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Actualités - CHRONOLOGIE

« Poule aux œufs d’or » du Trésor ou secteur économique porteur, les politiques devront trancher La guerre des cellulaires aura-t-elle lieu ? Sahar AL-ATTAR

Le refus de la privatisation de la téléphonie mobile, clamé haut et fort par Hassan Nasrallah il y a quelques mois, s’inscrivait-il dans le cadre du conflit politique entre les deux camps, ou était-il motivé par une certaine logique ? La méfiance de l’opposition en général à ce sujet disparaîtra-t-elle avec la formation d’un gouvernement d’union nationale ? L’État doit-il conserver sa poule aux œufs d’or ou développer le secteur ? De ces réponses dépendra l’avenir de la téléphonie mobile au Liban. Avec le taux de pénétration le plus faible de la région après l’Iran, l’Égypte et la Syrie, et les tarifs parmi les plus élevés, il est difficile d’accepter que le Liban se permette encore le luxe de ne pas réformer le secteur. D’autant que les exemples de libéralisation réussie dans les pays voisins ne manquent pas. Pendant ce temps, au pays du Cèdre, l’État détient deux réseaux qui offrent des services de faible qualité et à des prix exorbitants. Ils sont gérés par deux sociétés n’ayant aucun pouvoir sur les tarifs, ni sur la politique d’investissement, mais qui ont transféré l’année dernière plus de 1,1 milliard de dollars au Trésor. Parallèlement, au regard de sa situation financière de ces dernières années, l’État n’a pas effectué d’investissements significatifs pour développer le réseau et accroître sa capacité. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi aucun gouvernement n’a cédé à la pression populaire en faveur d’une baisse des prix, de peur d’une croissance ingérable du nombre d’abonnés. Il faut savoir aussi que les sociétés de gestion n’ont aucune obligation en matière de communication sur les tarifs officiels, favorisant le développement d’un marché noir à chaque saison touristique. Que ces distorsions soient dues à la situation de duopole public sur le marché ne fait aucun doute, tous les partis s’accordant sur la nécessité de libéraliser le secteur. Mais libéralisation ne veut pas dire privatisation, rétorquent certains, qui appellent à injecter une dose de concurrence à travers l’octroi d’une troisième licence. Pour l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), l’entité responsable de veiller au respect de la (future et éventuelle) concurrence, cette option n’est pas envisageable. Étant elle-même une institution étatique, elle ne sera pas en mesure d’imposer ses règles au ministère des Télécommunications. Chargée en 2007 de préparer la libéralisation du secteur, l’ART a donc préconisé la privatisation des deux tiers des deux opérateurs existants, le tiers restant devant être offert au public à travers une introduction en Bourse. Dans un premier temps, cela permettra de moderniser les réseaux, sachant que le cahier des charges prévoit des engagements des futurs opérateurs en termes d’investissements. Concernant les tarifs, seule l’entrée ou la perspective d’entrée d’un troisième opérateur pourrait pleinement faire jouer la concurrence. Une troisième licence sera ainsi réservée à la future Liban Télécom, la version améliorée d’Ogero. La « corporatisation » d’Ogero vise à dégager l’entité publique de l’emprise du ministère des Télécoms et la faire fonctionner comme une société privée, dans laquelle un investisseur stratégique participera à hauteur de 40 % dans les deux ans suivant sa création, initialement prévue en 2008. Encore faut-il que Liban Télécoms voie le jour, des blocages politiques pouvant intervenir, avec les traditionnels marchandages, sur les nominations, par exemple. Au pire des cas, si le projet s’éternise, l’ART s’est octroyé le droit de céder la troisième licence à un autre opérateur, ou d’imposer, en attendant, des amendes aux opérateurs existants en cas d’entente illicite sur les prix ou d’entraves aux règles de la concurrence. L’indépendance et l’existence même d’une Autorité de régulation (dont le conseil d’administration a un mandat non renouvelable de 5 ans et qui doit s’autofinancer grâce aux contributions des opérateurs) sont censées garantir que l’expérience douloureuse dans ce domaine ne se réitérera pas. Pour faire face aux intentions de corruption prêtées à certaines parties, l’ART a prévu une série de règles drastiques devant garantir la transparence du processus. Reste un choix politique crucial : celui de l’avenir du secteur et sa place dans l’économie libanaise. Dans d’autres pays, la téléphonie mobile a pris une place prépondérante, en créant des emplois, en favorisant l’émergence de diverses activités périphériques et en stimulant l’activité. L’un des arguments principaux, et parfaitement valables, des opposants à la privatisation demeure le volet financier. Qualifié par certains de « pétrole du Liban », le secteur des cellulaires est devenu la vache à lait du Trésor – sachant que l’argent provient tout de même des poches des citoyens. Le manque à gagner est toutefois considérable pour un État en déficit chronique, bien que l’option d’un partage des revenus des opérateurs à hauteur de 10 % reste sur la table et que la croissance attendue de la pénétration doive générer davantage de TVA, sans parler de l’impact des recettes de la privatisation sur la dette. Mais ce n’est pas pour rien que la privatisation s’inscrit dans le cadre d’un programme de réformes, qui prévoit notamment une hausse de la TVA et de la taxe sur les taux d’intérêt. Les réformes seront globales ou ne seront pas. Si la guerre des cellulaires a lieu, cela donnera donc le ton pour le reste. Et vice versa.
Le refus de la privatisation de la téléphonie mobile, clamé haut et fort par Hassan Nasrallah il y a quelques mois, s’inscrivait-il dans le cadre du conflit politique entre les deux camps, ou était-il motivé par une certaine logique ? La méfiance de l’opposition en général à ce sujet disparaîtra-t-elle avec la formation d’un gouvernement d’union nationale ? L’État doit-il...