne sont autres que la Syrie et Israël, deux pays avec lesquels il entretient, toutes proportions gardées, des relations pour le moins difficiles ? « Il faut travailler, et commencer par le facile avant le difficile. Le meilleur moyen de s’affirmer par rapport à ses voisins c’est d’œuvrer au niveau économique. Dans un environnement hostile, il y a une nécessité de se regrouper, et cette nécessité est encore plus grande », affirme le diplomate. Mais Israël, « c’est autre chose » que la Syrie, tient à dire M. Laurent. Que répondre en outre à ceux qui, au Liban, ont un temps voulu empêcher le président de la République Michel Sleiman de se rendre en France parce qu’il allait rencontrer là-bas son homologue syrien Bachar el-Assad ? « C’est un grand risque politique que d’empêcher M. Sleiman de se rendre ã Paris. C’est une responsabilité énorme. Le Liban est en voie de sortie de crise, et le fait de rencontrer M. Assad à Paris et non pas à Damas, ça change tout. » La position française Junaina Herrera s’occupe du projet de l’UPM à l’ambassade de France. Elle souligne d’emblée que « le Liban a un potentiel énorme », mais qu’il est impératif qu’il se dote, le plus rapidement possible, d’ « autorités constituées ». En attendant, il est important de souligner que Michel Sleiman a décidé d’axer le rôle de son pays sur « la culture, la recherche et la science. C’est là une démarche exemplaire », note Mme Herrera, « car elle porte sur la mise en place d’une réflexion qui cherche à dépasser les dissensions politiques ». En ce qui concerne les espoirs que peut concrétiser l’UPM, elle souligne que « le fait qu’Ehud Olmert et Bachar el-Assad soient finalement au rendez-vous est un succès en soi. C’est une opportunité pour le dialogue. C’était un pari risqué que nous avons relevé ». L’UPM sera donc incontestablement un lieu de rencontre et de dialogue, permettant de « faire passer des messages » à chacun de ces deux responsables. Ce projet est sous bien des aspects en décalage avec la dure réalité sur le terrain. Mais durant la Seconde Guerre mondiale, la France et l’Allemagne s’étaient livré une guerre totale et aujourd’hui ils sont le socle incontournable de l’Europe. Le génie de Jean Monnet a été de bâtir l’Union européenne sur des intérêts économiques communs. Il convient de se rappeler, dans ce contexte, de la Communauté européenne pour le charbon et l’acier (CECA), qui était l’ancêtre de l’actuelle Union européenne. C’est la même logique qui a permis de construire le projet de l’Union pour la Méditerranée. * * * La première mouture du communiqué final Voici de larges extraits du document final qui est en train d’être discuté par les pays membres de l’UPM : 1- Les pays européens et méditerranéens sont liés historiquement, culturellement et géographiquement, mais surtout par la recherche d’un futur de prospérité, d’union et de démocratie (…) 2- C’est dans cette optique que le « Processus de Barcelone » a été créé (…) 3- Le Processus de Barcelone vise à régler les problèmes politiques, économiques, écologiques et sociaux des pays du bassin de la Méditerranée afin de parvenir à la paix et la prospérité (...) 4- Les participants s’engagent à instaurer la démocratie et la pluralité politique pour permettre à chaque pays de bénéficier d’une liberté de participation à la vie politique et de créer un agenda politique propre. 5- Les participants réaffirment le rôle majeur du processus de Barcelone depuis 1995 dans les relations euro-méditerranéennes, qui regroupe ainsi 39 gouvernements et 750 millions de personnes. Ce processus a offert un cadre de travail pour le progrès et le développement. Il représente le seul espace permettant un dialogue constructif et un échange efficace des différents points de vue, et a pour objectif d’instaurer une stabilité régionale et démocratique. Le Processus de Barcelone - Union pour la méditerranée, vise à rendre possibles des réformes socio-économiques à partir d’une politique de coopération commune. 6- (modifiable, en cours de discussion) Malgré la persistance du conflit au Moyen-Orient, les participants affirment leur volonté d’arriver à une solution politique juste, exhaustive et permanente. Ils appuient l’accord de Madrid, le principe de la terre contre la paix et la « feuille de route », ainsi que les décisions de l’ONU y relatives. Les participants saluent le rôle positif joué par l’Union européenne au Moyen-Orient, surtout en ce qui concerne « la commission quadripartite ». Ils appuient les négociations israélo-palestiniennes en vue de conclure un accord de paix avant la fin de 2008, comme prévu dans l’accord d’Annapolis en novembre dernier. Les participants estiment que la situation au Moyen-Orient a besoin d’une solution « globale » et ils saluent les négociations israélo-syriennes parrainées par la Turquie. Ils insistent de nouveau sur « l’initiative arabe » en tant que moteur du processus de paix. Lélia MEZHER
Le 14 mars 2008, les 27 pays européens ont donné leur feu vert à la mise en place du projet de l’Union pour la Méditerranée lancé par Nicolas Sarkozy à l’issue du second tour de l’élection présidentielle française, le 6 mai 2007. Cet appel pour « bâtir une Union méditerranéenne » a toutefois été remanié pour qu’il puisse être approuvé par l’ensemble des...