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Agriculture Siniora cède à la pression et réactive le programme « Export plus »

Décidément, le gouvernement sortant sera plus connu pour les décisions sur lesquelles il est revenu que pour celles qu’il a prises. Dernier revirement en date : la reprise du programme de subvention des exportations agricoles « Export plus », décidée hier par le Premier ministre Fouad Siniora, en attendant que le futur cabinet se penche à nouveau sur la question. Le PM a justifié cette position « exceptionnelle » par la nécessité de limiter l’impact négatif de cette suspension sur les agriculteurs, ainsi que par les coûts financiers entraînés par la rupture des contrats avec les deux sociétés de contrôle des exportations, estimés à 240 000 dollars. Une certitude : le Premier ministre a soit un problème d’anticipation, soit de détermination. Alors qu’en avril 2006, le gouvernement avait approuvé une réduction progressive de ces subventions de 20 % par an jusqu’à leur élimination totale sur cinq ans, en mai dernier, il a décidé de suspendre le programme durant un an, afin de contrer la hausse des prix des produits agricoles. Dans un contexte de flambée internationale des prix alimentaires, la logique du ministre de l’Économie, Sami Haddad, était d’accroître l’offre sur le marché local, en poussant les agriculteurs à écouler leurs marchandises au Liban, au lieu de les exporter, grâce aux subventions accordées pour le transport de ces produits à l’étranger. La hausse de l’offre, à demande égale, aurait ainsi entraîné une baisse immédiate des prix, ce qui a effectivement eu lieu. « Pour la première fois depuis 18 mois, nous avons observé une baisse des prix des produits agricoles selon tous les indices des prix disponibles, souligne ainsi Sami Haddad. Ceux des produits comme les pommes de terre ou les oignons ont même baissé de près de 30 %. Il y a évidemment l’effet psychologique de l’annonce ainsi que le facteur saisonnier, mais il ne fait aucun doute que cette mesure a largement contribué à calmer les prix. » Cet effondrement des prix n’est toutefois pas de nature à satisfaire tout le monde, surtout pas les agriculteurs et encore moins les exportateurs, qui se sont notamment plaint du caractère subit de la décision, alors qu’ils s’étaient déjà engagés auprès de leurs clients à un prix donné. « Je reconnais que cette décision a été soudaine, mais la flambée internationale des prix l’a été aussi. La hausse générale des prix, de l’ordre de 10 %, et celle des produits agricoles en particulier, de plus de 15 %, est devenue insoutenable pour les ménages à faibles revenus, explique le ministre sortant. Dans ce contexte, j’assume complètement d’avoir privilégié les consommateurs au détriment des commerçants, qui sont les plus grand bénéficiaires de ces subventions, bien plus que les petits agriculteurs. » Parallèlement, la hausse des coûts de production et la taxe sur le mazout imposée sur la frontière syrienne ont alourdi les charges des agriculteurs. « Je comprends leurs difficultés, poursuit-il. Mais je pense qu’il aurait mieux valu allouer des aides directes aux petits agriculteurs plutôt que de reprendre ce programme ». Selon lui, l’enveloppe financière consacrée à ce projet, de l’ordre de 25 millions de dollars par an, aurait été bien plus efficace si elle avait été directement allouée aux agriculteurs sous forme de prêts subventionnés, d’aides techniques, de soutiens à la commercialisation, ou autres. « Je doute que l’avenir de l’agriculture libanaise soit dans les pommes de terre, le tabac ou la betterave sucrière, mais plutôt dans les fleurs, les cultures sous serres ou les produits à valeur ajoutée. Subventionner des exportations de produits traditionnels vers des marchés traditionnels (Syrie, Émirats arabes unis et Arabie saoudite) n’a aucun sens. » Selon IDAL, qui est en charge du projet, 222 exportateurs ont bénéficié de ce programme en 2007. Quant au nombre d’agriculteurs qui en ont directement profité, il est impossible à obtenir puisque ses seuls interlocuteurs sont les commerçants. « Globalement, n’oublions pas que l’agriculture représente 6 % seulement du PIB et moins de 6 % de la population active. Certes, de nombreux Libanais sont propriétaires terriens, mais il y a très peu de main-d’œuvre agricole libanaise », souligne Haddad. Leur poids électoral est cependant bien plus important, d’autant que le vote rural est largement gonflé par l’obligation de vote dans la circonscription d’origine. En ces temps de précampagne, cet électorat est très courtisé, comme en témoigne la multitude de positions dénonçant la suspension du programme, émanant d’hommes politiques d’ordinaire très peu impliqués dans les questions économiques. « Le lobby agricole a exercé une très forte pression sur le gouvernement, et a réussi à obtenir ce qu’il veut. Mais les consommateurs, qui les représente et qui défend leurs intérêts ? Pour mener des réformes aussi minimes soit-elles, il faut être soutenu. Moi, j’ai été seul à défendre ce projet », conclut Sami Haddad. Ce projet a pourtant bien été approuvé en Conseil des ministres. Au-delà du bien-fondé de cette mesure, en revenant sur une décision prise il y a à peine quelques mois, Fouad Siniora envoi un mauvais signal à tous ceux qui espèrent encore des réformes « courageuses ». Sahar AL-ATTAR
Décidément, le gouvernement sortant sera plus connu pour les décisions sur lesquelles il est revenu que pour celles qu’il a prises. Dernier revirement en date : la reprise du programme de subvention des exportations agricoles « Export plus », décidée hier par le Premier ministre Fouad Siniora, en attendant que le futur cabinet se penche à nouveau sur la question. Le PM a justifié...