Rechercher
Rechercher

Actualités

SIGNATURE - Jeudi, « Les variations géométriques » de Gebran Tarazi à la librairie al-Bourj à partir de 17h00 À la recherche de la nouvelle Andalousie

Dans un livre-manifeste édité à la Maison des beaux-arts et qu’il signe jeudi à la librairie al-Bourj, Gebran Tarazi expose en une série de dessins mais aussi en textes sa vision d’un nouvel Orient. À partir de variations géométriques sur le thème du Qayem-Nayem, qu’il a pu reproduire en différentes combinaisons et sur des supports différents, l’artiste affranchit le module du carré et le libère. En permettant à des éléments plastiques anciens de se teindre de modernité et d’universalité, cette recherche défriche la voie et balise le terrain d’une pensée nouvelle. L’ouvrage, auquel ont contribué la famille à différents niveaux et les amis (Joe Tarrab pour le conseil technique, Jalal Khoury pour les photographies de l’atelier, Hagop Kanledjian pour celles des tableaux), narre d’abord l’aventure de la peinture, voire du dessin. Une aventure humaine qui s’est prolongée durant quinze ans et qui a nécessité cinq autres pour la mise en page de l’ouvrage. Une recherche qui a commencé par l’écriture d’un roman, Le pressoir à olives, et qui s’est poursuivie avec ces œuvres picturales. Issu d’une lignée d’antiquaires, l’artiste-artisan, malgré des études de droit, n’a cessé de perpétuer la tradition familiale, qui remonte à quatre générations, de concevoir et produire des éléments de « diwans » damascènes. En 1978, il se met à l’écriture pour jeter les bases d’un roman oriental. Il renversait alors les paramètres et instaurait ses propres règles. Mobilité et dynamique Aujourd’hui, poursuivant cette quête incessante, Tarazi réussit à mêler les deux écritures, littéraire et picturale. Une œuvre qui regroupe 147 de ses 250 dessins, tout en expliquant la démarche suivie. De 1989 à 2003, l’artiste va travailler sans relâche, aidé de techniciens (« pour aller plus vite », dit-il). Habité par cette passion soudaine, il mélange les couleurs, les réinvente, se les approprie et les maîtrise. Elles sont ainsi au service des onze premières séries de figures géométriques et abstraites surgies de son inconscient :« L’abstraction géométrique m’a offert le cadre idéal pour chanter ma passion de l’Orient, notre Orient, dit Tarazi. J’ai donc usé de ce thème des carrés et du rectangle, le Qayem-Nayem, en essayant de savoir comment ces modules pouvaient tourner, la couleur jouant le rôle synergique, et j’ai finalement abouti aux permutants qui sont des tableaux amovibles offrant vingt-quatre possibilités. » Si on peut imputer le début de ce travail à un simple plafonnier qui a pu être le déclencheur du « chantier », les causes réelles remonteraient à bien plus loin. À cette enfance ballottée de Gebran Tarazi sur les rives de la « Mare Nostrum », entre un Maroc fait de douleurs et de dangers, une Syrie et un Liban où, là aussi, il ne connaîtra que ruptures et départs, ainsi qu’à ce sentiment d’exil intérieur et de vide culturel ressenti profondément. Besoin d’Orient Les racines, un thème récurrent dans l’œuvre de Tarazi et qui occupent une place aussi essentielle dans les deux expressions qu’il manie en toute liberté . « Je n’approuve pas ceux qui se méfient du mot “racines”. Un écrivain le remplace par le mot “origines”, un poète l’utilise avec circonspection : Peu importent les racines, ce qui compte c’est le fruit. » « Pour comprendre une civilisation, je veux connaître ses racines », avoue-t-il encore. Cela fait très longtemps qu’aucun livre sur l’art islamique arabe n’a été publié alors que l’Occident a connu divers courants et contre-courants artistiques qui ont contribué à l’évolution de la culture. « Se peut-il que cet art demeure figé et n’accompagne plus son temps ? Ou doit-il, pour affirmer son progrès, se mettre au diapason de l’Occident ? » s’interroge Tarazi dans l’ouvrage. Se considérant comme un chrétien d’Orient incapable de revendiquer une nationalité car il n’a connu que des communautés éparpillées et divisées, Gebran Tarazi souhaite redonner à cette culture orientale une structure globale et une spécificité indépendante de l’Occident. « … Si tous les intellectuels et tous les artistes du Mashreq et du Maghreb pouvaient se retrouver dans la création de la nouvelle Andalousie … » C’est ainsi que l’artiste s’exprime dans les pages intercalaires de l’ouvrage, sous le titre de Besoin d’Orient. Sur ces Variations géométriques qui se renferment, s’ouvrent, s’alignent, s’éclatent ou s’envolent, l’artiste dresse un inventaire de vie et solde ses comptes avec lui-même. En jets, les couleurs ainsi que les idées s’entrelacent, créant des figures mais également des formules, nées à la fois de calculs et d’intuition. Comment juge-t-il un travail abouti ? « Lorsqu’une œuvre atteint la transparence et qu’on peut y pénétrer, et lorsqu’aucune couleur ne peut plus être remplacée par une autre », dit-il. « La modernité dans l’art oriental » est possible, semblent affirmer les équations artistiques et les recherches labyrinthiques que Gebran Tarazi a pu compiler et classifier. Pourquoi donc ne pas l’empoigner en respectant cependant les racines et le passé culturel de la région ? C’est ce à quoi invite l’ouvrage, qui jette un pavé dans la mare et qui appelle les autres artistes d’Orient à se joindre à l’auteur pour être l’expression de leur société et de leur époque. Dans cette recherche d’une « forme absolue » et loin de se calfeutrer confortablement dans les langages des prédécesseurs ou des Occidentaux, Tarazi signe sa contribution à l’écriture d’une nouvelle histoire, régénérée, et crée son propre langage. Singulier et authentique. Colette KHALAF
Dans un livre-manifeste édité à la Maison des beaux-arts et qu’il signe jeudi à la librairie al-Bourj, Gebran Tarazi expose en une série de dessins mais aussi en textes sa vision d’un nouvel Orient. À partir de variations géométriques sur le thème du Qayem-Nayem, qu’il a pu reproduire en différentes combinaisons et sur des supports différents, l’artiste affranchit le...