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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL BIPOD - Au Masrah al-Madina (Hamra) «La société» de Jo Stromgren Co, merveilleusement délurée et délirante…

À voir sur scène trois mecs en costume et cravate, sirotant un café devant un comptoir à l’allure d’un cercle très fermé britannique style collé monté, on aurait cru, bien à tort, qu’on allait mourir d’ennui…Eh bien non, miracle et imprévu du coup de théâtre, très vite l’atmosphère se délie et s’établit, en toute fraîcheur et ingénuité, une décontraction merveilleusement délurée et délirante… Entre absurde «?ionescien?», folie d’un langage tout en borborygme et onomatopée («?une communication nonsensicale?», précise l’auteur dans un néologisme hermétique) et surtout quelques pas de danse parodiant, en toute souplesse et talent, les moments forts de toute expression corporelle, voilà que La société de Jo Stromgren Co s’offre en pâture aux spectateurs…Une société aux tics hystériques et aux manies profondes prend admirablement et avec un humour corrosif et très pince-sans-rire chair et vie sous les feux de la rampe… Ni théâtre ni danse, mais un mélange farfelu et subtil de deux mondes pour témoigner d’un troisième, le nôtre. La société en question, selon le chorégraphe norvégien Jo Stromgren, dans le cadre du festival Bipod sur les planches du Masrah al-Madina, est justement cet attachement indéfectible à une valeur occidentale?: le café…Une tasse de café à l’arôme suave pour un rituel immuable. Avec des accessoires (futiles mais indispensables) allant du réchaud à fil incandescent à la cafetière, ou bouilloire, italienne, en passant par un fauteuil, une radio et une lampe pour lire. Le tout s’érige en une servitude d’un cérémonial célébrant, en toute pompe risible et vaine, une culture et un «?way of life?»… Et comment expliquer la trahison lorsque, parmi ces impénitents et indéfectibles buveurs de café du Brésil ou de Colombie, on découvre un traître dont les préférences pour le thé sont évidentes?? Remue-ménage bruyant et rififi incontrôlé dans ce club de «?caféistes?» irréductibles quand Mao Tsé-Toung et la Chine font leur entrée triomphale avec soupçon d’un agent de contre-espionnage... Histoire simple qui se corse en s’ouvrant à des horizons lointains. Choc de deux cultures… Hilarant choc et confrontation de deux civilisations où le kung-fu, le taekwondo et l’art martial deviennent source d’inspiration (et cascade de rires pour les spectateurs) pour un ballet à couper le souffle, sur un ton de souveraine dérision, réglé brusquement avec l’hallucinante précision d’un métronome. Trois drôles de mecs au bagout «?néanderthalien?» dans un texte percutant à force d’onirisme et de surréalisme, mais aussi une époustouflante capacité à exprimer par la danse situations diverses et riche palette d’états d’âme. Le tour est alertement et adroitement joué dans cette étincelante parodie, menée tambour battant, qui ne recule ni devant l’ironie, ni les excès burlesques, ni la bouffonnerie, ni les clowneries, ni les fantaisies de certaines improvisations. Sur des airs de variétés voués à l’hommage aux chansons de Charles Aznavour (d’Espéranza à la Mamma, en passant par Hier encore), la danse, magnifiée par un humour mordant, a son mot à dire. En gestes convulsifs ou acrobaties périlleuses, elle s’exprime sur un tempo futé où le corps a son éloquence, mais avec des accents elliptiques qui ne frisent jamais la lourdeur de ce qui est grave ou dramatique. Entre gugusses, zouaves et sbires rompus au métier d’acteurs et de danseurs, formidable conciliation pour toute présence et performance scénique, les «?actants?» de cette délicieuse et décapante narration brûlent littéralement les planches. Enjeu de ce spectacle aux références culturelles multiples?allant de l’obsession de la production industrielle à l’invasion des gadgets de l’empire où le soleil ne se couche jamais ? Dénoncer, sans aucun aspect moralisant, les divertissements de société et permettre à la scène, dans un sens festif, ludique et presque innocent, de devenir le lieu de questionnement sur le comportement de la condition humaine. Sans réponse aucune, bien entendu, car la neutralité du ton est une composante essentielle de ce spectacle au-delà de tout parti pris... Reste toutefois un moment de scène ahurissant, décoiffant, survitaminé, profondément tonique. Edgar DAVIDIAN
À voir sur scène trois mecs en costume et cravate, sirotant un café devant un comptoir à l’allure d’un cercle très fermé britannique style collé monté, on aurait cru, bien à tort, qu’on allait mourir d’ennui…Eh bien non, miracle et imprévu du coup de théâtre, très vite l’atmosphère se délie et s’établit, en toute fraîcheur et ingénuité, une...