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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - «?Camille Claudel, une femme, une artiste?» au Musée Rodin, jusqu’au 31 juillet Parcours d’une insoumise

PARIS, de Carla HENOUD Après Madrid où l’exposition a été présentée de novembre 2007 à février 2008, la quasi-totalité des œuvres de Camille Claudel (1864-1943) a trouvé sa place légitime au Musée Rodin à Paris. Offertes à un public qui n’a jamais dissocié Claudel de son hôte, amant et maître, ces œuvres cherchent à imposer un regard neuf sur le travail d’une artiste, une femme qui fut avant tout libre, même si elle a été enfermée durant trente ans dans un asile psychiatrique. C’est à travers le livre Une femme d’Anne Delbée, paru en 1982, puis le film?Camille Claudel de Bruno Nuytten, en 1988, avec une saisissante Adjani, que le voile a été levé sur ce personnage trop longtemps resté dans l’ombre et dans l’ombre du fougueux Auguste Rodin. Durant les années qui ont suivi, l’œuvre de l’artiste s’est peu à peu livrée au public, de même que son destin tragique, toujours lié à l’incontournable sculpteur. L’exposition «?Camille Claudel, une femme, une artiste?» se charge enfin d’offrir et de décrypter son parcours artistique et personnel, loin de ce mentor qui lui a brûlé les ailes. Elle se charge également de souligner les différences de styles des deux sculpteurs, le travail de Rodin étant plus dramatique, plus charnel, alors que celui de Claudel est sensuel et fluide. Plus de 80 sculptures en marbre, terre cuite, plâtre, onyx et bronze, ainsi qu’une dizaine de gravures et de dessins qui couvrent l’essentiel de son œuvre ont été présentés, certains pour la première fois, venant de collections privées dont celles de René-Marie Paris, nièce de l’artiste, de musées, ou venant d’être attribués à Claudel. Selon un parcours chronologique, le visiteur découvre en même temps l’évolution de son travail, les différentes inspirations et la transformation en folie de la passion qui l’habite. Ce voyage au cœur des sculptures de l’artiste est également un plongeon dans les souffrances de l’âme d’une femme mal-aimée. Une existence tourmentée Née le 8 décembre 1864 en Picardie, Camille Claudel va grandir dans l’ombre de Charles-Henri, ce frère aîné mort prématurément. Un prénom masculin qu’elle devra porter aussi lourdement que la peine de sa mère et qui développeront une insoumission dont elle fera preuve toute sa vie. Son premier maître, le sculpteur Alfred Boucher, la confie à Rodin qui en fera son élève, son assistante, son modèle et sa maîtresse. Il y verra tout le talent qu’elle possède déjà. «?Je lui ai montré où elle trouverait de l’or?; mais l’or qu’elle trouve est à elle?», dira-t-il. La passion qui va les lier va la détruire car jamais Rodin ne quittera sa compagne Rose Beuret. De plus en plus démesurée et incontrôlable, elle sera internée dans un asile psychiatrique où sa mère ne viendra même pas la voir, pour y mourir trente ans plus tard. L’œuvre de Camille Claudel, qui n’est pas très fournie (elle a détruit une grande partie de ses sculptures dans ses moments de folie), trouve enfin son indépendance dans une des expositions les plus visitées en ce moment. Dans la première salle et sous le thème «?Portraits de famille?», les dessins et premières sculptures de la jeune Camille révèlent déjà un extraordinaire talent. Buste de femme, La vieille Hélène, Paul Claudel enfant, Jeune Romain ou mon frère à 16 ans, Portrait de la comtesse Arthur de Maigret en sont une belle illustration. C’est pour des raisons économiques que l’artiste choisit alors ces sujets, proches d’elle. Dans la section «?l’atelier de Rodin?», les recherches de l’assistante et élève sont réunies dans une ambiance presque sacrée. Femme accroupie, Buste d’Auguste Rodin, Torse de femme accroupie, Tête de rieur, Tête d’esclave, Tête de négresse ou encore cette impressionnante Étude de pied démontrent l’application de la jeune femme, qui n’a alors que vingt ans, à maîtriser la représentation des corps, les profils et les expressions. La visite se poursuit avec l’arrêt magique?: «?La valse, Clotho?». Dans cette pièce imbibée de sensualité, le visiteur découvre la fameuse Valse (1889-1905) et sa préparation. Quatre essais menant à la sculpture finale en grès flammé où les personnages, emportés par le tourbillon de la danse, célèbrent l’amour. À côté, et comme par opposition à ces jeunes danseurs, le Torse de Clotho, représentant la vieillesse dans toute sa cruauté et qui fut présentée dans ce même salon en 1893. Sakountala, première grande œuvre narrative de Claudel, occupe le centre du parcours. Créée en 1886, elle est ainsi présentée sous les différentes versions et matériaux utilisés par l’artiste. Le couple qui se fond en un même moule devient en marbre Vertumne et Pomone et en bronze l’Abandon. Mais l’ivresse est la même… Sous la verrière du Musée Rodin, inondé de lumière naturelle, les deux versions de l’Âge mûr (1894-1905) trouvent leur écrin idéal. Marquant un tournant dans la carrière de l’artiste, l’œuvre exprime au mieux la maîtrise de Camille Claudel et sa puissance, qui n’est jamais violence. Ce «?groupe de trois?» comme elle l’appelait, conçu après sa rupture avec Rodin, fut interprété comme la représentation autobiographique de l’homme vieillissant, arraché à l’amour et la jeunesse. Dans la salle baptisée «?Les petites choses nouvelles?», expression reprise dans la correspondance de l’artiste, on découvre La joueuse de flûte ou la sirène, Les Causeuses en plusieurs matériaux et versions, et surtout La Vague ou les baigneuses, d’une surprenante modernité. Enfin, et pour clore une belle promenade, «?Dernier mécène et dernières œuvres?» met en avant les commandes privées, notamment celles de la comtesse de Maigret pour laquelle elle a réalisé plusieurs portraits. C’est avec le buste de Paul Claudel à 37 ans que se referment l’exposition et le destin de Camille Claudel qui n’aura pas pu réaliser de monuments publics. «?Mes couleur et fleur favorites, avait-elle répondu, lors d’un questionnaire de Proust, la couleur qui change le plus et la fleur qui ne change pas. Mon principal trait de caractère?: le caprice et l’inconstance.?» C’était oublier le talent et la passion de cette femme qui est allée au plus loin de soi. La solitude de la folie.
PARIS, de Carla HENOUD

Après Madrid où l’exposition a été présentée de novembre 2007 à février 2008, la quasi-totalité des œuvres de Camille Claudel (1864-1943) a trouvé sa place légitime au Musée Rodin à Paris. Offertes à un public qui n’a jamais dissocié Claudel de son hôte, amant et maître, ces œuvres cherchent à imposer un regard neuf sur le travail...