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Le bon plan ? Marwan EL-TIBI

Sans entrer dans le détail des comptes d’apothicaire auxquels se livrent nos chers politiciens, il semblerait que l’avenir de la nation soit en train de se jouer sur un portefeuille ministériel en plus ou en moins aux mains de l’opposition ou de la majorité. Bien que ce type de pratiques soit plus digne de parrains du « milieu » que d’hommes politiques responsables, une solution pourrait consister en la création d’un nouveau ministère. Après tout, le regretté Rafic Hariri n’avait-il pas recouru à ce stratagème lors de ses premières missions de formation de gouvernement ? Les ministères étaient alors au nombre de 40 pour satisfaire le plus grand nombre de parties prenantes du paysage politique libanais et l’allusion à Ali Baba en faisait sourire plus d’un. Cela dit, c’était en effet un moyen identifié par l’un des hommes politiques les plus habiles qu’a connus notre pays, pour éviter de s’engager dans des débats sans fin qui auraient ralenti la dynamique économique qu’il avait lancé. Il est vrai aussi qu’en ce temps-là, une petite convocation de l’autre côté de l’Anti-Liban, avait vite fait de convaincre les plus réticents de se mettre au pas sans trop discuter. Pour en revenir à notre sujet du moment, qui fait de nous une fois de plus la risée des pays arabes et occidentaux, et pour essayer de trouver une solution interne dans le cadre des institutions, comme se plaisent à dire de concert les belligérants du conflit libanais, la nécessité de créer un nouveau ministère s’impose. En fait, et pour être honnête, c’est une idée qui avait déjà germé dans l’esprit du général Aoun, lorsque, dans l’une de ses déclarations alors qu’il était encore en exil, il disait être décontenancé par le fait qu’il n’y ait jamais eu de ministère du Plan dans l’histoire des gouvernements du Liban. Mais quel est exactement le rôle d’un ministère du Plan ? Est-ce un ministère régalien ? Telles seront probablement les premières questions de nos épiciers politiciens, plus soucieux de savoir si un tel ministère leur serait utile lors des prochaines élections, ou s’il leur donnerait un quelconque prestige, que de savoir à quoi pourrait servir un organe transverse de coordination des actions du gouvernement. Ce ministère a souvent été utile aux pays qui s’apprêtent à mener de grands travaux de reconstruction et de réhabilitation à la suite d’une période de guerre. Un des exemples les plus classiques que l’on peut donner est celui de la France, après la Seconde Guerre mondiale (rien que ça !). En Allemagne, à la même époque, ce ministère portait carrément le nom de « ministère du Plan Marshall ». C’est dire l’importance qu’a eue cette institution dans les travaux de reconstruction de l’Allemagne de l’Ouest. Sans pousser jusqu’à appeler un tel département ministère du Plan Paris III, l’argument devrait suffire au Courant patriotique libre du général pour être convaincu qu’il s’agit là d’un véritable outil capable de lui donner les moyens de mettre en œuvre le talent organisationnel de ses cadres dirigeants. Dans plusieurs pays africains comme le Sénégal, le Mali ou le Congo, un tel ministère est souvent à double vocation. Il porte parfois le nom de ministère du Plan et de l’Aménagement du territoire. Bien que l’aménagement du territoire soit une fonction qui manque cruellement aux gouvernements libanais qui se sont succédé depuis la fin de la guerre civile, nous ne nous attarderons pas davantage sur ce rôle secondaire d’un éventuel ministère du Plan. Abordons plutôt les aspects pratiques de cette solution, si c’en est une. Ce ministère pourrait être installé dans un premier temps au Sérail, qui ne manque pas de place. Son budget serait assuré par les contributions de l’ensemble des ministères et dont les montants seraient décidés par le Conseil des ministres, puisque finalement la mission principale de ce ministère serait de limiter les gaspillages dus au manque de coordination entre les différents projets du gouvernement ainsi qu’au manque de supervision et de suivi des grands chantiers. Ce sont peut être des propositions hâtives et naïves, mais elles ont le mérite d’exister. Combien de fois avez-vous été témoin dans votre quartier à Beyrouth ou ailleurs de ces fameux chantiers qui se succèdent sur le même tronçon de route ou dans la même rue, avec creusement de tranchées, rebouchage et asphaltage pour chaque type d’intervention (canalisation, téléphone, électricité). Combien de fois vous êtes-vous révoltés en vous demandant s’il y avait quelqu’un de sérieux au sein de la République pour essayer de faire en sorte que l’on creuse une tranchée, une seule fois pour toutes les interventions ? Et encore, si cette politique de « Creusez des trous et rebouchez-les » était fidèle à la pensée keynésienne, et créait de l’emploi plutôt que des commissions occultes. Peut-être qu’alors, nous aurions compris à quoi rime ce chaos ambiant qui règne dans les rues de la capitale et dans les grands axes la reliant aux autres villes du pays. Concrètement, une des missions de ce ministère serait de superviser un tant soit peu ce type de travaux sur tout le territoire. Avouez que comme moyen d’allécher les électeurs on peut difficilement trouver mieux. Ainsi tout le monde devrait y trouver son compte, en commençant par le nouvel ordre national, qui consiste à partager le gâteau de manière bien déterminée entre le président de la République, la majorité et l’opposition. Le président garde ses deux ministères régaliens, le 14 Mars garde la majorité ainsi qu’un ministère régalien, le président du Parlement ne se voit pas dans l’obligation de faire des concessions, et le principal parti chrétien d’opposition peut se targuer d’être également aux commandes d’un superministère… Quant au citoyen, tout en bas de l’échelle des priorités, il pourrait modestement espérer que l’on se préoccupe un peu plus de son quotidien. Article paru le mardi 01 juillet 2008
Sans entrer dans le détail des comptes d’apothicaire auxquels se livrent nos chers politiciens, il semblerait que l’avenir de la nation soit en train de se jouer sur un portefeuille ministériel en plus ou en moins aux mains de l’opposition ou de la majorité.
Bien que ce type de pratiques soit plus digne de parrains du « milieu » que d’hommes politiques responsables,...