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Paris, Saïgon, Berkeley, Prague, Varsovie, Berlin... 1968, l’année où la planète s’agite Émilie SUEUR

Guerre du Vietnam, mouvement des droits civiques, révolte parisienne, printemps de Prague... L’année 1968 fut de celles dont on estime qu’elles ont marqué un tournant à l’échelle mondiale. L’année 1968 commence bien loin du Quartier latin. Elle commence au Vietnam avec, le 31 janvier, l’offensive du Têt. Pour les Américains, en guerre contre les Vietcongs communistes, c’est le début de la fin. Si l’offensive est un échec militaire, politiquement, elle porte un coup dur à l’administration du président Lyndon Johnson. Alors que Washington assurait maîtriser la situation, l’attaque de grande envergure lancée par les Vietcongs casse le mythe. Aux États-Unis, l’opposition à la guerre, qui avait déjà débuté sur les campus américains quatre ans plus tôt au cri de « Faites l’amour pas la guerre », prend un nouvel élan et s’étend même à l’Europe et au Japon où sont stationnés des bombardiers américains. Quelques mois plus tard, l’US Army dérape dans le sang, avec le massacre de My Lai, au cours duquel des soldats américains tuent entre 400 et 500 civils. Le 13 mai, les pourparlers de paix de Paris commencent entre Américains et Nord-Vietnamiens. Aux États-Unis, dans le sillage de l’opposition à la guerre du Vietnam, un autre vent de la révolte se lève. La révolte pour le droit des Afro-Américains. Une grogne qui atteint son paroxysme avec l’assassinat, le 4 avril à Memphis, du pasteur Martin Luther King. L’assassinat du leader noir entraîne de violentes émeutes à Chicago, Baltimore et Kansas City. Plus de 40 personnes trouvent la mort. Le 16 octobre, sur le podium des Jeux olympiques de Mexico, deux athlètes noir-américains, John Carlos et Tommie Smith, lèvent leur poing ganté de noir, lors de la remise des médailles du 200 m. 1968 est également l’année de la jeunesse. Une jeunesse qui, à travers le monde, exprime dans les rues sa soif d’exister. Mais alors qu’à Paris, Turin ou Berkeley, les jeunes gens manifestent contre l’autorité (du père, du prof ou du gouvernement), à Prague ou Varsovie, ils protestent contre l’autoritarisme. Les premiers veulent l’accès au dortoir des filles, une libéralisation des mœurs, quand les seconds ont soif de démocratie. La contestation gronde notamment dans les universités allemandes. Elle explosera avec la tentative d’assassinat le 11 avril du meneur estudiantin Rudi Dutschke. Berlin devient le théâtre d’émeutes qui s’étendent rapidement à des dizaines de villes allemandes. En France, le vent de la révolte se lève dès le 22 mars à l’université de Nanterre. Il reprend en avril avant de se déplacer à Paris. L’agitation tourne à l’insurrection au Quartier latin dans la nuit du 10 au 11 mai. Progressivement, le mouvement s’étend aux travailleurs. Mi-mai, une grève générale paralyse l’Hexagone. Dans la Sorbonne occupée, les slogans fleurissent : « L’imagination au pouvoir », « Il est interdit d’interdire ». À l’Est, le 8 mars, des étudiants polonais affrontent la police à Varsovie après l’interdiction d’une pièce jugée antisoviétique. En Tchécoslovaquie, le premier secrétaire du Parti communiste élu le 3 janvier, Alexandre Dubcek, énonce en avril des propositions de réformes libérales et évoque un « socialisme à visage humain ». Deux mois plus tard, le pacte de Varsovie lance ses manœuvres politiques. Le 25 juin, le Parlement adopte une loi sur la réhabilitation des condamnés politiques. Deux jours plus tard, il abolit la censure. Moscou condamne fermement. Le 20 août, les mots laissent la place aux actes. Les chars des armées des cinq pays du pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie. Alexandre Dubcek et plusieurs de ses collaborateurs sont emmenés de force en URSS. Quand le vent de la révolte s’essouffle, c’est l’ordre qui est rétabli. En France, le général de Gaulle remporte facilement les élections législatives en juin. Le printemps de Prague est écrasé et les leaders estudiantins polonais croupissent en prison. Aux États-Unis, Richard Nixon est élu président en novembre. Mais 40 ans plus tard, le rideau de fer est tombé, un Noir-Américain pourrait bien entrer dans quelques mois à la Maison-Blanche, l’homosexualité et la contraception sont entrées dans les mœurs dans de nombreux pays. L’autorité est un concept beaucoup plus flou et plus discuté, dans les démocraties du moins. Mais, si les grandes idéologies ont perdu beaucoup de terrain, l’autoritarisme continue de s’épanouir. D’autres lignes de fractures sont apparues, religieuses ou ethniques, d’autres angoisses aussi, concernant le terrorisme, le réchauffement climatique. En 1968, on cherchait la plage sous les pavés ; le monde est encore loin de l’avoir trouvée.
Guerre du Vietnam, mouvement des droits civiques, révolte parisienne, printemps de Prague... L’année 1968 fut de celles dont on estime qu’elles ont marqué un tournant à l’échelle mondiale.
L’année 1968 commence bien loin du Quartier latin. Elle commence au Vietnam avec, le 31 janvier, l’offensive du Têt. Pour les Américains, en guerre contre les Vietcongs...