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Actualités - CHRONOLOGIE

Pakistan - La charia pourrait remplacer l’ancienne législation abolie par le nouveau Premier ministre La fin du code pénal des zones tribales ne fait pas l’unanimité

La disparition prochaine du code pénal spécifique aux zones tribales pakistanaises, frontalières de l’Afghanistan, annoncée samedi par le nouveau Premier ministre Yousouf Raza Gilani, ne fait pas l’unanimité, au nom du respect des traditions de ces régions insoumises. La « Frontier Crimes Regulation », code pénal spécial mis en place par les Britanniques en 1849, fait pourtant l’objet de vives critiques des défenseurs des droits de l’homme, qui dénoncent le principe de responsabilité collective d’une tribu pour les actes commis par un de ses membres, la prééminence du Conseil des anciens (jirga) ou le pouvoir judiciaire absolu accordé à l’« agent politique », un fonctionnaire. L’annonce du Premier ministre survient alors que les zones tribales, peuplées de Pachtouns parents de ceux vivant du côté afghan, sont confrontées à une flambée de violences depuis que des centaines de combattants islamistes liés à el-Qaëda et aux talibans chassés d’Afghanistan y ont trouvé refuge. « Le Premier ministre a gagné les cœurs des habitants des zones tribales en mettant fin à la “Frontier Crimes Regulation” », a d’ailleurs aussitôt réagi le maulvi Omar, porte-parole des talibans pakistanais. « Mais le gouvernement doit, pour répondre à la volonté des habitants de ces régions, annoncer immédiatement la mise en place de la loi islamique », la charia, a-t-il ajouté. La « Frontier Crimes Regulation » est en effet en butte aux attaques des fondamentalistes islamistes, qui jugent qu’elle n’est pas conforme aux principes du droit musulman. Le responsable du parti religieux Jamaat-e-Islami dans la zone tribale de Mohmand s’est lui aussi réjoui de cette annonce. « Il s’agit d’une demande de longue date des habitants de la région. Des milliers de membres des tribus ont été arbitrairement jetés en prison en vertu de cette loi qui date des colonisateurs britanniques », a-t-il déclaré à l’AFP. Des habitants seraient descendus dans la rue dans le Sud-Waziristan pour célébrer cette décision, selon des témoins. Mais les réactions sont parfois plus contrastées, certains craignant de voir disparaître une loi qui respecte le mode de vie traditionnel des tribus. « Au lieu d’abolir la “Frontier Crimes Regulation”, il faudrait l’amender. J’ai peur que le système tribal tout entier ne soit finalement aboli », a ainsi affirmé Haji Mohammad Ali, 38 ans, membre de l’assemblée locale de Mohmand, peu favorable à un changement aussi radical. « Et nous ne savons pas par quelle autre législation elle va être remplacée », a-t-il ajouté. Pour sa part, Rustam Shah Mohmand, ancien fonctionnaire en poste dans les zones tribales, estime que c’est en renforçant les principes tribaux que l’on pourra mettre fin aux violences. « Quand des institutions qui ont fait leurs preuves dans le temps sont affaiblies, on aboutit au désordre », juge-t-il en critiquant la mainmise de l’administration militaire, au détriment de l’« agent politique », fonctionnaire nommé par l’État, dans une étude intitulée Comprendre l’insurrection dans les zones tribales. « L’agent politique vit au rythme des membres des tribus. Il comprend leur fonctionnement mieux que quiconque (...). Sans lui, les membres des tribus se sentent démunis comme jamais. Le désespoir et le sentiment d’abandon peuvent conduire à la violence », explique-t-il. L’armée pakistanaise a engagé quelque 90 000 hommes pour reprendre le contrôle des zones tribales, où vivaient 3,18 millions d’habitants lors du recensement de 1998. Quelque 1 000 soldats, autant de combattants islamistes et des centaines de civils y ont été tués depuis 2003. Thibauld MALTERRE (AFP)
La disparition prochaine du code pénal spécifique aux zones tribales pakistanaises, frontalières de l’Afghanistan, annoncée samedi par le nouveau Premier ministre Yousouf Raza Gilani, ne fait pas l’unanimité, au nom du respect des traditions de ces régions insoumises.
La « Frontier Crimes Regulation », code pénal spécial mis en place par les Britanniques en 1849, fait...