Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Sarkozy promet de continuer le « combat » pour les otages toujours aux mains des FARC Ingrid Betancourt heureuse et émue de « respirer l’air de la France »

C’est avec beaucoup d’émotion qu’Ingrid Betancourt a retrouvé la France hier, trois jours après avoir été libérée. Lors de multiples conférences de presse, elle a loué le rôle de la France et déclaré son amour pour sa deuxième patrie. «Je rêve depuis sept ans de vivre ce moment. C’est un moment très, très émouvant pour moi : respirer l’air de la France, être avec vous », a déclaré Ingrid Betancourt, très émue, dans sa première déclaration sur le sol français. Souriante, vêtue d’un tailleur pantalon bleu marine, elle a été la première à sortir de l’Airbus présidentiel arrivé en milieu d’après-midi sur l’aéroport militaire de Villacoublay, près de Paris, en provenance de Bogota. En bas de la passerelle, elle a donné l’accolade à Nicolas Sarkozy et embrassé son épouse, Carla Bruni, avant d’échanger quelques paroles avec eux. « C’est toute la France qui est heureuse que vous soyez là et c’est toute la France qui est impressionnée par la façon dont vous êtes revenue, avec ce sourire, cette force », a déclaré M. Sarkozy au cours d’une brève cérémonie sur le tarmac, sous un soleil estival. Prenant à son tour la parole, Ingrid Betancourt a pris Nicolas Sarkozy par la main et lui a rendu hommage. « Je regarde cet homme extraordinaire qui a tant lutté pour moi et je regarde aussi à travers lui toute la France. » « Je dois tout à la France », a-t-elle assuré, en remerciant aussi « Dieu et le ciel ». « J’ai beaucoup pleuré de douleur et d’indignation. Aujourd’hui, je pleure de joie », a-t-elle encore dit, des sanglots dans la voix, sous les applaudissements. Mme Betancourt est arrivée avec ses enfants, Mélanie, 22 ans, et Lorenzo, 19 ans, son ex-mari Fabrice Delloye, ainsi que sa sœur Astrid, qui étaient allés la chercher en Colombie avec le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner. Dans l’avion qui l’emmenait de Bogota à Paris, Ingrid Betancourt avait raconté aux journalistes qu’elle « devait (sa) vie à la France ». « Si la France n’avait pas lutté pour moi, je ne serais pas en train de faire ce voyage extraordinaire », a-t-elle déclaré. « Les FARC savaient que la France était pour moi et cela a empêché qu’il y ait des représailles à mon encontre », a-t-elle ajouté, avant de citer le cas d’un de ses compagnons de captivité qui a fui, a été repris et a été fusillé. « Si la France n’avait pas été derrière moi, j’aurais probablement subi le même sort », a-t-elle assuré. Plus tard, pendant une réception à l’ambiance festive au palais de l’Élysée, à laquelle étaient conviés ses nombreux comités de soutien, M. Sarkozy a promis à Ingrid Betancourt de continuer le « combat » pour les otages toujours aux mains des FARC. « Pour tous ceux qui ont été victimes de ces bourreaux, s’ils souhaitent venir en France, il n’y a pas de problème », a dit M. Sarkozy. Quant à ceux des FARC « qui abandonneront les armes, qui se comporteront en respectant la dignité des personnes, la France est prête à jouer un rôle », a-t-il réaffirmé. « J’ai besoin de compter sur notre président Sarkozy pour qu’il aille en Colombie à nouveau », a déclaré Mme Betancourt. « Je veux absolument lutter pour faire libérer les otages en Colombie et dans le reste du monde », a-t-elle dit à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, Ingrid Betancourt, âgée de 46 ans, doit subir de longs examens médicaux à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, pour prendre la mesure des conséquences physiques de ses six ans et quatre mois de détention dans la jungle colombienne aux mains des FARC. Depuis sa libération, elle est apparue rayonnante, alors qu’elle a expliqué avoir été gravement malade pendant sa détention. Changer le monde Hier, elle a donné de nouveaux détails sur ses conditions de détention. « J’ai eu des chaînes tout le temps, 24 heures sur 24, pendant trois ans », a-t-elle raconté. Elle a également indiqué avoir été souvent victime de « tortures, sévices et humiliations », ajoutant que sa « spiritualité » l’avait sauvée. « Il y avait des moments de grandes crises, de grande dureté, de sévices. Il y avait des moments où ils essayaient de montrer un autre visage, parce que c’était tellement monstrueux que je pense qu’ils en étaient eux-mêmes dégoûtés », a-t-elle également déclaré lors d’une interview. « C’est un monde absolument hostile avec des animaux dangereux, le plus dangereux de tous étant l’homme », a-t-elle encore dit en parlant de sa captivité dans la jungle. Interrogée sur ses projets, Mme Betancourt a répondu : « Très simplement, je veux changer le monde. » Elle a également exprimé le souhait d’aller en Birmanie pour y rencontrer San Suu Kyi, la dirigeante de l’opposition birmane maintenue à l’isolement, et la « serrer dans (ses) bras ». Elle a aussi redit aussi son désir de rencontrer le pape. « J’irai au Vatican dès qu’on me dira que je peux embrasser le pape, même si on n’embrasse pas le pape. L’idée de toucher le pape, c’est être un petit peu plus près de Dieu, c’est une façon de dire “merci”. » En ce qui concerne la politique, l’ancienne candidate écologiste à la présidentielle en Colombie a déclaré : « Pour l’instant, je la vois loin. Mais je garde le désir de servir et en particulier de servir les Colombiens. » Ségolène Royal minimise le rôle de Sarkozy et provoque un tollé Se démarquant du climat d’union nationale autour de la libération d’Ingrid Bétancourt, la socialiste Ségolène Royal a déclaré, jeudi, que le président Nicolas Sarkozy « n’était pour rien » dans la libération de l’otage franco-colombienne. Pour elle, la libération est due à « une opération colombienne rondement menée ». De propos qui ont scandalisé la classe politique française, y compris son propre camp. Premier à réagir, le Premier ministre François Fillon a rétorqué que Mme Royal « manquait de dignité » et a estimé que la socialiste se comportait comme « une petite fille dans une cour de récréation ». Vendredi, le porte-parole du parti de droite au pouvoir (UMP) Frédéric Lefebvre a jugé « pitoyable » de « tenter de rompre l’unité nationale » autour de la libération de Mme Betancourt. Les propos de Mme Royal ont également choqué dans les rangs socialistes, où la compétition fait rage avant le congrès du PS prévu en novembre et la désignation d’un nouveau premier secrétaire du parti. L’ancien ministre Jack Lang a estimé que « minimiser » le rôle de Nicolas Sarkozy relevait d’une « rare mesquinerie et d’un manque d’élégance morale ». Des conseillers israéliens impliqués dans l’opération Deux conseillers israéliens ont participé aux préparatifs de la libération par l’armée colombienne des 15 otages détenus par les FARC, a rapporté hier la radio militaire israélienne. La radio ne fournit cependant aucun détail sur leur rôle se bornant à rappeler qu’après sa libération, Ingrid Betancourt a comparé l’opération des forces colombiennes à celles de l’armée israélienne. Selon le quotidien Haaretz, deux officiers supérieurs depuis peu à la retraite, les généraux à la réserve Israël Ziv et Yossi Kuperwasser, dirigent à Bogota une société de conseil en sécurité, employant des dizaines d’anciens membres d’unités d’élite ou des services secrets israéliens. Cette société, Global CST, a décroché un contrat de 10 millions de dollars en Colombie, après un feu vert du ministère de la Défense, pour aider les forces spéciales dans leur lutte contre les FARC, selon Haaretz. « Nous avons fourni aux forces spéciales des moyens sophistiqués pour combattre » la guérilla, a déclaré M. Ziv au quotidien Yediot Aharonot. Selon cet ancien chef des opérations de l’armée israélienne, sa société « est profondément impliquée » dans l’aide aux forces spéciales colombiennes, mais non dans l’opération spécifique. « Nous ne voulons pas être crédités pour une action que nous n’avons pas faite », a déclaré à Haaretz une source proche de la société sous le couvert de l’anonymat. « Nous les avons aidés à combattre le terrorisme, à concevoir des stratégies et leur mise en application. C’est déjà beaucoup, mais il ne faut pas exagérer notre rôle », a-t-elle ajouté. Le porte-parole du ministère israélien de la Défense Shlomo Dror s’est abstenu de confirmer ou de démentir la nouvelle. Il a confirmé toutefois que des « sociétés privées israéliennes dans le domaine de la sécurité opèrent en Colombie avec le feu vert du ministère » tout en déclarant ignorer le détail de leurs opérations. Israël s’est efforcé ces dernières années de contrôler davantage les activités des « sociétés de conseil en sécurité », qui emploient de nombreux anciens militaires susceptibles dans leur nouvel emploi d’impliquer indirectement Israël, suite notamment à la condamnation par un tribunal colombien du mercenaire Yair Klein à 10 ans de prison. M. Klein, actuellement détenu en Russie en attendant son extradition, a été condamné par un tribunal de Manizales (centre-ouest de la Colombie) pour avoir entraîné des groupes paramilitaires (milices d’extrême droite) officiant pour les cartels de la drogue de Medellin dans les années 90. Selon la Radio suisse romande, les FARC auraient touché des millions pour libérer Betancourt Des membres des FARC auraient touché des millions de dollars pour trahir la cause et libérer Ingrid Betancourt et ses 14 compagnons, a affirmé hier la Radio suisse romande (RSR) citant une source « proche des événements, fiable et éprouvée à maintes reprises ces dernières années ». « Les 15 otages ont en réalité été achetés au prix fort, après quoi toute l’opération a été mise en scène », a rapporté la radio publique dans son journal de la mi-journée. La Suisse a été chargée ces dernières années avec l’Espagne et la France, par le président colombien Alvaro Uribe, d’une mission de médiation avec les FARC. Quelque 20 millions de dollars ont été versés aux ravisseurs, a assuré la RSR, précisant que les États-Unis, dont trois agents ont été libérés mercredi, étaient « à l’origine de la transaction ». Interrogé par l’AFP, le chef du service étranger de la RSR, Pierre Bavaud, a précisé que les sommes en question n’étaient pas une rançon stricto sensu, mais auraient servi à « retourner » deux des gardiens des otages. Ces derniers, qui ont été évacués en hélicoptère avec Mme Betancourt, devraient désormais bénéficier d’une amnistie en allant s’installer à l’étranger. « Il existe en Colombie un fonds spécial doté de 100 millions de dollars pour retourner les rebelles des FARC », a expliqué Pierre Bavaud. Selon la RSR, c’est l’épouse de l’un de ces gardiens qui a servi d’intermédiaire pour la transaction, après avoir été arrêtée par l’armée colombienne. Réintégrée au sein des Farc, elle a obtenu de son mari qu’il change de camp, a expliqué la radio. La « mise en scène » de la libération des otages permet, selon la radio suisse, au président Uribe « de s’en tenir à sa ligne qui exclut toute négociation avec les rebelles tant que les otages ne sont pas libérés ». « Ce coup d’éclat lui permet de redorer son blason » alors qu’il a demandé l’organisation d’une élection présidentielle anticipée, selon la RSR. Mercredi, le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos, avait expliqué que la libération des otages avait été le fruit de l’infiltration d’un agent de renseignements au sein de la direction de la guérilla. La France a pour sa part, affirmé hier n’avoir versé aucune rançon à la guérilla des FARC pour la libération d’Ingrid Betancourt. De leur côté, les États-Unis ont révélé jeudi qu’ils étaient au courant que Bogota préparait une opération pour libérer les otages aux mains de la guérilla et ont laissé entendre qu’ils avaient apporté au moins un soutien technique à la Colombie, avec laquelle Washington coopère militairement. « Je ne pense pas que ce que j’ai vu soit une mise en scène », a enfin déclaré Ingrid Betancourt lors d’une conférence de presse hier. Les guérilleros des FARC n’ont jamais été aussi faibles Les guérilleros des FARC n’ont jamais été aussi faibles que depuis la libération des 15 otages, témoignaient hier les otages qui ont retrouvé la liberté. « Il est inexact de dire que les Forces armées révolutionnaires de Colombie sont en déroute mais elles sont très affaiblies », a déclaré Ingrid Betancourt lors d’une rencontre mercredi soir avec le président Alvaro Uribe. « La logistique (de la guérilla) connaît actuellement d’énormes difficultés. Depuis ces derniers mois, nous ne mangions plus de fruits frais et de légumes. Les bottes qu’ils nous donnaient pour les marches étaient usées et éculées et enfin nous vivions dans des cabanes dévastées ou dans des tentes reprisées qu’il fallait en permanence recoudre. Les sous-vêtements faisaient défaut », raconte l’otage, considérée par les FARC comme un trésor de guerre. « Beaucoup de guérilleros parmi nos geôliers nous avouaient qu’ils en avaient marre de cette vie et qu’ils voulaient se démobiliser », raconte l’un des officiers libéré mercredi. Les chiffres des effectifs des FARC sont sujets à caution. Les organismes de sécurité estiment qu’au début de la décennie, la guérilla mobilisait environ 17 000 recrues. Mais en janvier dernier, le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos a affirmé qu’elle avait perdu la moitié de ses troupes, ne comptant désormais plus que 6 000 à 8 000 rebelles, après une vague de captures et de désertion. Pire, les trois derniers mois les numéros un et deux des FARC, Manuel Marulanda et Raul Reyes sont morts, le premier de causes naturelles, le deuxième suite à une opération militaire colombienne controversée en territoire équatorien. Carlos Eduardo Jaramillo, ancien médiateur de l’ex-président André Pastrana (1998-2002), soutient que les rebelles « doivent réévaluer leur situation à la lumière » des derniers développements, qu’il s’agisse des morts de leurs dirigeants ou des désertions massives. « Les FARC ne peuvent plus continuer à avoir recours aux prises d’otages comme arme politique », dit-il. Selon différentes sources, les FARC détiendraient encore 24 otages dits « politiques » et 350 à 700 autres otages. Carlos Lozano, le directeur de l’hebdomadaire communiste Voz, affirme que « ce dernier coup dur, illustre la démoralisation de la guérilla, mais qu’il ne s’agit pas de la fin » du mouvement rebelle. Des experts militaires européens ayant requis l’anonymat estiment que les différents fronts des FARC, jusqu’à présent organisés avec une structure très centralisée, sont actuellement totalement isolés. Depuis l’élimination de Raul Reyes, les guérilleros n’utilisent pratiquement plus leur dispositif de communication interne de crainte d’être repérés. Le harcèlement de l’aviation, omniprésente, selon les mêmes sources, contribue aussi à créer un climat d’insécurité parmi les guérilleros qui vivent dans des conditions éprouvantes au milieu de la jungle. Enfin, les récentes désertions massives, et l’infiltration réussie d’agents de renseignements de l’armée au sein des groupes de rebelles, contribuent à la démoralisation des troupes.
C’est avec beaucoup d’émotion qu’Ingrid Betancourt a retrouvé la France hier, trois jours après avoir été libérée. Lors de multiples conférences de presse, elle a loué le rôle de la France et déclaré son amour pour sa deuxième patrie.

«Je rêve depuis sept ans de vivre ce moment. C’est un moment très, très émouvant pour moi : respirer l’air de la France,...