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Comment vas-tu, Samir Kantar ? Louis INGEA

C’est un compatriote libanais de confession chrétienne, né dans l’une des communautés catholiques de ton pays, qui s’enquiert de ta santé autant physique que morale. Un compatriote qui n’aurait même pas soupçonné ton existence n’étaient les medias qui, depuis des années, ont révélé à l’opinion publique et ton action patriotique et les suites du regrettable piège qui t’aura jeté dans les filets d’un ennemi, dit juré, de notre patrie. Comment penses-tu qu’un citoyen comme moi ait pu réagir à ce sujet toutes les fois qu’étaient évoquées les raisons et les conditions de ta détention ? Sinon se lamenter de voir perdurer les misères des hommes qui s’entre-déchirent autour de nous depuis des siècles au nom du Dieu vivant dont nous sommes conscients à l’unanimité et que nous vénérons, il est vrai, chacun à sa manière. Et la tourmente, inlassablement nourrie de fausses illusions chez les uns comme chez les autres, s’est poursuivie, s’est amplifiée jusqu’à dégénérer en réflexe de terreur. La politique mondiale s’en est émue au bout du compte et… brusquement, les temps ont changé, paraît-il. La lenteur des jours d’oppression a cessé de peser sur ceux qui, comme toi, souffraient de cet isolement inique qui est souvent la rançon du risque accepté et couru. Car l’idéalisme, poussé à son paroxysme, a ses aléas et la guerre ses lois. Tout comme l’amour, d’ailleurs, a les siennes. Le destin t’aura choisi pour en payer le prix fort, mais tu as témoigné de la valeur de l’endurance et de la foi. Au point de faire figure, aujourd’hui, de symbole définitif pour ceux qui croient que tout être qui se respecte se doit de manifester la noble résistance à l’injustice et à l’aveugle cruauté des autres. Tu vas donc rentrer chez toi la tête haute, invaincu, malgré ces jours interminables d’humiliations continues. Tu seras accueilli en héros national, et c’est à ce titre et à partir de ce moment que va t’incomber la responsabilité la plus grave, la plus subtile, la plus exigeante à laquelle un humain soit appelé à faire face un jour ou l’autre. Voilà pourquoi je t’interpelle à l’avance en te disant : « Comment vas-tu, Samir Kantar ? Comment seras-tu parmi nous ? » Au niveau où ma réflexion nous place, il serait impensable de t’imaginer rentrer avec des sentiments exacerbés ou un supplément de haine dans le cœur. Car les héros se positionnent d’emblée par-dessus la mêlée. Leur royaume n’est déjà plus de ce monde. Celui qui en a donné le message l’a donné une fois pour toutes pour le monde entier et pour toutes les époques. C’est ta prise de conscience et elle seule qui te dictera et tes déclarations et la suite de ton action. Sache seulement qu’ici on t’attend et qu’on retient à l’avance son souffle devant tout ce que tu entreprendras de concert avec la direction de ton parti. Dois-je te rappeler à ce propos ici que ce parti, malgré son affiliation au nom sacré de Dieu qui n’est qu’Amour, n’a pas réussi jusqu’à présent, à travers les slogans et la justesse de ses vues de départ, malgré le regroupement d’une grande partie de la population autour de ses thèmes (au point de se transformer en point de ralliement focal pour une seule communauté et de glisser, sans doute à son corps défendant, vers un fanatisme répréhensible à tous niveaux), à séduire tout simplement les honnête gens que nous sommes ? Tu conviendras que nous avons le droit d’exister et le devoir de t’inviter à te joindre à nos vœux. Nos vœux de voir s’établir au Liban une solidarité commune à l’échelle nationale. À travers toi, c’est finalement au parti que je m’adresse. Les échos bienveillants du dernier discours de ton chef et mentor sont là pour m’y encourager. Et j’en profite pour te signaler que ce n’est pas tant aux Libanais de venir à toi, que bien plutôt à toi de venir à eux et de gagner, par ton attitude, toutes les sympathies. Je n’attends de toi nul mot de regret, encore moins de haine ou de menaces. Pour être pleinement grand, souviens-toi qu’il faut être magnanime. Le temps et les épreuves t’auront mûri et je me doute bien que tu seras écouté par tous ceux qui dirigent votre mouvement et qui décident, par contre-coup, de notre sort à tous. Aussi, ce ne seront pas des mots de vengeance que je souhaite entendre, mais des mots de pardon assortis d’un appel au redressement général dont l’effet national écrasera bien mieux l’ennemi que la plus lourde des défaites militaires. Si tu étais appelé, un jour, à tenir en main les destinées politiques de ton parti, tu aurais assuré d’avance l’adhésion, au moins tacite, de l’ensemble de tes compatriotes. Celui qui t’écrit ne fait pas partie de la composante chrétienne qui, pour des raisons tactiques, a tissé des alliances avec la filière à laquelle tu appartiens. Pour te louer comme je le fais, je n’ai que plus de mérite, je crois, et je suis prêt à parier, avec une sainte candeur, sur le miracle qui mettra fin à nos honteux déchirements. Car nul n’est innocent et la perche providentielle que nous tend la « circonstance » en te libérant s’impose comme une nécessité nationale dont tu devras être le premier à te saisir. Que ton retour au Liban soit une véritable fête, la fête de la Souveraineté et du Droit. Fais-nous oublier, en un retournement du langage politique, toutes les terreurs que nous avons vécues et que nous aura inspirées le parti dont tu es la façade aujourd’hui. Autour de toi, je sais que l’intelligence des choses est suffisamment fine pour réaliser que le moment est venu de redonner à notre peuple le lustre qu’il mérite. Si ton action a su réveiller chez les plus mous d’entre nous le nécessaire orgueil national, il est grand temps d’en concrétiser les effets en adhérant toi-même et en faisant adhérer sans réserves ni exclusives ton propre parti au centre suprême qui doit nous unir : l’État libanais, président, gouvernement, armée et citoyens compris. La résistance est un pari aussi formidable que dangereux. Si elle est censée confirmer la dignité de celui qui la vit, elle peut également, par certains écarts du comportement, devenir « réticence » et vicier à la base cette même dignité que nous défendons tous. Que les moyens prodigieux dont ton parti a réussi à se doter viennent se confondre en douceur avec les forces régulières qui constituent le nerf protecteur de la nation, non pour se mettre à leur service, mais bien plutôt pour en renforcer considérablement la puissance. L’humanité a sacrifié trop longtemps à l’adage romain « Se vis pacem para bellum ». Et nous avons constaté, à travers les méandres de l’histoire, qu’on n’établit pas cette paix par la force et sous l’effet de la menace. Il est temps de l’établir enfin, au moins dans le sein du même camp, par l’union des volontés et des cœurs, et de permettre à une population entière de ne plus souffrir d’obscurantisme, de fanatisme, d’appels à de vaines vengeances et à de fallacieuses glorioles au nom d’une oumma qui s’est désintégrée au fil des ans. Vois donc combien d’autres frères d’armes se sont désengagés, au gré de leurs intérêts, d’un combat devenu sans âme. Vois comme le fer de lance syrien se résout, en ces jours, à des tractation en coulisses, jadis traitées de tous les noms chez ceux qui osaient y penser. Non pas qu’il faille baisser les bras devant l’Israélien insatiable. Mais une fois réalisée l’union sacrée de l’armée et de la résistance populaire, traiter avec lui d’égal à égal. Dans le sérieux et la dignité. La même tactique, justement, qui a mis fin à ton propre calvaire. Alors, dis-moi, Samir Kantar, non seulement comment tu vas, mais surtout comment ira dorénavant le Liban, notre maison commune. Le parti de Dieu est notre parti à tous. Il fallait voir, il y a quelques jours à peine, combien, à l’occasion de la cérémonie de béatification du père Yaacoub, ceux que certains parmi les tiens pouvaient considérer comme des adversaires étaient eux-mêmes, avec plus de ferveur que jamais, des adhérents au grand Parti de Dieu. Agenouillés, silencieux, sans poings tendus en avant, mais la joie dans les yeux, ils ont demandé la paix au seul Maître de la paix et de la justice. Ils n’attendent de toi qu’un seul geste pour t’ouvrir les bras. Et ils savent que ce geste sera d’une portée énorme, particulièrement lourd à décider. Mais il ne dépend que de toi, de concert avec le chef suprême de ton mouvement. Ta dignité personnelle et la gloire que votre parti en tirera sont à ce prix. Et ce prix, inestimable, en vaut grandement la peine. Oublions, les uns et les autres, les rancœurs accumulées et les intérêts toujours provisoires des pays environnants. Et redécouvrons ensemble l’unique bienfait de la pacification générale. À ce titre, et uniquement à ce prix, ton parti aura gagné non seulement une famille élargie, mais ce qui est bien plus noble, une patrie. Louis INGEA Architecte d’intérieur Article paru le mardi 8 juillet 2008
C’est un compatriote libanais de confession chrétienne, né dans l’une des communautés catholiques de ton pays, qui s’enquiert de ta santé autant physique que morale. Un compatriote qui n’aurait même pas soupçonné ton existence n’étaient les medias qui, depuis des années, ont révélé à l’opinion publique et ton action patriotique et les suites du regrettable piège qui...