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Actualités - REPORTAGE

Un temple de l’architecture Art déco, vitrine des cultures orientales La villa Empain, à Bruxelles, siège international de la Fondation Boghossian

Robert Boghossian, ses fils Jean et Albert, joailliers-diamantaires depuis quatre générations, sa fille Mary Boghossian Salamé, ont choisi d’ancrer leur fondation au cœur de Bruxelles, la capitale de l’Europe. Ils viennent d’acquérir un joyau du patrimoine Art déco, la villa du baron Louis Empain, construite dans les années trente par l’architecte suisse Michel Polak. La fondation, qui œuvre depuis quinze ans à l’amélioration des conditions de vie des jeunes en Arménie et au Liban, a décidé de mettre la barre plus haut et d’élargir son champ d’activités en transformant la villa Empain en un sanctuaire de dialogue entre l’Orient et l’Occident. «?Dans le contexte de la mondialisation et de la tension politique actuelle, il nous a semblé essentiel de dynamiser les échanges culturels, artistiques, pédagogiques et scientifiques », explique Jean Boghossian, président de la fondation, soulignant que «?l’art et la création représentent le seul langage universel à travers lequel on peut communiquer sans s’affronter. Notre famille est issue d’un peuple qui a souffert, nous avons réussi professionnellement et nous voulons apporter quelque chose à ce monde en marche. Si la villa Empain peut devenir le siège d’une sorte d’ambassade des cultures orientales dans la capitale de l’Europe, nous aurons réalisé notre objectif?». La Fondation Boghossian installera donc son siège international dans la villa Empain, qui, avec le palais Stoclet, est certainement l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de l’architecture Art déco à Bruxelles. Planté au milieu de 7?500?m2, le bâtiment est doté d’une conciergerie et d’un jardin entourant une piscine agrémentée d’une pergola. Ses façades en granit poli et aux lignes simples abritent des intérieurs qui se distinguent par le raffinement de leurs détails et la diversité de leurs matériaux particulièrement luxueux (marbres, bronze, bois précieux et ferronneries). Sur 2?300?m2 se déploient différentes variétés de marbre (onyx, Escalette, Bois-Jourdan), créant des effets de polychromie remarquables. De même, les menuiseries ont recours à différents bois précieux, comme le palissandre, l’acajou de cuba massif ou encore le noyer strié. L’immeuble est équipé d’un système de verrières pour contrôler l’éclairage intérieur. Un remarquable plafond en forme de Voie lactée a été créé par deux artistes français de renommée internationale, Max et Paule Ingrand, respectivement maître-verrier et peintre. Classée monument historique, la villa, laissée à l’abandon depuis 1990, est actuellement en cours de restauration. C’est donc dans ce cadre au cachet magnifique que la Fondation Boghossian prendra ses quartiers et déploiera ses activités. Les lieux seront animés en permanence par des expositions thématiques et temporaires d’œuvres provenant de différentes collections publiques ou privées et accompagnées de publication d’ouvrages ou de brochures. «?Ces manifestations permettront de développer des échanges avec les pays d’origine des collections et à s’enrichir de ce dialogue permanent.?» Des concerts, des ateliers, des conférences et des séminaires à vocation interdisciplinaire, des projections de films et d’autres événements à caractère culturel, pédagogique ou scientifique, visant à sensibiliser le public et à redéfinir le regard qu’il porte sur l’autre, figurent également au programme. Un espace sera consacré à la documentation?: des publications de références, des livres, des revues spécialisées, des articles de presse et des documents iconographiques. Les cimaises accueilleront aussi les réalisations de jeunes peintres et sculpteurs et un «?prix annuel?» sera attribué à des réalisations qui prônent le pluralisme, élément-clef de la cohésion sociale. En résumé, «?nous voulons que ce centre devienne un lieu d’excellence et un véritable catalyseur du dialogue entre l’Orient et l’Occident?», dit Jean Boghossian, ajoutant que « le rôle de la fondation, en particulier à travers l’art et la création, sera mis en exergue dans l’élaboration des stratégies conduisant à une interaction, à une ouverture d’esprit, et par conséquent à un vivre-ensemble plus harmonieux. Le dialogue est l’outil indispensable pour assurer la compréhension et la confiance mutuelle?». Les Boghossian qui, au fil des ans, ont collectionné quelque 800 pièces de joailleries-orfèvreries, vont aussi investir dans des œuvres modernes et contemporaines, «?significatives en matière d’arts décoratifs et de design?». D’autre part, pour étendre leurs activités, ils se sont portés acquéreurs de la villa Bernheim jouxtant la villa Empain. «?Nous l’avons achetée avant tout pour le terrain, pour y faire construire un centre d’art contemporain qui aura pour vocation de s’ouvrir à toutes les formes de créativité en provenance d’Orient et d’Occident?», indique Jean Boghossian, laissant comprendre que le nouvel ouvrage sera conçu par une grosse pointure de l’architecture, Zaha Hadid. Entre-temps, les conciergeries des deux villas seront jumelées et transformées en résidences pour accueillir artistes, chercheurs et étudiants qui pourraient suivre des stages de formation dans des institutions locales. À cette fin, des conventions ont été signées avec l’Université libre de Bruxelles, l’École supérieure des arts visuels et l’École d’architecture de la Cambre. Le centre, tourné vers l’avenir et la création, sera dirigé par la Bruxelloise Diane Hennebert, ancienne directrice de l’Atomium, passionnée d’art et d’urbanisme. L’aventure esthétique débutera en automne 2009, mais en attendant, «?la fondation continuera à jouer son rôle en Arménie et au Liban où les besoins restent considérables dans les domaines pédagogique, culturel et social?», précise Albert Boghossian, trésorier et membre fondateur. Un comité de célébrités Pour mettre à exécution les idées qu’elle entend développer, la fondation a mobilisé des professionnels de renom parmi lesquels Werner Adriaenssens, conservateur du département des Arts décoratifs des Musées royaux d’art et d’histoire du Cinquantenaire à Bruxelles?; Marie-Claude Beaud, directrice du musée d’Art contemporain Grand-Duc Jean à Luxembourg?; Francis de Beir, fondateur de la Fondation Hélène de Beir à l’université John Hopkins aux États-Unis et administrateur de l’association Médecins sans frontières?; Bruno Maquart, directeur général de l’agence France-Museums et ancien directeur général du centre Georges Pompidou à Paris (jusqu’en septembre 2007 )?; Béatrice Salmon , directrice du musée des Arts décoratifs à Paris?; Willy Van den Bussche, conservateur en chef du musée d’Art moderne d’Ostende?; Anne Van Loo, secrétaire générale de la commission royale des monuments et sites de la région de Bruxelles-Capitale?; Alexandre von Vegesack, directeur du musée Vitra à Weil, en Allemagne?; Bernard Coulie, recteur de l’Université catholique de Louvain et président de l’Association des universités francophones de Belgique, mais la liste est longue. Juste retour des choses En 1937, Louis Empain fait don de la villa à l’État belge pour y créer un musée des Arts décoratifs. Ce qui sera fait. Mais lors de la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment est squatté par la Gestapo. Ensuite, à l’initiative de Premier ministre belge, Paul-Henri Spaak, c’est l’ambassade de Russie qui s’y installe, ce qui va déplaire au généreux donateur. La famille Empain récupère la villa dans les années 60 et y organise des expositions prestigieuses d’antiquaires. L’immeuble sera ensuite le quartier général de la RTL-Télévision, puis utilisé pour des prises de vue cinématographiques. À un moment, il y a eu le projet d’installer le musée Tintin dans les lieux et faire de la villa une annexe du palais des Beaux-Arts ou le musée de l’Internet. C’est finalement la famille Boghossian qui va l’acquérir et la transformer en un temple de la créativité et du dialogue entre l’Orient et de l’Occident. Un juste retour des choses, pour le fondateur d’Héliopolis-Le Caire. Mes plus belles années de jeunesse, au Liban Même s’il refuse de revendiquer publiquement un tel statut, Jean Boghossian est artiste dans l’âme. La peinture est sa passion et son «?réconfort face au stress professionnel?». Ses œuvres sont souvent exposées dans une galerie parisienne. Par ailleurs, dans un entretien avec la revue Fortis-Qarterly, datée du premier trimestre 2008, il raconte la déportation, après le génocide arménien, de son grand-père, joaillier de son métier, en Syrie puis son arrivée au Liban où «?nous avons vécu nos plus belles années de jeunesse. Entre 1965 et 1973, le Liban était la Suisse du Moyen-Orient?: un pays magnifique, baigné de soleil. Puis la guerre civile a déchiré le pays (...) Quand j’ai vu un petit garçon de dix ans pointer son arme sur moi, en plein cessez-le-feu, j’ai décidé de partir. À 25 ans, je me suis installé en Belgique pour m’investir dans le commerce du diamant?; j’ai ensuite diversifié mes activités dans l’immobilier. J’aime la qualité de vie et la stabilité de ce pays. Ceux qui n’ont connu que cela ne mesurent pas la chance qu’ils ont, car ils ne connaissent pas l’incertitude du lendemain, que vivent ceux qui ne peuvent pas planifier le futur». L’aventure humanitaire L’aventure humanitaire de la Fondation Boghossian a débuté en 1992, avec la création de projets socio-éducatifs au Liban et en Arménie où, suite à la reconstruction d’une partie de Gumri, détruite par un violent séisme, et le financement du collège des Arts (qui permet un accès aux grandes écoles européennes et américaines), du Centre éducatif Boghossian, qui offre logement et éducation aux orphelins, et l’aménagement du parc de la ville et du terrain de jeu et de sport, Robert, Jean et Albert Boghossian ont été nommés citoyens d’honneur en 2002. Ils ont aussi à leur actif l’installation du réseau d’eau potable à Talin, qui alimente dix villages, la rénovation complète des dortoirs du Lycée de physique et de mathématique à Erevan?; la reconstruction du Conservatoire de musique, détruit par le séisme de 1988, qui offre une formation de sept ans aux meilleurs élèves de la région, et l’aménagement, en 2007, du parc Puskin (400?0000 dollars). La fondation a participé également à la construction d’un palais des congrès à Spitak, comprenant une bibliothèque publique, un théâtre d’une capacité de 400 places, une salle de cinéma et une école de langues étrangères. Mais aussi la construction du quatrième bâtiment du centre de colonie de vacances Notre-Dame d’Arménie de Tsaghkazdor, près du lac Sevan, et l’encadrement pédagogique et sportif pour 850 orphelins durant les trois mois d’été. À cela s’ajoute l’octroi du «?prix Président de la République d’Arménie?», qui récompense les élèves qui ont brillé dans les disciplines scientifiques, artistiques et littéraires. Au Liban, sa terre d’accueil, la fondation a cofinancé plusieurs réalisations pour ne citer que l’École technique Mesrobian à Beyrouth, sa bibliothèque et sa salle informatique?; la construction du théâtre Ohannes Boghossian (650 places) à Bourj Hammoud, etc. May MAKAREM
Robert Boghossian, ses fils Jean et Albert, joailliers-diamantaires depuis quatre générations, sa fille Mary Boghossian Salamé, ont choisi d’ancrer leur fondation au cœur de Bruxelles, la capitale de l’Europe. Ils viennent d’acquérir un joyau du patrimoine Art déco, la villa du baron Louis Empain, construite dans les années trente par l’architecte suisse Michel Polak. La...