Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

LÉGISLATIVES ITALIENNES - Il Cavaliere est devenu un opposant légitime pour la gauche Le Berlusconi 2008 joue la prudence et la modération Antoine AJOURY

À moins d’une surprise de dernière minute, toujours possible en Italie, il semble à peu près acquis que le chef incontesté de la droite italienne, le richissime homme d’affaires Silvio Berlusconi, remportera les législatives des 13 et 14 avril. Les derniers sondages gratifiaient en effet le parti de l’ancien chef du Conseil italien, Peuple des libertés (PDL), d’une avance de 6 à 7 points sur le Parti démocrate (PD), dirigé par l’ancien maire de Rome, Walter Veltroni. Battu de justesse, il y a à peine deux ans, par Romano Prodi, Silvio Berlusconi devrait donc prendre sa revanche en revenant au pouvoir pour la troisième fois (il a aussi perdu deux fois). Si son parti est quasiment assuré de décrocher la majorité à la Chambre, la bataille pour le Sénat demeure incertaine en raison, notamment, d’un mode de scrutin dont certains estiment qu’il rend le pays ingouvernable. «?La loi électorale est incontestablement une des raisons de l’instabilité politique en Italie. En particulier la dernière loi faite par les amis de Berlusconi. Une loi qui a abouti à une situation aujourd’hui confuse?», estime Marc Lazar, professeur des universités à l’IEP de Paris, qui dirige le groupe de recherche sur l’Italie contemporaine au CERI. «?La nouvelle loi est totalement proportionnelle, ce qui a permis à des partis très minoritaires d’accéder au Parlement et de monnayer leur soutien à la majorité gouvernementale. Le dernier gouvernement, dirigé par Romano Prodi, a été mis en minorité à cause de la défection de quelques sénateurs d’un parti très marginal. Le poids de ces partis dans le jeu parlementaire est considérable par rapport à leur représentativité politique. C’est une des causes majeures de l’instabilité?», affirme de son côté Jean-Louis Briquet*, directeur de recherche à Sciences Po Paris. «?Cela dit, cette instabilité est aussi le fait du rapport de force entre la coalition de centre-gauche et celle de centre-droit. Aux dernières élections, le centre-gauche n’a gagné qu’avec une très faible avance (25?000 voix) à la Chambre des députés et a été même minoritaire en voix au Sénat. Ce quasi-équilibre explique que les dispositions de la loi électorale pour assurer des majorités gouvernementales solides (la coalition arrivée en tête dispose d’une prime majoritaire de plusieurs députés) n’ont pas pu fonctionner?», précise-t-il. Président du Conseil italien pendant cinq ans – un record – de 2001 à 2006, après un premier mandat éphémère de mai 1994 à janvier 1995, Silvio Berlusconi semble, lui, bien stable sur la scène politique italienne. Depuis son entrée fracassante en politique en 1993, «?Il cavaliere?» a trouvé les ressources pour survivre à bien des difficultés. Mais pour Marc Lazar, «?le Berlusconi de 2008 est différent. En 1994, quand l’homme d’affaires accède au pouvoir, il se pose en dénonciateur de la politique. Quelques mois plus tard, il est poussé à démissionner. En reprenant les rênes du pouvoir en 2001, il a une approche beaucoup plus politique, il met en place une coalition plus stable qui va durer pendant 5 ans. Mais il reste dur avec l’opposition. En 2008, l’homme est plus prudent, il est plus modéré. Il n’a pas fait de promesses inconsidérées?». En fait, Silvio Berlusconi est aujourd’hui pleinement conscient de la difficulté de gouverner l’Italie, surtout dans le contexte économique actuel. «?Nous devrons faire beaucoup de choses impopulaires?», déclarait récemment celui qui auparavant promettait des «?miracles?». Même la campagne électorale fut «?insipide?», selon la presse. Loin des polémiques et des déclarations tonitruantes, M. Berlusconi a en effet mené une campagne électorale en demi-ton, attaquant rarement ses adversaires, alors qu’il le faisait copieusement dans le passé. «?Il veut se présenter comme un homme plus respectable?», juge Marc Lazar, qui estime que l’enjeu principal de ce scrutin est l’aptitude de Silvio Berlusconi à maintenir cette attitude après les élections. «?Berlusconi a en effet été impliqué dans de nombreuses affaires judiciaires, notamment pour des faits de corruption, depuis son entrée en politique, rappelle Jean-Louis Briquet. Il faut noter à ce propos que toutes ces affaires se sont conclues en sa faveur par des acquittements (dont certains grâce à la prescription des faits) ; mais aussi que plusieurs de ses proches collaborateurs ont été condamnés dans certaines de ces affaires. La gauche italienne a pendant un temps utilisé ces affaires contre Berlusconi : elle a dénoncé son “incapacité à gouverner l’Italie”. Mais la gauche a renoncé aujourd’hui à mettre en avant ces accusations. On le voit bien dans la campagne électorale actuelle, où ce type d’argument n’est plus utilisé contre Berlusconi. Ce dernier est devenu un opposant légitime pour la gauche et non plus, comme elle le considérait parfois auparavant, un outsider à marginaliser ou à exclure. En ce sens, ce n’est pas la personne de Berlusconi qui constitue un risque pour la stabilité politique de l’Italie?». Concernant, par ailleurs, la politique étrangère de l’Italie, Marc Lazar reste très prudent?: «?La campagne électorale était très italo-italienne. Les questions européennes et internationales y étaient quasiment absentes. Il faut attendre la désignation du nouveau ministre des Affaires étrangères pour savoir comment sera la politique extérieure de Berlusconi.?» Là aussi, l’éventuel succès du milliardaire italien sera scruté attentivement. «?Berlusconi souffre d’un manque de crédibilité sur le plan européen et international. Il a pris des positions qui ont irrité ses partenaires européens dans le passé, contrairement à Romano Prodi qui a une stature irréprochable sur la scène internationale. Silvio Berlusconi doit se refaire une crédibilité?», estime Marc Lazar, ajoutant que Berlusconi «?sera tenté de marquer une coupure avec la politique de Prodi, mais le rapprochement avec les États-Unis n’est pas automatique, surtout si les démocrates gagnent la présidentielle américaine. La situation serait alors plus compliquée?». * Jean-Louis BRIQUET vient de publier Mafia, justice et politique en Italie. L’affaire Andreotti dans la crise de la République, Paris, Khartala, 2007.
À moins d’une surprise de dernière minute, toujours possible en Italie, il semble à peu près acquis que le chef incontesté de la droite italienne, le richissime homme d’affaires Silvio Berlusconi, remportera les législatives des 13 et 14 avril. Les derniers sondages gratifiaient en effet le parti de l’ancien chef du Conseil italien, Peuple des libertés (PDL), d’une avance de 6 à 7...